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RD Congo: un réveil entre incompréhension et indignation à Kinshasa

Kinshasa (AFP) – Après une nuit marquée par un passage en force du président Joseph Kabila dans un contexte politique et social volcanique, Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, s’est réveillée mardi animée d’un sentiment d’incompréhension mêlée d’indignation.

La dernière nuit du second mandat du président Kabila a été agitée dans de nombreux quartiers de la mégapole de 10 millions d’habitants, où M. Kabila est hautement impopulaire (il y a réuni sur son nom 16,5% des inscrits à la présidentielle de 2011).

Les sifflets, symboles du « carton rouge » que l’opposition entend donner au chef de l’Etat qui veut rester au pouvoir, les concerts de casseroles mais aussi des coups de feu ont résonné jusque tard dans la nuit. 

La lumière du jour en a révélé les stigmates: traces de feux sur la chaussée, pierres et cartouches de gaz lacrymogène, conteneur en métal renversé… Dans la ville quadrillée par policiers et militaires en armes, la tension règne.

Des secteurs de Yolo et Matete dans le centre et le sud de la capitale s’élèvent des colonnes de fumée noire. Le long des rues désertes, les rares habitants visibles semblent en observation, en attente sur le pas de leur portes.

Pour beaucoup, l’annonce peu avant minuit de la composition d’un nouveau gouvernement, sans attendre la fin des négociations entre pouvoir et opposition sur une transition politique, risque d’embraser la ville.

« Provocation », « manigances », « trahison », « logique de confrontation »… Les mots pleuvent pour tenter d’expliquer cette annonce. 

« On attendait la déclaration finale de la Cenco (la confédération des évêques catholiques, médiatrice des négociations) et il annonce un gouvernement. Le jour où il doit quitter le pouvoir, il provoque le peuple », se désole Louis, 60 ans, habitant du quartier de Singa Mupepe.

– Premiers signes –

« La Cenco nous a dit de rester chez nous, on a obéi en attendant la reprise des négociations » mercredi, explique Daniel, 63 ans, avant de s’emporter: « Ce qui s’est passé hier (lundi), c’est la rébellion. Même ceux qui n’ont pas étudié savent qu’après son deuxième mandat, un président doit laisser la place. On l’enseigne même à l’école primaire ! »

La Constitution congolaise limite à deux quinquennats le temps que peut passer un président à la tête de l’Etat, mais M. Kabila a obtenu en mai de la Cour constitutionnelle de pouvoir rester à la tête du pays si la présidentielle n’était pas organisée avant la fin de son mandat, ce qui a fini par arriver. 

Une vieille dame en robe de tissu bleu sort sur le pas de la porte. A 75 ans, Thérèse en viendrait presque à regretter le temps de la colonisation belge.

« Quand il y avait les Flamands (sic), on venait même nous chercher si on n’allait pas à l’école. Et l’école était gratuite. Aujourd’hui, si tu dois dix dollars [à l’école], on te chasse même si tu réussis tout », confie-t-elle en agitant son éventail, dans une référence à la plaie des écoliers renvoyés chez eux pour retard de paiement. 

Elle comprend la colère des jeunes (les moins de 25 ans représentent les deux tiers de la population), en pointe de la contestation. « Ils souffrent beaucoup trop. Quel avenir va-t-on leur donner ? Il y a des diplômés qui font motards ou pousse-pousse. J’ai envie de pleurer », lâche-t-elle.

« Pourquoi nous rêvons tous d’aller en Europe et d’y rester ? Parce qu’ici, on ne nous donne pas la chance d’exister », abonde Fabrice, dans la force de l’âge.

Pour lui, les événements de la nuit « ne sont que les premiers signes »: « Il reste très peu de temps avant que le peuple, comme disait son père (Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle porté à la tête de l’Etat en 1997 avant d’être assassiné en 2001), ne se prenne en charge ».

La police patrouille dans le quartier de Majengo à Goma, dans l'est de la RDC le 19 décembre 2016. © AFP

© AFP/Archives Griff Tapper
La police patrouille dans le quartier de Majengo à Goma, dans l’est de la RDC le 19 décembre 2016

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