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Raids aériens et mal du pays, le quotidien à bord du porte-avions Truman

A bord du porte-avions Truman (AFP) – Des gaufres et des pancakes arrosés de sirop d’érable, une télévision solitaire qui diffuse un match de baseball… Le mess numéro 3 des officiers du porte-avions américain Harry S. Truman a des airs d’Amérique profonde.

Pourtant, dans quelques heures, certains des pilotes qui trempent leurs moustaches dans de grands mugs de café survoleront la Syrie à bord d’avions de combat F18.

Leur mission: rajouter encore aux 700 tonnes d’engins explosifs que les avions partis de ce géant des mers à propulsion nucléaire ont déjà larguées sur des cibles liées à l’organisation Etat islamique (EI) en un peu plus de six mois.

Parti à la mi-novembre, le Truman devait être sur le chemin du retour vers Norfolk, sur la côte est des Etats-Unis, mais sa mission a été prolongée d’un mois dans le cadre d’une intensification de la campagne contre l’EI.

La lassitude et l’envie de rentrer à la maison sont pourtant fortes parmi les quelque 5.500 membres d’équipage.

Dans le labyrinthe des profondeurs du Truman, certains des responsables chargés de préparer les missiles à guidage laser et GPS travaillent 16 heures par jour, tous les jours de la semaine.

La préparation des raids ayant généralement lieu la nuit qui les précède, certains dans les équipes n’ont pratiquement pas vu la lumière du jour depuis six mois.

Mais râler ne fait pas partie de la culture du Truman. Même la prière du soir que la sono diffuse dans chaque recoin de cette immense forteresse flottante s’achève sur le mot d’ordre — peu chrétien — de « Donnez-leur l’enfer ! ».

« Il y a toujours un creux dans l’estomac quand les gars apprennent qu’on ne rentre pas à la maison comme on s’y attendait, mais après un jour ou deux ils l’acceptent parce qu’ils voient bien qu’on est en train de faire la différence », explique l’officier responsable des armements, le « gun boss », Jim McDonald. « Nous sommes victimes de notre succès et c’est difficile d’argumenter contre le succès », ajoute-t-il.

– Les ‘Puking Dogs’ –

Quelques ponts plus haut, le lieutenant Tom Flynn, 28 ans, se détend entre deux briefings d’avant mission dans la salle de préparation numéro 8.

Ce pilote originaire de l’Indiana, membre de l’escadron VFA-143, plus connu sous le nom de « Puking Dogs », littéralement les chiens qui vomissent, a aussi de bonnes raisons d’être plus optimiste depuis le transfert du Truman dans les eaux plus « tempérées » de la Méditerranée après la fournaise de celles du Golfe.

« Ca fait une différence incroyable sur le pont d’envol. Tu embarques dans ton jet et tu ne dégoulines pas de sueur. Dans le Golfe, c’était particulièrement dégoutant », raconte-t-il.

Les pilotes sont habituellement briefés deux fois avant chaque mission. Après le deuxième briefing, ils prennent 15 minutes pour se détendre, manger et aller aux toilettes avant de monter sur le pont d’envol une heure avant leur mission, qui dure généralement de 6 à 8 heures.

Son affectation sur le Truman est la première mission de combat de ce jeune lieutenant et il ne fait montre d’aucun scrupule quand on lui demande d’en parler.

« Je ne parlerai pas d’allégresse mais il est certainement satisfaisant de mettre toutes ces années d’entraînement à l’épreuve », explique-t-il. « Tu t’entraînes vraiment dur pour t’assurer de ne pas être pris par surprise », ajoute-t-il.

Une fois que ce pilote est aux commandes de son F18, il est entre les mains du contrôleur du pont d’envol, Chad Clark, chargé de mettre en position son appareil sur la catapulte.

– ‘Chaos organisé’ –

« C’est une sorte de chaos organisé. Nous sommes un peu comme les +quarter-back+ (joueurs de football américain) qui gèrent le jeu pour leurs coéquipiers », explique-t-il en regardant le ballet des avions de combat et des marins vêtus de combinaisons de différentes couleurs chargés de les guider par le geste.

Il appartient à Chad Clark de vérifier que chacun fait son boulot comme il se doit dans le vacarme terrifiant et assourdissant du décollage de ces jets capables de passer en moins de deux secondes de 0 à de plus de 265 km/h.

Aussi long que l’Empire State Building est haut, le pont du Truman couvre 4,5 acres (18.200 mètres carrés), la taille d’une ferme décente dans n’importe quel pays.

Mais seule une minorité de l’équipage travaille sur ce pont. La plupart des autres membres sont en dessous, occupés à des tâches de soutien qui vont du coiffeur au cuisinier chargé de préparer quelques 20.000 repas par jour.

Des films, des jeux d’échecs et un concours de chant pour sélectionner le « Truman idol » aident à briser la monotonie.

Mais même le contre-amiral Bret Batchelder, un des officiers du bord, reconnaît avoir le mal du pays après près de sept mois en mer.

« Les marins ont encaissé dans la foulée l’allongement de leur mission, mais leurs coeurs sont à la maison », assure ce vétéran de l’Afghanistan et de l’Irak, qui attend de retrouver son Colorado natal.

« Je vais aller sur les hauteurs des Montagnes rocheuses », dit-il à l’AFP, impatient de « pêcher, chasser et juste passer du temps en famille ».

Un jet s'apprête à prendre son envol sur le pont du porte-avions Truman pour conduire une mission militaire au-dessus de la Syrie, le 7 juin 2016. © AFP

© AFP Angus MACKINNON
Un jet s’apprête à prendre son envol sur le pont du porte-avions Truman pour conduire une mission militaire au-dessus de la Syrie, le 7 juin 2016

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