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Réforme de la fiscalité : ce que contient le projet de loi

Le gouvernement a transmis à l’assemblée, la semaine dernière, son projet de loi du Pays « portant simplification et performance du système fiscal ». Outre la TVA « sociale » à 1,5%, le texte apporte des modifications significatives aux taux de la CST, au dispositif de défiscalisation locale qui s’accompagne d’un tout nouveau « code des investissements », ou encore au calcul de l’impôt sur les plus-values immobilières et sur les locations de meublés de tourisme. Un second texte sera proposé en début d’année prochaine, avec notamment les dispositions relatives à la fiscalité du patrimoine.

 Yvonnick Raffin avait présenté sa réforme le 22 octobre dernier à un parterre d’acteurs économiques. Elle est désormais, en partie, sur le bureau de l’assemblée de la Polynésie, avec un tampon « urgent » car nombre des mesures qu’elle contient entrent en vigueur au 1er janvier prochain.  Son adoption est prévue en séance extraordinaire jeudi 23 décembre. Les objectifs affichés sont la solidarité, au travers de ponctions plus fortes sur certains, et l’emploi, via des incitations fiscales aux entreprises. Un autre texte complètera la réforme en début d’année.

Première mesure, comme annoncé, l’entrée en vigueur au 1er avril prochain de la « contribution pour la solidarité » de 1,5% pour « réduire le déficit de l’assurance maladie » et « anticiper la hausse structurelle des dépenses de santé sans procéder à une hausse des cotisations sociales qui renchérirait le coût du travail. »

La défiscalisation sur appel à manifestation d’intérêt

La section « Dynamiser l’économie en faveur de la compétitivité des entreprises et de l’emploi » s’intéresse aux mesures en faveur de l’investissement, qui s’accompagnent de la création d’un « code des investissements » distinct du code des impôts. Il s’agit donc de la défiscalisation, qui a concerné 127 milliards de Fcfp de 2010 à 2020, principalement au tourisme (50%), aux transports (14%) et à la construction de logements (13%)

Le dispositif est « utile » à l’économie mais « connaît une certaine saturation qui résulte de la multiplication des projets ouvrant droit à la défiscalisation. En outre, il entraine un coût fiscal pour la Polynésie française sans pour autant garantir que les projets prioritaires au regard des objectifs de politique publique bénéficient le plus de ce dispositif, » lit-on dans l’exposé des motifs.

Le pays veut donc « privilégier les projets structurants pour l’économie, créateurs d’emplois pérennes et conformes aux politiques publiques » et « rationaliser le volume financier et les modalités de sélection des projets ouvrant droit à défiscalisation, par la création d’une procédure à manifestation d’intérêt. »  Le gouvernement souhaite mettre au premier rang de ses critères d’attribution la création d’emploi, et encourager des secteurs moins sollicités, dit-il, mais annonce d’ores et déjà que la défiscalisation sera fléchée vers des projets en cours, comme les parkings ou les établissements de santé privés. Les énergies renouvelables sont également citées (les entreprises de ce secteur ont déjà un taux d’impôt sur les sociétés bonifiés de 15%) mais les fermes solaires n’en bénéficieront pas, et le logement libre sera à la peine, puisqu’il s’agit de secteurs rentables qui ont la possibilité de se financer sans recourir à la défiscalisation locale. En contrepartie de la défiscalisation, les entreprises bénéficiaires auront moins de possibilités de déduction d’impôt.

Il faut noter que les appels à manifestation d’intérêt sont un sujet d’inquiétude pour les entreprises. Certaines ont déjà conduit le Pays au tribunal, et les investisseurs considèrent que ces appels – qui les obligent à payer des études supplémentaires – et leur traitement multiplient les chances de « fuites » et nuisent à la confidentialité des affaires. Mais le gouvernement assure qu’il veut aller plus vite dans le traitement des dossiers, qui prend actuellement de 10 à 18 mois. La mesure est applicable sur les exercices clos à compter du 31 décembre 2022.

Les zones de redynamisation et de revitalisation

Le Pays va créer, à titre expérimental pour un an, des zones de redynamisation urbaine définies en conseil des ministres pour « soutenir l’activité commerçante pendant les périodes de faible activité, notamment les weekends et jours fériés ». Les commerces de ces zones verront leur TVA réduite à 5% (hors tabacs et alcools) dans l’espoir d’entraîner une baisse des prix.

Les zones de revitalisation des activités économiques, elles aussi définies en conseil des ministres, permettront aux entreprises qui y ont leur siège social et leur activité de voir leur taux d’impôt sur les sociétés réduit de 27% à 15%.

Baisse du taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés

Dès l’exercice 2022, le taux normal de 27% passe à 25%. Le taux appliqué aux secteur innovants (numérique et recherche et développement notamment), passe à 20%. Le taux de 35% appliqué aux banques entamera une baisse de 2 points par an à partir de 2023, pour atteindre 25% en 2027. En contrepartie, ces établissements signeront une convention avec le Pays pour « diminuer le taux d’intérêt des opérations de crédit, mettre en place des taux préférentiels et de façon générale, assouplir les conditions et les modalités d’octroi des opérations de crédit ». En cas de non signature ou de non respect de la convention, ces établissements se verront imposer un retour au taux de 35%.

Intégration fiscale

Les grands groupes de sociétés, lorsque la société mère détient de 75% à 95% du capital de ses filiales pourront opter pour un régime d’intégration fiscale : la société mère sera la seule redevable de l’impôt sur les sociétés, mais chacune reste obligée de déclarer ses résultats pour vérification. L’option sera aussi offerte aux entreprises locales dont la société mère est dans l’Union européenne, l’UE ou tout autre état ayant conclu une convention fiscale avec le Pays. Soit « un régime d’intégration fiscale plus ouvert que celui applicable en France métropolitaine et domienne », plus attrayant, espère le Pays, pour favoriser « de nouvelles formes d’intégration économique entre des sociétés polynésiennes et des sociétés situées dans des pays avec lesquels la Polynésie française souhaite encourager ses échanges », notamment ceux qui entourent le Pacifique.

Sont notamment concernées les sociétés d’assurance, organismes bancaires, et les EPIC. C’est surtout l’OPT qui, à première vue, devrait bénéficier de cette possibilité.

Les modifications de la CST

Le projet de loi annonce une simplification du régime des non salariés, et une modification de la CST des activités non salariées, modification du taux CST sur les professions et activités non salariées, et de celui sur les traitements, salaires, pensions, rentes viagères et indemnités diverses.

Le régime fiscal simplifié des TPE (très petites entreprises) sera applicable à compter du 1er janvier 2024, aux personnes physiques qui emploient au moins deux salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur ou égal à 10 millions, : elles seront soumises à des impositions forfaitaires selon un nouveau barême (cf. document en fin d’article). Mais elles devront aussi « justifier d’une adhésion à un centre de gestion agréé », ce qui n’est pas gratuit.

À l’inverse, les prestataires de service et professions libérales dont la base imposable est supérieure à 20 millions de Fcfp verront une augmentation des taux de la CST. De nouveaux taux sont aussi appliqués aux commerçants, et aux salariés, avec pour ces derniers une augmentation du taux de CST pour les fractions de revenus supérieurs à 400 000 Fcfp. Dans les trois cas, ces taux ne sont garantis que jusqu’à fin 2024.

Par ailleurs, les coefficients modérateurs applicables à l’assiette de l’impôt sur les transactions vont diminuer de 10% par an à partir de 2025 jusqu’à leur suppression à partir de 2034. Les EURL, elles, ne pourront plus opter pour l’impôt sur les transactions à compter de 2023.

Révision de la plus-value immobilière

À compter du 1er janvier 2022, « face au constat de la montée des prix de l’immobilier », « pour limiter les risques de spéculation foncière », les plus-values restent imposables à 20% (40% étaient prévus, mais la mesure a déjà fait l’objet d’une amendement en commission samedi dernier) mais le taux d’imposition passe à 50% si le bien est revendu au cours de la période de 5 ans suivant la date d’acquisition. Dans le viseur du Pays, quelques spéculateurs qui achètent en Vefa et revendent aussitôt le bien immobilier livré.

Impôt sur le revenu des capitaux mobiliers

Dès le 1er janvier 2022 une nouvelle méthode forfaitaire sera appliquée pour déterminer la valeur locative d’un meublé de tourisme ou d’une villa de luxe et calculer la contribution des patentes et l’impôt foncier sur les propriétés bâties.

La valeur locative sera de 12% (contre 4% à 6% actuellement) de la valeur vénale foncière, pour « traduire une rentabilité plus importante comparativement à une activité de loueur en meublé simple. » Mais ce taux sera diminué d’un quart pour tenir compte des charges induites par les prestations hôtelières fournies dans les villas de luxe. Pour les meublés de tourisme, la mesure est accompagnée d’un droit au dégrèvement si la somme des nuitées facturées est inférieure ou égale au ¼ de la valeur locative. L’objectif est d’inciter les loueurs dont l’activité est peu rentable à se réorienter vers la location longue durée.

Mesures diverses

On peut également citer, pour l’année 2022 uniquement, l’exonération des droits et taxes sur les principaux matériaux de construction, et la suppression de la fiscalité à l’exportation sur le mono’i à compter du 1er janvier 2024 « pour satisfaire une demande accrue ». Ou la suppression des impôts et taxes à faible rendement (moins de 10 millions de Fcfp) ; une révision triennale est prévue pour tous les impôts et taxes rapportant moins de 200 millions pour décider de les maintenir ou pas. L’idée étant de « réaliser des économies budgétaires » en supprimant celles dont le traitement et le recouvrement sont trop chers par rapport à leur rendement.

Dès le mois de janvier, le gouvernement présentera le « tome II » de sa réforme fiscale. Il contiendra notamment les mesures sur la fiscalité du patrimoine.

Ci-dessous, l’exposé des motifs (pp. 4-31), le projet de loi (pp. 32-79), le nouveau Code des investissements (pp.80-125) et la liste des matériaux de construction exonérés de droits et taxes en 2022 (pp.126-138).

Projet de loi du Pays porta…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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