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Premier hommage ému des Cubains à leur "Comandante" Fidel Castro

La Havane (AFP) – Des centaines de milliers de Cubains ont défilé dans le calme et avec émotion lundi place de la Révolution à La Havane, théâtre d’innombrables discours fleuves de Fidel Castro, devant des portraits du « Comandante » mort vendredi à l’âge de 90 ans.

Après être restés plutôt discrets pendant deux jours, ses inconditionnels laissaient parler leur émotion pour ce premier temps fort d’une semaine d’hommages au père de la Révolution cubaine. 

Celle-ci culminera avec les funérailles dimanche à Santiago de Cuba (est) de l’ex-président, figure de la Guerre froide qui a forgé le destin de son pays avant de céder le pouvoir à son frère Raul en 2006, pour raisons de santé.

« Notre commandant est passé à l’immortalité », assure, très ému, Pedro Alvarez, professeur d’université de 36 ans. Il défile devant l’un des trois portraits en noir et blanc de Fidel Castro installés sur la vaste esplanade où la voix du Lider Maximo a souvent résonné lors de tonitruants et interminables discours.

En mars, Barack Obama avait été le premier président américain depuis 1928 à poser le pied sur cette place emblématique, signe du dégel historique amorcé fin 2014 avec son homologue Raul Castro. 

Un rapprochement qui se trouvait lundi brusquement menacé par le président élu des Etats-Unis Donald Trump, qui a averti dans un tweet qu’il « mettrait fin au dégel avec Cuba Si Cuba ne veut pas sceller un meilleur accord pour le peuple cubain ».

La Maison Blanche a très vite réagi en défendant le rapprochement avec Cuba, qui a « été bénéfique pour le peuple cubain et a aussi été bénéfique pour le peuple américain ».

Les déclarations de Donald Trump ont déconcerté et indigné les Cubains rencontrés place de la Révolution.

« Il est stupide! Déclarer de telles choses un jour comme celui-ci, où le peuple est en deuil (…) Il n’a aucun respect », s’est irrité Maurico Paz Acosta, 76 ans, vétéran de la guérilla qui porta les castristes au pouvoir en 1959.

Michael Shifter, président du centre de réflexion américain Inter-American Dialogue, n’est « pas surpris » par ces déclarations. « La mort de Castro oblige (Trump) à prendre position pour satisfaire les Cubano-Américains du Parti républicain et se différencier d’Obama », assure l’expert, se disant encore incertain quant aux intentions de M. Trump vis-à-vis de Cuba.

Hasard du calendrier, le premier vol commercial régulier entre les Etats-Unis et La Havane en plus de 50 ans a atterri lundi matin en provenance de Miami (sud-est).

Depuis le 31 août, plusieurs compagnies américaines compagnies assuraient déjà des liaisons régulières avec plusieurs villes de province.

 – ‘Il m’a tout donné’ –

Mardi soir, les hommages à Fidel Castro se poursuivront avec une « cérémonie de masse » à laquelle ont été conviés la communauté diplomatique et les chefs d’Etat étrangers, alors que beaucoup s’attendaient à ce qu’ils soient plutôt invités aux funérailles à Santiago de Cuba, berceau de la Révolution.

L’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder représentera l’Allemagne aux funérailles, a annoncé lundi soir le gouvernement allemand après avoir dénoncé les violations des droits de l’homme sous le régime castriste.

C’est au cimetière de Santa Ifigenia de Santiago de Cuba, qui abrite déjà la tombe du héros national de l’indépendance Jose Marti, que les cendres du Lider Maximo seront mises en terre.

Avant cela, elle auront été transférées de La Havane à Santiago lors d’une procession sur un millier de kilomètres, de mercredi à samedi.

Contrairement à ce que beaucoup espéraient place de la Révolution, l’urne n’a pas été présentée lundi au public qui défilait à un rythme soutenu, et sans marquer de pause, devant les photos dont l’une représentait Fidel Castro en pied et de profil, sac au dos et casquette sur la tête, scrutant l’horizon à l’époque où il menait la guérilla dans les montagnes de la Sierra Maestra.

Emu, Alberto Gonzalez, médecin de 63 ans en blouse blanche, pensait voir l’urne. « Mais ce n’est pas l’essentiel, le plus important, c’est d’être ici et de lui rendre hommage ».

« Je suis arrivée à 18H00 hier (dimanche), je n’ai pas de mots », confie Josefina Vayan Bravo, femme de ménage de 44 ans, avant d’éclater en sanglots. 

Lourdes Rivera, fonctionnaire retraitée de 66 ans, assise sur le trottoir avec son bouquet de glaïeuls, renchérit: « C’est le père de tous les Cubains, mon papa était mon papa, mais il n’a pas pu me donner ce que (Fidel) m’a donné. Il m’a tout donné, la liberté, la dignité ».

Ecoliers, militaires, vétérans, médecins et infirmiers, douaniers, beaucoup portent l’uniforme. Alentour, une discrète présence policière est visible. 

Certains immortalisent l’évènement avec leurs téléphones portables, beaucoup ont les larmes au yeux, et regardent une autre photo géante du célèbre « barbudo » sur la façade du bâtiment très stalinien de la Bibliothèque nationale.

 – Les dissidents ‘tranquilles’ –

En vertu du deuil national décrété de vendredi à dimanche, les rassemblements et spectacles ont été annulés, les matches de baseball suspendus, les discothèques fermées et la vente d’alcool interdite. 

L’hommage à Fidel Castro laissait en revanche de marbre la plupart des dissidents, qui ont choisi de rester discrets pendant ces neuf jours de deuil par respect, mais aussi par crainte de cinglantes représailles.

« On va rester tranquille, même si (Fidel) est le principal responsable de la misère et de l’absence de droits politiques à Cuba », explique Jose Daniel Ferrer, dissident historique et ex-prisonnier politique.

Passé le deuil, les dissidents assurent qu’ils reprendront leur lutte contre le régime. « Nous allons continuer à combattre le système que (Fidel) a créé. C’est cela, notre véritable ennemi », assure M. Ferrer.

Daniel Martinez, cuisinier de 33 ans, ne porte pas non plus Fidel Castro dans son coeur, mais ne cautionne pas pour autant la liesse exprimée par une partie de la communauté cubaine de Floride. « Je ne suis pas castriste mais je n’ai rien de personnel contre Fidel. Sans me considérer comme opposant, je n’aime tout simplement pas ce système, ni avec Fidel, ni avec Raul. Parce que rien ne change ici, rien ne bouge ».

Les cubains font la queue pour rendre hommage à Fidel Castro à La Havane, le 28 novembre 2016. © AFP

© AFP PEDRO PARDO
Les cubains font la queue pour rendre hommage à Fidel Castro à La Havane, le 28 novembre 2016

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