ACTUS LOCALESJUSTICE

Quatre ans de prison dont deux avec sursis pour le braqueur de la banque de Polynésie

Le 25 mars 2020, en plein confinement, un homme braquait la Banque de Polynésie à Taapuna. Montant du butin, 2,1 millions de Fcfp. Arrêté après deux semaines de cavale, il comparaissait ce lundi devant le tribunal de première instance de Papeete où il a été condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis. Ayant passé un an en détention provisoire, il lui reste un an à purger, une peine qui pourrait bénéficier d’un aménagement.

Contrairement aux faits qui lui sont reprochés, ce n’est pas à un délinquant chevronné qu’a eu affaire ce lundi le tribunal de première instance de Papeete. À son casier, une vieille condamnation pour violences conjugales, d’où le délibéré plutôt clément rendu à son encontre. En effet, chez le prévenu âgé de 45 ans, il n’y a aucun signe ostentatoire de voyoucratie, de roublardise ou d’attitude bravache envers les autorités.  Juste un quadragénaire perturbé faisant profil bas et qui semble s’être laisser dépasser par la tournure qu’ont pris les évènements ce jour du 25 mars 2020.

En tous les cas on est très loin du braquage minuté et préparé avec soin à l’écoute du déroulé des faits énoncés à l’audience. Son acte tient plus du coup de tête d’un homme, plus tout à fait lui-même à cause de l’ice, mais aussi par ses ennuis financiers et l’effroi engendré par la pandémie et son cortège de conséquences et de fake news. « J’entendais parler de pénurie d’aliments, de pertes d’emplois, et de personnes qui mouraient ». Son salaire de chauffeur poids lourds du mois de février 2020 ne lui ayant pas été versé et ayant trois enfants à charge, il décide de passer à l’acte. Aidé en cela par des prises d’ice qui « soulageait mes douleurs au dos suite à un accident de travail où j’ai eu la colonne fissurée. »

Trahi par ses tatouages

C’est à vélo, casque de chantier sur la tête, lunettes de soleil, masque chirurgical et tatouage (mal) dissimulé, que H.F se rend à Taapuna où à l’en croire, la Banque de Polynésie n’était pas son objectif de départ. « Je voulais braquer un magasin d’alimentation pour prendre de la nourriture et quand je suis arrivé sur les lieux, il y avait à ma droite le magasin d’alimentation et à gauche la banque qui venait d’ouvrir son rideau de fer, et j’ai choisi la banque. »

H.F. pénètre dans l’agence bancaire et se plante tranquillement au milieu. Une caissière s’enquiert de ses besoins. « C’est pour un retrait.» « Désolé mais on ne fait plus de retrait à cette heure-ci, il faut venir le matin », explique l’employée. « Qu’est ce que je vais faire ? » se lamente à voix haute H.F. puis regardant la femme lui demande, « tu ne peux pas me donner quelque chose ? », tout en ouvrant son sac à dos duquel dépassait une crosse de revolver. Si l’arme en question n’était qu’un pistolet à air comprimé, il a eu l’effet escompté. La caissière prend peur, et fait le tour de ses collègues afin de savoir s’ils n’avaient pas de liquidités à leur disposition. Négatif. Elle revient alors vers H.F. et lui fait part de son échec.

Ne perdant pas son calme et sans agressivité, H.F. semble vouloir quitter les lieux. Mais au même moment, la porte de l’agence s’ouvre sur un client qui entre avec deux enveloppes contenant du liquide. L’homme se dirige vers un autre employé pour effectuer le dépôt. C’est alors que la caissière va voir son collègue et prend les enveloppes en disant qu’elle allait les déposer. Légèrement étonné, car pas au courant du braquage en cours, le caissier lui remet les enveloppes contenant au total 2 millions 100 000 Fcfp. Elle remet l’argent à H.F., il part, elle déclenche l’alarme. Alertés, les enquêteurs visionnent les bandes vidéos et après deux semaines d’investigations mettent la main sur H.F. grâce à ses tatouages dont certains étaient clairement visibles sur les bandes.

« Je ne voulais faire de mal à personne, je n’étais pas moi-même ce jour-là. »

« Je n’ai jamais voulu faire de mal à personne. C’est d’elle-même (ndlr : la caissière), qu’elle est allée chercher l’argent et honnêtement je ne pensais pas repartir avec autant » tente de se justifier H.F. à la barre. « Oui, parce qu’elle avait peur, assène le juge, elle ne savait pas qu’elle allait être votre réaction ! » Tête baissée, H.F. maintient, « je ne voulais faire de mal à personne, je n’étais pas moi-même ce jour-là. » Une déclaration corroborée par la caissière qui déclarait, lors de son audition à la gendarmerie, que l’homme, « n’était pas menaçant. Il m’a juste montré la crosse de l’arme. »

Placé en détention provisoire depuis un an et depuis sous contrôle judiciaire, H.F. a été repris par son ancien employeur et compte rembourser son méfait. « J’ai retrouvé une vie sociale et professionnel, je vais mieux. On m’a donné une chance de me reconstruire. (…) J’ai des remords pour ce que j’ai fait et aujourd’hui, je me soigne. » Des remords qui semblent « authentiques » selon le psychologue qui fait part d’une « bonne insertion professionnelle », craignant toutefois, « une rechute » et recommandant un suivi médical.

Me Peytavit, l’avocat des parties civiles, à savoir la Banque de Polynésie et l’employée,  reconnait que H.F. n’a pas menacé sa cliente, mais que toutefois, « elle a été marquée par cet évènement. » Ainsi il réclame une somme de 650 000 Fcfp au titre des dommages et intérêts, ainsi que 500 000 pour l’employée pour préjudice moral.

Le procureur Danielsson estime quant à lui que l’accusé fait comme si les faits n’étaient pas graves, qu’ils lui ont échappé et que d’acteur, il serait devenu spectateur. Reculant sa chaise et dominant le prévenu de toute sa hauteur, il le tance. « Les faits qui te sont reprochés sont graves. Comment peut-on se comporter ainsi à Tahiti, c’est une île de 120 km, c’est stupide ! » assure le procureur, qui poursuit, « tu as eu l’occasion de revenir en arrière, de partir plusieurs fois, mais non. Heureusement qu’un client est arrivé avec l’argent, sinon que ce serait-il passé ? » H.F se prend la tête à deux mains et acquiesce à chaque remontrance du procureur. Cinq ans de prison dont un an de sursis assorti d’un mandat de dépôt sont requis.

« Si on lui avait donné 3 000 Fcfp il serait reparti. »

Du côté de la défense, Me Rebeyrol assure que c’est « une réunion de circonstances, une succession d’évènements qui l’ont poussé à passer à l’acte. » Et d’expliquer. « Il trouve un emploi, puis vlan, confinement. Plus d’argent, il entend parler de pénurie de nourriture, il panique et le matin même du braquage il appelle sa banque pour voir si son salaire est versé, mais non, toujours rien. Il se sentait acculé ! » Quant à son geste de montrer la crosse du pistolet, « la veille il a vu un film où un personnage soulevait sa veste pour montrer son arme et on lui obéissait. Il n’a jamais fait preuve de violence. »

Selon la défense, sur les images vidéo, « Il reste tranquillement au milieu de l’agence sans bouger. Il allait repartir quand le client est entré avec de l’argent. Si on lui avait donné 3 000 Fcfp il serait reparti. D’ailleurs il est parti sans savoir combien on lui avait donné. » Pour conclure, la défense assure que désormais son client « n’est plus le même, il s’est remis en question, il travaille et veut prouver à la société que c’est un autre homme et qui souhaite assumer ses actes. (…) Je vous demande de l’indulgence afin qu’il ne perde pas son emploi. »

Une plaidoirie qui a porté ses fruits puisque le tribunal, après en avoir délibéré, a condamné H.F. à une peine de quatre ans de prison dont deux avec sursis ainsi que l’indemnisation des victimes. Ayant passé un an en détention provisoire, il ne lui reste donc qu’un an à purger et il pourrait bénéficier d’un aménagement de peine et ainsi garder son emploi. Au juge d’application des peines d’en décider.

Article précedent

Yvonnick Raffin : un mariage samedi, mais pas de réception

Article suivant

Recette du jour : Croustillants de poulet au paprika

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Quatre ans de prison dont deux avec sursis pour le braqueur de la banque de Polynésie