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Putsch en Turquie: offensive contre les médias, nouvelle Constitution annoncée

Istanbul (AFP) – Une quarantaine de journalistes ont été victimes lundi, dix jours après le coup d’Etat manqué du 15 juillet, des purges tous azimuts lancées par le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a promis d’élaborer une nouvelle Constitution avec l’opposition.

Des mandats d’arrêt ont été émis par la justice à l’encontre de 42 journalistes, dont la célèbre Nazli Ilicak. Il s’agit du dernier épisode d’une chasse aux sorcières déclenchée contre les partisans de Fethullah Gülen, prédicateur exilé aux Etats-Unis et accusé par Ankara d’avoir ourdi le putsch – ce que l’intéressé nie.

Parallèlement à cette offensive contre les médias, Recep Tayyip Erdogan a eu lundi, dans un rare geste d’unité, un entretien de près de trois heures avec deux responsables de l’opposition.

« Tous les principaux partis sont prêts à commencer à travailler à une nouvelle Constitution », a déclaré à l’issue de cette rencontre le Premier ministre Binali Yildirim. 

Il y aura d’abord « un petit changement » constitutionnel. « Le travail est en cours à ce sujet », a-t-il dit.

La Constitution actuelle a été élaborée après un précédent coup d’Etat, en 1980, et le gouvernement appelle depuis longtemps à son changement.

Le dirigeant du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, qui avait jusqu’alors juré qu’il ne mettrait jamais les pieds au palais présidentiel, en est ressorti en se déclarant satisfait de cet « entretien positif (pour la) normalisation ».

M. Erdogan avait aussi invité le chef du Parti de l’action nationaliste (MHP, droite), Devlet Bahceli.

Sur les 42 journalistes visés par des mandats d’arrêt, cinq ont été déjà arrêtés et 11 auraient quitté le pays, a assuré lundi l’agence de presse privée Dogan. La police recherchait dans la station balnéaire de Bodrum (ouest) Nazli Ilicak, figure de premier plan du monde des médias en Turquie. 

Mme Ilicak avait été limogée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 pour avoir critiqué des ministres impliqués dans un scandale de corruption.

– Inquiétudes occidentales –

« C’est le dernier signe alarmant dans ce qui devient de plus en plus une purge éhontée fondée sur l’appartenance politique », a jugé l’ONG Amnesty International.

Le monde des médias avait déjà été frappé par la purge avec le retrait, le 19 juillet, des licences de nombreuses chaînes de télévision et de radio.

Par ailleurs, lors d’une nouvelle descente de police lundi, 40 suspects de l’académie militaire d’Istanbul ont été arrêtés, selon l’agence progovernementale Anadolu.

Et 31 universitaires, dont des professeurs, ont été placés en garde à vue à l’issue de coups de filet dans des milieux supposés gulenistes d’Istanbul, a indiqué Dogan.

La purge s’est étendue également à la compagnie nationale Turkish Airlines: le fleuron du transport aérien turc a annoncé le licenciement de 211 employés en raison de leurs liens allégués avec Gülen.

Le chef d’état-major Hulusi Akar, qui avait été retenu en otage par les putschistes lors de cette dramatique nuit du 15 au 16 juillet, a assuré aux procureurs lundi que les conjurés lui avaient proposé de parler directement avec Gülen s’il se ralliait à eux.

« Je leur ai dit +vous faites fausse route (…), ne faites pas cela, ne versez pas le sang+ », a expliqué Le général Akar. Ce à quoi le chef rebelle Mehmet Disli aurait répondu : « C’est le chemin que nous avons pris. C’est sans retour. »

Après 10 jours de cavale, sept soldats suspectés d’avoir fait partie du commando ayant attaqué l’hôtel de Marmaris (ouest) où se trouvait en vacances le président au début du putsch ont été placés en garde à vue. Trois d’entre eux ont été capturés lors d’un contrôle routier, dans le cadre d’une vaste chasse à l’homme.

Depuis le putsch raté, plus de 13.000 personnes ont été placées en garde à vue, 5.800 en détention et près de 50.000 fonctionnaires suspendus ou limogés, dans le cadre de la plus vaste purge depuis l’arrivée de M. Erdogan au pouvoir en 2003.

Ce grand ménage suscite l’inquiétude des pays occidentaux, mais aussi de nombreux Turcs. 

Le putsch raté a fait 270 morts et le Premier ministre a annoncé lundi que le premier pont construit au-dessus du Bosphore à Istanbul serait rebaptisé en hommage aux victimes de cette tentative de putsch.

Le président Recep Tayyip Erdogan (à g.) et Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP), le 25 juillet 2016 au palais présidentiel à Ankara. © AFP

© Présidence turque/AFP KAYHAN OZER
Le président Recep Tayyip Erdogan (à g.) et Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP), le 25 juillet 2016 au palais présidentiel à Ankara

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