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Pourquoi « Mamie loto » risque la prison

© Capture d'écran Google map

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DÉCRYPTAGE – Une septuagénaire comparaît jeudi pour avoir organisé 169 loteries caritatives en quatre ans. Qu’a-t-elle fait de mal ?

Yvette Bert, 76 ans, ne comprend toujours pas ce que la justice lui reproche. Jeudi, elle comparaît devant le tribunal correctionnel d’Arras pour avoir… organisé trop de loteries, soit 169 en un peu plus de quatre ans. Les recettes de ces manifestations étaient reversées à des œuvres caritatives. Mais elles n’en sont pas moins illégales.

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« Mamie loto », surnom que lui donnent les habitants de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, où elle réside dans un foyer pour personnes âgées, est poursuivie par la douane pour « ouverture de cercle de jeux clandestin, absence de comptabilité, non-déclaration de recettes et non-paiement de l’impôt sur les établissements de jeux ». Elle encourt ainsi trois ans de prison et 90.000 euros d’amende.

>> Mais qu’à-t-elle à se reprocher ? Est-il interdit d’organiser des loteries ? Décryptage.

Les loteries sont autorisées quand… D’après une loi de 1836, « les loteries de toute espèce sont prohibées », sauf autorisation de l’Etat. Selon la loi, une loterie est un jeu ouvert au public, dans lequel un gagnant est tiré au sort. Aujourd’hui, seule La Française des jeux y est autorisée à grande échelle et dans un but commercial. Mais il y a des exceptions : une association peut organiser une loterie, si elle a « statutairement comme activité principale la bienfaisance, l’encouragement des arts ou la pratique d’une activité sportive », détaille le site assistant-juridique.fr. L’association doit ainsi être « en mesure de justifier l’emploi de la somme » récoltée après la loterie. Le gagnant, quant à lui, ne peut ni gagner d’argent en espèce, ni de bien immobilier.

En quoi Yvette Bert n’a pas respecté la règle ? « Mamie loto » pouvait donc bien organiser une loterie pour financer les œuvres caritatives de son choix. D’autant qu’elle a déposé un statut de loi 1901 pour créer une association, « Ensemble pour l’espoir », en 2006. Le hic : même dans le cadre d’une œuvre caritative, chaque organisateur doit payer des taxes au-delà de six loteries par an. Or, Yvette Bert en a organisé 169 entre 2009 et 2013 sans s’acquitter des impôts dus : elle aurait dû payer au fisc 88.000 euros d’impôts, sur les 460.753 euros de recettes de ses loteries.

En outre, les recettes d’une loterie ne doivent pas servir à rembourser les frais d’organisation (loyer des salles, paiement des lots, des éventuels divertissements…) à plus de 15%. Et, de l’aveu même d’Yvette, l’argent collecté finançait surtout ce type de frais. « Quand il restait 5.000 euros, je les remettais à une association », précise-t-elle à l’AFP. Enfin, aucune publicité n’est autorisée, hormis une affichette à l’entrée. Et selon les douanes, Yvette Bert en avait affiché plusieurs.

© Capture d'écran Facebook

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« J’organiserai des lotos pour les prisonnières ». « J’ai l’impression qu’on me reproche d’avoir pris des sous. Mais vous savez, ce que je regrette le plus, c’est de ne pas en avoir pris. Au moins je serais condamnée pour quelque chose », a déclaré à la septuagénaire. « J’ai l’impression qu’on veut faire de moi un exemple pour que les autres arrêtent d’en faire, et c’est sur moi que c’est tombé », regrette-t-elle. « Ca m’est égal d’aller en prison, c’est sauver mon honneur que je veux », dit-elle. « Si je vais en prison, et bien j’organiserai des lotos pour les prisonnières ».

Pourquoi une loi aussi sévère ? Selon le parquet, « Mamie Loto » devrait toutefois échapper à la peine maximale. « Il n’y a aucun intérêt pour le parquet à ce que cette dame soit assommée par une lourde peine d’emprisonnement. Le but du jeu, c’est qu’on comprenne bien que c’est un délit », déclarait au Figaro Adam Chodkiewiez, substitut du procureur d’Arras, en juillet dernier.

Car la loi n’a pas été créée pour des cas comme celui de la septuagénaire. Elle sert avant tout à lutter contre « l’enrichissement vertigineux et, surtout, leur lien étroit avec les milieux du grand banditisme », écrit Le Figaro, citant les douanes. En mars 2013 par exemple, une association loi 1901 a été démantelée vers Marseille pour avoir blanchi au moins 1,5 millions d’euros d’origine criminelle, en deux ans. Bien loin des préoccupations de « Mamie » loto.

>> NB. Une loterie n’est pas à proprement parler un loto. Un loto (également appelé rifle, bingo, quine, carton plein ou poules au gibier) consiste précisément à recouvrir complètement les cases numérotées d’une grille avec des jetons, tirés au sort, portant les chiffres correspondants. Et d’autres contraintes s’ajoutent pour en organiser un lorsqu’on ne s’appelle pas La Française des jeux. Le public doit par exemple être « restreint » et chaque participant ne doit pas miser plus de 20 euros (pour le détail, c’est par ici).

Source : Europe1

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