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Première traversée pour l’Apetahi Express : aux Raromata’i, « on était impatients »

Après plusieurs années sans desserte, la nouvelle ligne du groupe Degage a fait sa première traversée de Tahiti vers Huahine, Raiatea et Bora Bora ce matin. En attendant un nouveau catamaran sur mesure, c’est l’Aremiti 5 qui a été remis en état de marche pour se charger de ces trois rotations par semaine. Côté Tahiti ou côté îles Sous-le-Vent, on salue le retour de cette option plus économique que l’avion.

Trois ans de réflexion, trois mois de rénovation, et joli coup de sirène, ce matin pour le départ de la traversée inaugurale de l’Apetahi Express. Une ligne et nouvelle société du groupe Degage en attendant, d’ici deux à trois ans, un navire éponyme et spécialement conçu pour la desserte des Raromata’i (lire plus bas). D’ici là, c’est l’ancien ferry de la société sœur qui a été mis à profit : l’Aremiti 5, retiré de la liaison Tahiti – Moorea depuis 2019, et rénové ces derniers mois, a quitté le port de Papeete à 6h30 ce vendredi pour une traversée de 3h30 vers Huahine. Comptez 1h30 de plus, escale incluse pour Raiatea, et autant pour Bora Bora, atteint aux environs de 13 heures. Retour programmé ce samedi par le même parcours, répété trois fois par semaine. « D’ici le mois de mai, on aura aussi Taha’a sur l’itinéraire », précise Tuanua Degage, pas peu fier de concrétiser ce projet que le groupe familial « avait en tête depuis bien longtemps ». Et tant pis si plus de la moitié des 500 places du navire sont restées vides pour ce voyage inaugural : le « bouche à oreille est lancé ». La preuve : les quelques dizaines de personnes amassées sur les quais pour accueillir le navire en musique à chaque étape. Et les réservations pour le long week-end de Pâques qui sont « déjà presque pleines ».

La réouverture de la ligne a représenté une embauche d’une quinzaine de personnes pour la nouvelle société sœur d’Aremiti.

Une ligne réputée difficile

Il faut dire que liaison Tahiti – îles Sous-le-Vent a connu bien des rebondissements. Certains se souviennent du Raromata’i Ferry qui faisait la traversée dans les années 80, du Ono-Ono qui lui a succédé la décennie suivante. D’autres ont déjà eu l’occasion de voyager sur la ligne avec l’Aremiti 3, l’Aremiti 4, ou le Corsaire, tous exploités par le même armateur avec plus ou moins de succès. En 2011 c’est Bill Ravel qui se lançait dans l’aventure avec son King Tamatoa… pour seulement quelques mois. Trop chère, trop longue, trop éprouvante, la liaison est réputée difficile du point de vue de la navigation autant que de la rentabilité. « Si elle est relancée aujourd’hui, c’est parce que des opérateurs ont trouvé le bon type de navire, mais aussi grâce au soutien du Pays, sur les tarifs préférentiels du carburant notamment », se félicite Jean-Christophe Bouissou, ministre en charge des transports interinsulaires, invité de ce voyage inaugural. Aucun doute : l’Apetahi Express restera à flot « grâce à ses tarifs ». Avec un aller-retour à partir de 14 000 francs pour Raiatea (12 800 pour Huahine, 16 200 pour Bora Bora), le billet est presque deux fois moins cher que l’avion, et permet d’emporter jusqu’à 46 kilos de bagages par personne. « C’est sûr que ça ouvre des possibilités, note Terii, habitant de Papeete, qui n’aurait pas programmé « de sitôt » son weekend familial à Huahine sans ces nouvelles offres. C’est un peu plus long que l’avion, mais c’est plus pratique : tu viens, tu montes, tu prends ce que tu veux ».

Navire sur-mesure en 2023

Pour Tuanua Degage, « l’économie de la ligne repose surtout sur le confort des passagers ». Et de ce côté tout le monde n’a pas que de bons souvenirs. « Quand il y a de la houle, du maramuu, ça peut vraiment être dur, surtout au retour, rappelle Vaiani, qui va à Raiatea plusieurs fois par an. Avant, il y en a qui préféraient payer plus pour l’avion pour ne pas être malades ». Malgré quelques grains, la traversée vent dans le dos était relativement confortable ce vendredi. Il faut dire qu’avant de reprendre la mer l’Aremiti 5 a été rénové et rééquipé, avec de nouveaux moteurs et de nouveaux stabilisateurs, notamment. Des nouveaux sièges sont aussi commandés. Mais les traversées par mauvais temps ou face au vent s’annoncent plus sportives et plus longues. Le groupe Degage le sait bien, et ne veut pas en rester là : un nouveau navire, « le vrai » Apetahi Express, comme l’appelle déjà l’équipage, doit être commandé dans l’année au chantier Austal, et la construction pourrait ensuite prendre un an et demi. Trois milliards de francs pour un catamaran de 65 mètres et 500 places, construit sur mesure pour la haute mer. Il devrait lui aussi embarquer 500 passagers, du fret, mais aucun véhicule pour s’assurer 36 nœuds de vitesse de croisière. Soit un Tahiti – Huahine en 2h30 seulement. « Nous avions étudié la possibilité d’un trimaran il y a quelques années, mais le projet était trop cher et n’est jamais arrivé au bout, reprend Tuanua Degage. C’est quand on m’a présenté ce design novateur qu’on relancé le projet ». Rendez-vous en 2023 « si tout va bien », donc. Pourquoi donc ne pas avoir attendu ? « On avait un bateau et la demande était là », reprend le fils d’Eugène Degage. La concurrence aussi : Terevau doit recevoir son Piti dans les semaines à venir et le lancer, à moindre fréquence, sur la ligne des Raromata’i. A Huahine comme à Raiatea, on salue ce succès soudain. « C’est sûr que la population des Raromata’i le demandait depuis longtemps, on était impatients », rappelle le tavana d’Uturoa Matahi Brotherson. Seules craintes déjà exprimées par ses administrés, celle de voire débarquer des « pêcheurs de Tahiti », avec remorques et bateaux. Qui ne pourront finalement pas embarquer à bord de l’Apetahi Express. « Certains attendent de voir comment cette reprise va se passer, confie le maire. Mais c’est sûr que ça ne peut que nous aider à nous développer ».

De la concurrence mais pas de doublon, assure Jean-Christophe Bouissou

A bord de l’Apetahi Express, ce vendredi, certains ne cachent pas leur soulagement de n’avoir pas eu à débourser le prix d’un billet d’avion. La nouvelle ligne concurrence directement Air Tahiti, déjà dans une situation financière difficile. D’après certaines études préparatoires, ce serait 15 à 20 % du marché des résidents qui pourrait être capté par le maritime dans les prochaines années. « Mais la clientèle cible, ce sont aussi les familles et les gens qui n’auraient pas pu voyager, note Jean-Christophe Bouissou. Il ne s’agit pas que de prendre des parts : cela va plutôt participer à élargir le marché ». Même idée d’une « offre complémentaire » entre l’Apetahi Express et le Terevau Piti, qui bénéficient tous les deux d’autorisations d’exploitations sur la ligne. « Le nouveau Terevau vise une dizaine de rotations par an seulement vers les Raromata’i, avec une offre mixte, reprend le ministre en charge des transports interinsulaires. Ce n’est pas un navire à grande vitesse : il se positionne sur les passagers, mais a surtout des objectifs sur le fret ». Avis de turbulence pour les goélettes, donc ? Non plus, assure le ministre : le Terevau Piti viendra d’après lui, là encore, « compléter l’offre » de livraison, vers Tahiti ou en inter-îles. Les autres projets vers les iles Sous-le-Vent, et notamment le bateau de croisière Le Polynésien, ont visiblement été gelés par la crise. « Mais nous allons continuer à soutenir le renouvellement de la flottille qui dessert nos archipels », prévient le ministre. Le groupe Degage, justement, pourrait bientôt faire des annonces concernant les Tuamotu.

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