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Quand les comptables se reconvertissent dans la prestidigitation

La comptabilité est un métier dans lequel la valse constante des chiffres avec plus ou moins de zéros est source de tentations : certains les font disparaître des comptes de l’entreprise pour les faire réapparaître comme par enchantement sur leur compte en banque. Mardi le tribunal s’est penché sur le cas d’une apprentie magicienne dont le lapin s’est échappé du chapeau.

Les comptables ont l’amour des chiffres, c’est bien connu. Honnêtement, qui passerait ses journées à faire basculer des chiffres d’une colonne à une autre, les soustraire, les ajouter, les triturer, sans leur vouer un amour immodéré ? Mais cette « love story » dérape parfois et fait naître chez certains des vocations d’illusionniste. Des David Copperfield du chiffre, qui font disparaitre l’argent d’un compte en banque de société pour le faire réapparaître sur leur propre compte. Et cela en toute modestie puisqu’ils évitent de le claironner sur les toits et de s’offrir en spectacle.

Curieusement, ce sont les plus maladroits ou les débutants qui s’offrent en spectacle. Pas dans des cabarets de la place ou à To’ata, mais uniquement dans un lieu où le public de noir vêtu ne se lasse pas de leur numéro. Le palais de justice de Papeete.

119 millions de Fcfp disparus

Mardi, les aficionados de la carambouille ont pu applaudir à tout rompre un tour de passe-passe de haut vol : 119 millions de Fcfp disparus de la SAS Tahiti Duty Free, entre 2014 et 2019, qui ont été transformés en maison à Paea, en vêtements, en voyages, en voitures et en écrans TV, comme le rapportent nos confrères de Tahiti-Infos.

Pour autant, les juges, un public difficile à dérider et à impressionner, n’ont pas été convaincus par la prestation de la comptable de l’entreprise, puisqu’elle a été condamnée à 24 mois de prison dont 12 avec sursis, assortis d’un mandat de dépôt et interdiction définitive d’exercer la profession de comptable.

Il faut reconnaître que l’accusée n’a pas fait preuve d’une technique très élaborée et que les ficelles qu’elle employait n’ont pas échappé à ce public averti.

Soit elle encaissait des chèques en blanc destinés à l’achat de fournitures de bureau, soit elle subtilisait les sacoches qui contenaient les recettes des duty free entreposées dans son bureau, le tout camouflé dans une double comptabilité. C’est en se rendant compte de ses lacunes dans l’art de la prestidigitation qu’elle a préféré se dénoncer à sa direction, lors d’un contrôle comptable.

15 millions Fcfp détournés en 3 ans

Autre intermittente du spectacle à faire valoir ses talents, lors d’un casting à la brigade de recherches de Faa’a puis devant le procureur de la République, une salariée du comité d’entreprise de Polynésie La 1ère. Celle-ci est soupçonnée d’avoir détourné 15 millions de Fcfp au préjudice du comité d’entreprise. Placée sous contrôle judiciaire, elle se produira devant le tribunal correctionnel le 29 septembre.

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2 Commentaires

  1. Tohivea
    22 mai 2020 à 9h12 — Répondre

    Bravo à Pascal Bastianaggi: son texte est une petite merveille. Le travail de séancier est un fabuleux exercice de style, si l’on veut bien s’en donner la peine !

  2. Florian P.
    22 mai 2020 à 9h37 — Répondre

    J’adore l’article ! Si bien écrit et tourné qu’on demande à en lire d’avantage comme celui-ci.

    Bravo à Pascal BASTIANAGGI.

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