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Plage de Temae : « L’intérêt public n’est pas la priorité des autorités »

Plage Temae Moorea

L’association des habitants de Temae présentait ce matin un nouveau recours administratif à propos de la route d’accès au motu. Mais c’est surtout la récente décision du Pays de racheter pour 2,4 milliards une partie de l’ex-domaine Enany à Louis Wane qui font réagir. Trop cher pour trop peu, estime le président du collectif Alain Bonno : les parcelles visées ne garantiraient d’après lui l’accès public « que sur 130 des 550 mètres de la plage de Temae ».

Lire aussi : Moorea : demi-victoire pour les riverains de Temae

La bataille continue pour l’association des habitants de Temae à propos de la route d’accès au motu. Et comme c’est le cas depuis plusieurs mois, c’est bien au tribunal administratif qu’elle a lieu. Début février, le collectif y avait remporté une demi-victoire sur le sujet : les juges avaient ordonné au Pays, qui refusait de territorialiser la route d’accès, de revoir sa copie et de l’intégrer dans son domaine public routier. Mais pas sur toute la « boucle », comme le demandaient les riverains : seules les portions appartenant déjà au Pays et allant du club house du golf au bout de l’aérodrome, en longeant le lac puis la piste, seront, sauf appel, territorialisés. Or, cette route est loin d’être l’accès le plus utilisé pour rejoindre les habitations ou la plage de Temae : le chemin « historique » bifurque de la RT quelques mètres avant l’OPT jusqu’au bout de la piste d’aérodrome en passant par le terrain de beach volley, de pétanque et les installations publiques de la plage.

Refus implicite sur refus implicite

Un chemin qui se trouve être sur une propriété privée, celle de l’ex-domaine Enany, racheté par Louis Wane. L’association avait donc formé une autre demande et essuyé un autre refus implicite, de la part de la mairie de Moorea cette fois, ouvrant la voie au recours étudié ce matin au tribunal. L’idée : faire intégrer cette route passante dans le domaine public communal, comme semble le permettre une disposition récente du CGCT. Un article « qui permet à la commune d’acquérir gratuitement la portion, c’est à dire sans expropriation, au motif qu’elle dessert des habitations », précise l’avocat de l’association Me Lenoir pour qui l’enjeu reste « la desserte de la plage et le reste du village du motu par une voie qui serait entretenue par la commune ».

L’application de ce texte, pourtant, n’a pas convaincu le rapporteur public qui relève que l’article en question – 1841-2 du CGCT – s’applique aux « voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations ». Si la circulation publique sur la route ne fait aucun doute, la magistrate estime que « seulement quelques habitations longent une petite portion de cette voie », tout au bout de la route côté aéroport. Le reste de la voie traverse la forêt et la cocoteraie du terrain Wan plus qu’une zone résidentielle. Et même si elle « dessert » les habitations de Temae depuis longtemps, le rapporteur conclut à l’inapplicabilité de l’article et au rejet de la requête. Le tribunal, qui n’avait pas suivi le rapporteur dans sa dernière décision sur ce dossier, donnera sa réponse le 14 mars.

En orange, le tracé approximatif – car non rendu public par le gouvernement – de la parcelle que projette d’acheter le Pays au groupe Wane. En vert la parcelle du terrain de bach volley déjà détenu par le Pays. En violet, la route traversant l’ex-domaine Enany racheté par le groupe Wane que l’association voudrait faire intégrer au domaine communal.

2,6 milliards pour 18 hectares

Mais plus que l’avenir de ce bout de route, c’est l’avenir de la plage qui occupe Temae, et plus largement les résidents et habitués de Moorea. Et de côté là, l’actualité est plus politique que judiciaire : la semaine dernière, lors de l’étude du premier collectif budgétaire de 2023 à Tarahoi, le Pays a officialisé son intention d’agir pour « maintenir les accès à la mer » à Moorea. Un programme chiffré à 3,5 milliards de francs qui concerne à la fois Temae et Haapiti, du côté du terrain de l’ex-Club Med, a été voté. Sur cette somme, et d’après le ministre des Finances Yvonnick Raffin, 2,6 milliards de francs devraient être consacrés au rachat de trois parcelles du terrain acquis par Louis Wane. Il s’agit d’une parcelle en bout de piste de l’aéroport, d’une autre longeant la piste et d’une partie de la grande parcelle de l’ex-domaine Enany. 18,2 hectares au total, pour répondre, d’après la majorité Tapura, aux demandes du public de conserver en partie l’accès public à la plage. Le tracé exact de l’ensemble du terrain racheté n’a pas été officialisé par le gouvernement. Mais pour les associations, aucun doute, il s’agit du projet déjà évoqué par le Pays, notamment par Jean-Christophe Bouissou, et qui permettrait de créer un grand parc public depuis la zone de l’aérogare jusqu’à la plage, englobant au passage le petit terrain déjà public qui comprend le terrain de beach soccer et les sanitaires. Côté mer, ce seraient ainsi 130 mètres de littoral qui seraient ainsi contrôlés par le Pays. Un plan qui, d’après l’élue d’opposition Christiane Kelley, a été confirmé par la mairie lors d’un conseil municipal de Moorea jeudi dernier, au moment même où l’assemblée votait ce texte.

Une avancée, donc, dans le combat contre la « privatisation » de la plage Temae – juridiquement déjà privée. Mais pas de quoi convaincre l’association des habitants du motu. « Ce que veut racheter le Pays pour 2,6 milliards, c’est en grande partie la zone marécageuse, et la zone de bord de piste, pointe Alain Bonno. Et côté plage, c’est 130 mètres sur 550. La ‘zone réservée’ qui est inscrite au PGA pour faire un jardin public, elle, court tout le long de ces 550 mètres ». La demande ne change donc pas : faire en sorte que les autorités, le Pays ou la mairie, fassent valoir leur droit sur cette zone réservée et rende public l’entièreté de la bande côtière, jusqu’au Sofitel. « Une zone aujourd’hui non-constructible, note au passage Alain Bonno, et qui devrait donc être beaucoup moins chère pour le Pays ». D’après lui, la Polynésie s’apprêterait à payer « trop cher » pour trop peu. « On se pose la question : tout cela est fait dans l’intérêt de qui ? Des contribuables, qui pourraient bénéficier de 550 mètres de plage ? Ou est-ce que c’est fait dans l’intérêt du groupe Wane, et tous ceux qui vont opérer sur cette affaire, pour ‘offrir’ à la population 130 mètres de plage ? Pour nous il y a pas photo : l’intérêt public n’est pas la priorité du gouvernement et des autorités de l’île ». 

Lors de la séance à l’assemblée, jeudi dernier, Yvonnick Raffin a précisé que les tarifs de ces parcelles n’étaient pas le fruit d’une discussion avec le propriétaire, mais des calculs d’une commission ad hoc. Une commission qui a maintenu son estimation passée sur les parcelles de bout et de bord de piste à 8 100 francs le mètre carré, mais qui l’a « réévaluée » en ce qui concerne le reste du terrain, à 19 000 francs le mètre carré. Suivant ce barème le Pays devrait payer, en moyenne, 13 000 francs le mètre carré pour faire l’acquisition de ces 18 hectares. Louis Wane aurait d’ores et déjà accepté un paiement échelonné de la collectivité : le Pays paiera en trois fois, entre 2023 et 2025.

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