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Présidentielle : l’abstention est une « sanction politique » contre les élus locaux

La participation, historiquement basse lors du premier tour, remontera-t-elle ce samedi 23 avril, lors du deuxième tour de la présidentielle ? C’est ce que semble penser le politologue Sémir Al Wardi, qui était l’Invité de la rédaction ce mardi midi sur Radio1. Mais le chercheur de l’UPF estime surtout que c’est aux hommes politiques locaux de convaincre les abstentionnistes. Car le désintérêt pour les urnes est avant tout une défiance à leur égard. Si la participation ne remontait pas samedi, ce serait la « confirmation d’une sanction politique pour la classe politique locale ».

142 000 Polynésiens, soit plus de 69% des inscrits, ne se sont pas déplacés pour voter au premier tour de l’élection présidentielle. Au lendemain du vote, c’était surtout le désintérêt historique du fenua pour ce scrutin national qui était mis en avant. Culture politique distincte de la métropole, programmes des candidats peu concernants, statut d’autonomie… « Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les Polynésiens sont détachés de cette vie politique métropolitaine, qu’il ne connaissent pas », reprend Sémir Al Wardi. Citant une étude ancienne réalisée par Jean-Marc Regnault à Mahina et Papeete, et constatant des évolutions récentes dans le rapport à la politique ou à l’information, il estime « qu’environ 30% » des électeurs polynésiens votent à la présidentielle en fonction du débat national. Le reste suivant plutôt les appels d’élus locaux : cette majorité « vit en fait une politique locale qui est considérée comme une vie politique nationale », pointe-t-il.

L’abstention plutôt que les directives des tavana

Mais le fait que ce détachement se soit nettement accentué depuis 2017 – la participation a perdu 8 points d’une élection à l’autre – dénote autre chose pour le politologue. « On sait depuis longtemps que la majorité des Polynésiens est complètement désintéressée de la politique nationale, mais cette majorité suivait les directives des tavana, explique-t-il. Mais aujourd’hui l’abstention a plus ou moins remplacé ces directives-là. Donc c’est grave pour la classe politique locale ». L’exemple mis en avant : le soutien, au premier tour, de Gaston Flosse et du Amuitahira’a à Valérie Pécresse qui ne récolte que 4 800 voix au fenua.

Pour le maître de conférences de l’UPF, la participation devrait « normalement » remonter au second tour. « Ça a été le cas en 2017, on était passé de 49,35% à 58.94%, précise-t-il. Mais maintenant c’est le rôle des hommes politiques polynésiens d’amener les abstentionnistes à voter. Autrement, on est dans la sanction politique confirmée ».

L’enjeu est d’autant plus important que plusieurs scrutins sont concernés : en 2008, un an après une présidentielle boudée par les Polynésiens, les territoriales avaient connu une participation notoirement basse, rappelle le chercheur.

Éric Zemmour « a accaparé cette idée extrémiste », mais Marine Le Pen « est bien d’extrême-droite »

« Une élection en cache toujours une autre » ,rappelle Semir Al Wardi. Dans le cas de cette présidentielle, les partis ont déjà les yeux tournés vers les législatives de juin, bien sûr, mais surtout vers les territoriales de 2023. Du Tapura, qui, vu son assise parmi les tavana « pouvait s’attendre à mieux » que les 24 000 voix obtenues le 23 avril, au Amuitahira’a qui aimerait se replacer au centre du débat misant de nouveau sur Marine Le Pen, le Tavini qui veut renforcer son discours par l’abstention… « Chacun essaie de se compter », continue l’invité de la rédaction. Et Éric Minardi n’a pas tort de déclarer que « voter Macron, c’est voter Fritch ». En revanche, malgré les coups de gueule récurrent du président du Te Nati – Rassemblement national sur le sujet, le politologue estime légitime de ranger Marine Le Pen dans « l’extrême-droite ». « Il est évident que l’extrême-droite ne veut pas se qualifier d’extrême-droite, pour la raison très simple que dans l’histoire ça fait appel à une idéologie qui provoque un rejet, explique-t-il. Il est vrai aussi que Marine Le Pen a pu donner une image beaucoup plus sereine parce qu’Éric Zemmour a accaparé cette idée extrémiste. Mais dans l’absolu ça ne change rien« . Le « fonctionnement des idées politiques » et le programme de la candidate, sur la question de la migration, de la fermeture des frontières, « mais pas seulement » – il cite la vision économique « parfois plus proche de Mélenchon que du libéralisme économique » – correspondrait, selon le chercheur au champ de l’extrême-droite.

Il estime tout de même que le débat télévisé organisé cette nuit en métropole entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron sera un témoin important de ce positionnement : « On va voir si elle va revenir sur le fond idéologique du rassemblement national ou pas ».

Pas de recomposition en vue pour le paysage local

L’autre fait marquant de cette élection, au niveau national comme au niveau local, c’est le score abyssal des « partis de gouvernement » de droite et gauche. Moins de 7% en cumulé pour le PS et les Républicains (ex-UMP, ex-RPR), deux partis qui cumulaient 55 à 60% des votes il y a encore 10 ans. Cette reconstruction du paysage politique peut-elle s’étendre à la Polynésie ? « C’est compliqué parce que pour le moment on est encore avec les trois grands partis. À chaque fois que quelqu’un essaie de sortir du triptyque, ils n’y arrivent pas. Donc si ce phénomène est possible, à mon avis, ça prendra beaucoup de temps », reprend Sémir Al Wardi. Les prochaines élections devraient indiquer si Tauhiti Nena, Nuihau Laurey ou Nicole Sanquer, par exemple, arrivent à briser les habitudes. Mais l’autre caractéristique du paysage politique polynésien, ce sont les metua sur lequel il s’appuie : « lorsque ces metua ne seront plus là, on va reconfigurer le système politique, certainement ».

Autre facteur de recomposition : l’arrivée dans le corps électoral d’une jeunesse plus diplômée, plus intéressée par les enjeux politiques nationaux et internationaux, peut-être moins liée aux partis traditionnels et qui pourraient voter différemment de leurs aînées… À condition qu’ils votent, bien entendu.

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