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« Nos avions étaient des poubelles »

© Grégory Boissy

Lors du 10ème jour de procès du crash d’Air Moorea vendredi, c‘était au tour des pilotes de se présenter à la barre. Il a été question avec eux de l’ambiance au sein de la compagnie, de l’état des avions ou encore de leur maintenance. Les anciens pilotes d’Air Moorea considérent qu’ils travaillaient « dans la limite de passer dans le non règlementaire ». « Nos avions étaient des poubelles, mal entretenus », ont-ils encore affirmé.

Un ancien co-pilote d’Air Moorea, Arnaud Santenca, a commencé vendredi à la barre du tribunal par exprimer sa compassion pour les familles des victimes dont il dit partager la douleur. « Je n’ai pas de vérité à donner (…) j’ai fait ma déposition à la gendarmerie et je ne crois pas pouvoir être plus précis aujourd’hui par rapport aux faits ».

Le chef des pilotes d’Air Tetiaroa, Marc Busser, a précisé qu’au moment du crash, il n’était plus à Air Moorea mais à Air Tahiti. Il considère que les rotations entre Tahiti et Moorea étaient soutenues : « il y avait des journées denses ». Il se rappelle d’un incident en raison de « la surcharge des appareils (…), j’avais eu du mal à le faire décoller ».

« Cet accident ne m’a malheureusement pas surpris »

Marc Busser, pilote, avait témoigné en novembre 2007. Il a réaffirmé vendredi à la barre : « on travaillait dans le borderline, dans la limite de passer dans le non règlementaire ». Il a aussi ajouté que cet état d’esprit « était devenu la norme et c’est néfaste (…). Les cadres de la compagnie sont maintenant mis devant leurs responsabilités ». Lors de sa déposition, Marc Busser a aussi déclaré : « je n’ai jamais réellement été serein, tant sur les vols que sur les réparations » car il estimait que « beaucoup de choses sont faites sans le sérieux que j’attendais ».

« Nos avions étaient des poubelles »

Lors de sa déposition le 7 octobre 2007, Arnaud Santenca avait déclaré « il faut absolument qu’Air Moorea change de philosophie (…). J’aimerai que toutes les compagnies investissent dans la maintenance pour effectuer des réparations ». Il avait ajouté qu’il se posait des questions par rapport à un certain nombre de panne conséquentes. Arnaud Santenca estimait que « les mécaniciens attendaient la butée limite pour effectuer les réparations ». Car soit la compagnie n’avait pas les pièces, soit elle n’avait pas les effectifs nécessaires. « On fonctionnait au minimum règlementaire (…) mon sentiment est que nous allions vers un accident grave (…). Nos avions étaient des poubelles et mal entretenus ».

Marc Busser a expliqué que les mécaniciens demandaient à différer les réparations « juste pour assurer le vol ». Il a aussi indiqué que les contacts entre les pilotes et les techniciens ou mécaniciens étaient très rares voire même « interdits » par la direction. Pour le pilote une seule question lui vient à l’esprit : « L’avion pouvait-il voler ou pas au regard de la règlementation ? ».

Arnaud Santenca se souvient de deux incidents sur les Twin Otter, le premier relatif à un « raté sur le moteur gauche » et le second relatif à un mauvais montage de d’alimentation du carburant. Il précise que ces incidents ont été notifié et que l’appareil a été pris en charge « et ensuite on n’a plus la main ».

Marc Busser s’est rappelé lui aussi de deux pannes auxquelles il avait dû faire face. La première, une panne moteur. La seconde, une panne électrique. Autre anecdote du pilote, un bagagiste aux Marquises faisait des réparations avec le mécanicien, alors que ce n’était pas du tout son métier.

Concernant le fameux Twin Otter d’Air Moorea, Arnaud Santenca a affirmé qu’il n’aimait pas du tout cet avion : « parce qu’il n’était pas agréable à piloter (…). L’inefficacité du manche, il fallait tirer dessus jusqu’à ce qu’il soit efficace (…) c’est du ressenti de pilote ».

« Je n’ai pas senti de pressions particulières »

Arnaud Santenca assure ne pas avoir senti de pressions particulières de la direction parce qu’il était co-pilote. Par contre, il a affirmé que les pilotes devaient ressentir une pression notamment commerciale. « Ils avaient un rythme soutenu ». Il considère que l’ambiance était bonne à Air Moorea, car c’était une compagnie à taille humaine. Mais il ajoute qu’avec la maintenance « il y avait des divergences ».

Santurenne était « consciencieux, minutieux » 

Arnaud Santenca considérait son collègue, le pilote du Twin Otter qui s’est écrasé en 2007, comme étant une personne « très consciencieuse, minutieuse » et que ce dernier s’était bien adapté à l’entreprise. Il était « toujours de bonne humeur, très heureux d’être là ». Il a affirmé qu’après le crash, il avait été triste et en colère. « Je me suis dit que j’aurais pu être dans cet avion ».

A la question du tribunal : pourquoi ne pas avoir dénoncé ces dysfonctionnements ? Marc Busser a répondu que les pannes étaient notifiées et que par conséquent l’aviation civile était au courant. « Il n’y a pas lieu d’aller voir d’autres personnes, tout est dans les mains des autorités ». Arnaud Santenca a expliqué que pour une dénonciation « il fallait avoir des preuves, pas des impressions, car on peut s’exposer à des poursuites diffamatoires ».

Notons tout de même qu’à l’inverse de ses collègues, le pilote et responsable des opérations à Air Archipels cité par la défense, Jean-Luc Payan, a affirmé à la barre qu’après avoir entendu l’enregistrement sonore du vol il lui semblait que l’intonation du pilote ressemblait à une personne « qui se sentait défaillir ». Il a estimé que s’il y avait eu une erreur de pilotage, le pilote Santurenne aurait effectivement dit « oh merde ». Il a aussi affirmé qu’il ne s’est, de son côté, « jamais senti inquiété » alors que la maintenance de ses avions d’Air Archipels était assurée par les mécaniciens de Air Moorea.

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1 Commentaire

  1. 20 octobre 2018 à 7h24 — Répondre

    Enfin !

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