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Procès Cahuzac: l'ex-ministre doit s'expliquer les tribulations de son argent

Paris (AFP) – Après avoir entraîné le tribunal correctionnel de Paris sur la piste du financement politique au premier jour de son procès pour fraude fiscale, l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac doit mercredi s’expliquer sur les tribulations de son argent caché à l’étranger, de la Suisse à Singapour.

A la reprise de l’audience, le procureur Jean-Marc Toublanc a toutefois souhaité revenir quelques instants sur les propos fracassants de l’ancien élu socialiste lundi.

L’ancien héraut de la lutte contre l’évasion fiscale, boxeur à ses heures, avait savouré l’effet de sa déclaration lâchée dans la torpeur de l’après-midi: le premier compte ouvert à sa demande en Suisse en 1992 par un ami était destiné à « financer » le courant politique de Michel Rocard.

C’est la première fois qu’il affirmait que ce compte ouvert à la banque genevoise UBS par l’avocat proche de l’extrême droite Philippe Péninque avait servi « de novembre 1992 à mai 1993 » au financement des activités politiques d’un homme dont il espérait « qu’il aurait un destin politique national ».

Tout en se disant « certain que Michel Rocard ignorait tout », Jérôme Cahuzac a refusé de livrer le moindre nom au sein de l’équipe de l’ex-Premier ministre socialiste (1988-1991), décédé le 2 juillet.

Il n’est pas jugé pour cela: un temps évoquée dans la presse, la piste du financement politique n’avait pas été retenue par les juges d’instruction. Mercredi, Cahuzac répète que « deux versements » ont été effectués par le laboratoire Pfizer, se souvient que « trois ou quatre » laboratoires ont participé au financement politique.

Le président de la 32e chambre correctionnelle Peimane Ghaleh-Marzban relève qu’il n’y a eu qu’un seul retrait sur ce compte. Si cet argent est destiné à financer les activités de l’équipe de Rocard, « comment vous payez le loyer? »

Jérôme Cahuzac n’a pas de réponse, « imagine » que « ces avoirs devaient servir à des dépenses ultérieures », peut-être en vue des élections. « Ou alors cela percute votre version », rétorque le président, qui fait courtoisement remarquer au prévenu que les procédés qu’il décrit « sont les mêmes mécanismes » que dans les affaires criminelles touchant au grand banditisme.

– ‘Tester la vérité’ –

Reprenant la main, le procureur Toublanc relève des « incohérences » dans les déclarations de l’ancien champion de la rigueur budgétaire: il collecte de l’argent qui n’est pas utilisé, il démarche les laboratoires mais ne fait pas de lobbying…

L’homme qui a menti pendant des mois, niant « les yeux dans les yeux » de la Nation et du président avoir eu un compte caché, jusqu’à la chute en mars 2013, assure qu’il dit la « vérité » au tribunal.

« Je ne me suis jamais servi de cet argent. Je le répète, c’est très important pour moi », a plaidé l’ancien chirurgien esthétique. Il a expliqué que les avoirs accumulés sur ce premier compte – 3 millions de francs, ce qui équivaudrait aujourd’hui à quelque 600.000 euros – avaient été transférés sur un nouveau compte personnel ouvert en juin 1993 à l’UBS.

« Dans ce dossier, c’est un constat, relève le président, les choses, vous ne les avez reconnues que quand on vous a présenté les éléments. Quand vous invoquez la vérité, le tribunal entend ce que vous dites, mais on doit la tester, on travaille sur pièces ».

Le président a prévenu qu’il faudrait « aller dans les détails », pour « comprendre » comment un ministre chargé du redressement fiscal de la France a pu avoir un compte caché en Suisse.

C’est ce compte n°557847, nom de code « Birdie » – « un coup d’avance » au golf -, qui va faire l’objet d’un examen minutieux ce mercredi. C’est à partir de ce compte, transféré à la banque Reyl en 1998, que les fonds vont se promener de Genève à Panama, de Panama aux Seychelles, pour atterrir enfin à Singapour.

C’est de cette fraude « sophistiquée » dont l’ancien ministre doit répondre. Pour fraude fiscale et blanchiment, Jérôme Cahuzac encourt jusqu’à sept ans de prison et un million d’euros d’amende.

Son ex-épouse Patricia Ménard, qui a elle aussi dissimulé de l’argent à l’étranger, et leurs anciens conseillers, le banquier François Reyl et l’ex-avocat Philippe Houman, sont jugés avec lui.

Le procès est prévu jusqu’au 15 septembre.

Jérôme Cahuzac à son arrivée au palais de justice pour l'ouverture de son procès le 5 septembre 2016 à Paris. © AFP

© AFP PHILIPPE LOPEZ
Jérôme Cahuzac à son arrivée au palais de justice pour l’ouverture de son procès le 5 septembre 2016 à Paris

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