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Report du démantèlement de vieux réacteurs: l'ASN somme EDF de s'expliquer

Paris (AFP) – L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a sommé jeudi EDF de « justifier de manière détaillée » sa nouvelle stratégie qui décale « de plusieurs décennies le démantèlement de certains réacteurs » à l’arrêt, un report qui selon l’électricien permettra d’utiliser une technologie plus sûre. 

Lors d’une audition le 29 mars, le groupe EDF a informé l’ASN qu’il retenait une nouvelle stratégie de démantèlement pour six anciens réacteurs graphite-gaz (une technologie qui n’est plus utilisée dans le parc nucléaire), mis en service dans les années 1960 et tous arrêtés, pour la plupart depuis plus de 30 ans.

« Cette nouvelle stratégie conduit à décaler de plusieurs décennies le démantèlement de certains réacteurs au regard de la stratégie affichée par EDF en 2001 et mise à jour en 2013 », a souligné l’ASN dans un communiqué.

« La nouvelle stratégie qu’EDF nous a annoncée reporte la fin globale du démantèlement des réacteurs au début du 22e siècle », explique à l’AFP Fabien Schilz, directeur de la Direction des déchets, des installations de recherche et du cycle de l’ASN. 

« On arrive à une durée des installations de plus d’un siècle: pour la tenue des bétons, la tenue sismique, la maîtrise de la sureté des installations, ça devient un enjeu fondamental », ajoute-t-il.

« Il reste de la radioactivité de manière importante dans les installations », note l’expert de l’ASN. « Maîtriser des installations au-delà du siècle, c’est quelque chose qui devient compliqué. »

En France, l’industrie nucléaire civile a pris son essor dans les années 1960. Plusieurs installations construites dans cette période sont arrivées en fin de vie et leur exploitation a cessé.

Elles font depuis l’objet d’une série d’opérations d’assainissement et de démontage appelées démantèlement qui peuvent prendre plusieurs dizaines d’années. 

Les réacteurs concernés par la nouvelle stratégie d’EDF sont implantés sur les sites de Saint-Laurent-des Eaux (Loir-et-Cher), Chinon (Indre-et-Loire) et Bugey (Ain).

« On a décidé de faire évoluer notre scénario industriel de démantèlement pour ces réacteurs graphite-gaz, en particulier en ce qui concerne le bloc réacteur », explique à l’AFP un porte-parole d’EDF.

– « Moins mauvaise solution ? » –

L’électricien veut utiliser une technologie qui, selon lui, « présente des avantages » en termes de radioprotection et de sûreté, et qui réduit aussi « le volume des déchets liquides ». 

Il envisage désormais de démanteler d’abord complètement un réacteur, comme une « tête de série » en quelque sorte, probablement à Chinon, avant de s’attaquer aux autres, plutôt que de mener tout de front comme envisagé précédemment. 

Un choix qui s’explique notamment « par la volonté de démanteler en toute sûreté, et de bénéficier d’un retour d’expérience, afin d’optimiser toutes nos opérations », selon le porte-parole.

Concernant les échéances, EDF parle d’un horizon 2030-2050 pour la tête de série, et de 2060 pour les autres réacteurs.

Cette nouvelle stratégie « modifie significativement la méthode, le rythme des démantèlements et les scénarios associés », note l’ASN.

L’ASN a ainsi « demandé à EDF de rendre public et de justifier de manière détaillée ce changement, en démontrant le respect des exigences législatives relatives au +démantèlement dans un délai aussi court que possible+ de l’ensemble de ses réacteurs ».

EDF a confirmé vouloir déconstruire ses vieux réacteurs « le plus rapidement possible, alors qu’à l’international, sur des réacteurs équivalents, la stratégie peut consister à attendre notamment une décroissance de la radioactivité ». 

« On ne décale pas tous nos chantiers, cela ne concerne que les caissons réacteurs », ajoute le groupe. « Le démantèlement se poursuit par ailleurs ». A Bugey par exemple, « le démantèlement électro-mécanique hors du caisson réacteur est quasiment finalisé ». 

« Le démantèlement décalé, globalement, ça permet de réfléchir, parce qu’on ne s’est jamais posé la question de savoir s’il faut démanteler », explique à l’AFP Florent Compain, président de l’ONG Les Amis de la Terre.

« On peut se poser la question de savoir s’il ne vaut pas mieux laisser les déchets sur les sites de production, est-ce que ce ne serait pas une moins mauvaise solution? » s’interroge l’écologiste.

L’Autorité de sûreté nucléaire a également « demandé à EDF de présenter un programme détaillé d’avancement pour les quinze prochaines années ».

EDF a une nouvelle stratégie qui conduira à "décaler de plusieurs décennies le démantèlement de certains réacteurs" à l'arrêt
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© AFP/Archives GUILLAUME SOUVANT
EDF a une nouvelle stratégie qui conduira à « décaler de plusieurs décennies le démantèlement de certains réacteurs » à l’arrêt

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