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Restrictions au nom du covid : « un vrai problème de dialogue institutionnel » pour Me Millet

©CP/Radio1

Me Thibault Millet était l’invité de Radio1 ce mercredi matin. Tour d’horizon des mesures prises au nom de la sécurité sanitaire qui constituent, selon lui, des atteintes aux libertés fondamentales. « Le covid, c’est un vrai défi pour le droit, pour les gouvernants, pour les juristes et les tribunaux. Parce qu’on se retrouve avec une production réglementaire et législative qui n’a jamais été aussi soutenue (…) mais pour autant je pense qu’il faut continuer à exercer une pression citoyenne pour le respect des libertés fondamentales »,  dit l’avocat qui avait obtenu au tribunal la levée des restrictions sur les ventes d’alcool et la suspension du couvre-feu, avant que le gouvernement ne reprenne des mesures contraignantes dans ces domaines.

Peut-on vraiment dire, du point de vue du droit, que la différence entre voyageurs vaccinés et voyageurs non vaccinés constitue une obligation vaccinale déguisée ?

« C’est un peu une obligation détournée, surtout pour ce qui concerne les résidents polynésiens qui veulent se rendre en France puisque, s’agissant des Américains, ils ont la possibilité s’ils ne sont pas vaccinés, de venir en Polynésie, simplement en démontrant avoir déjà été contaminés ou alors en se soumettant à un test PCR et un isolement de 10 jours. Cette possibilité, je ne sais pas pourquoi, a été fermée aux résidents polynésiens pour se rendre en France. »

Le haut-commissaire disait mardi qu’une harmonisation était à l’étude.

« Pourquoi travailler sur une harmonisation, pourquoi ne pas la mettre en place immédiatement ? J’ai du mal à comprendre. Si on a été contaminé depuis moins de 6 mois, on est immunisé au moins autant ou plus que si on a été vacciné. Et du moment qu’on se soumet à une mesure d’isolement, on ne représente pas un risque. D’ailleurs même les personnes qui viennent des zones les plus à risque, je pense notamment au Brésil, sont soumises à un isolement mais peuvent venir en France sans être vaccinées. Donc on a un système actuellement qui est assez libre au niveau de toutes les populations du monde, sauf la Polynésie qui se retrouve un peu exclue de la possibilité de se déplacer. »

Le « pass vaccinal » de l’Union européenne devrait bientôt être utilisé en Polynésie française, qu’en pensez-vous ?

 « Il me semble qu’au niveau européen, justement, on a ouvert cette possibilité, soit de démontrer qu’on a été contaminé depuis moins de 6 mois, soit de se soumettre à des tests et à un isolement le cas échéant, et donc on est quand même dans une logique bien plus ouverte que ce qui est en train de se mettre en place entre la France et la Polynésie, où là on a une vraie discrimination contre les personnes qui ne seront pas vaccinées. Il faut se rappeler tout de même qu’il y a une partie de la population qui a des problèmes immunitaires et qui subit des contre-indications au vaccin. Ces gens-là ne peuvent plus voyager, alors même qu’ils seraient prêts à se soumettre à une quarantaine. Oui, certes, c’est une minorité, mais est-ce qu’il faut sanctionner à ce point-là ? Il faut mettre en place les moyens matériels pour permettre cette option. »

Vous parlez aussi de l’obligation toujours en place du port du masque en extérieur, qui disparaît peu à peu dans les pays où l’incidence baisse. Est-ce qu’il faut faire un recours ?

« Le covid, c’est un vrai défi pour le droit, pour les gouvernants, pour les juristes et les tribunaux. Parce qu’on se retrouve avec une production réglementaire et législative qui n’a jamais été aussi soutenue, les textes changent tous les 15 jours ou tous les mois et les recours doivent être jugés très rapidement. Mais je pense que ça reste indispensable d’exercer des recours. On a une arme qui est assez efficace, quand le Conseil d’État respecte les délais – ce qui malheureusement est rarement le cas – c’est le référé-liberté qui peut donner lieu à une décision en 48 heures. On a un tribunal administratif en Polynésie qui respecte cette obligation de jugement en 48 heures, dont on a la possibilité d’exercer un recours très rapide quand il y a une atteinte grave à une liberté fondamentale. Ça a été le cas avec le couvre-feu l’année dernière, ça a été en partie le cas pour les masques puisqu’il y a un certains nombre de mesures qui ont été imposées suite à notre recours, notamment de permettre des dérogations pour les personnes qui ont des contre-indications médicales. Il y a encore du travail à faire sur ce sujet, malheureusement le Conseil d’État n’avait pas jugé notre recours puisqu’il n’avait pas respecté le délai et entretemps un nouveau texte avait été adopté et il avait pris la décision de ne pas juger. C’est vrai qu’on est confronté à cette problématique de rapidité des textes mais pour autant je pense qu’il faut continuer à exercer une pression citoyenne pour le respect des libertés fondamentales, et utiliser le juge dans ces situations un peu difficiles où on a des atteintes permanentes aux libertés et dont il faut déterminer si elles sont légitimes ou pas. »

Est-ce que vous prévoyez un recours contre cette situation différentiée entre vaccinés et non vaccinés ?

« J’ai été beaucoup sollicité ces dernières semaines sur le problème des motifs impérieux, heureusement ces personnes ont pu finalement obtenir une autorisation de voyager donc on n’a pas exercé de recours à ce jour. Mais par contre, la nouvelle réglementation qui va être mise en place dans les prochains jours pourrait susciter un nouveau recours si c’était discriminatoire ou attentatoire de manière excessive aux libertés, ce qui est très possible vu les annonces qui sont faites. »

Quelle est la situation juridique de l’interdiction de vente d’alcool réfrigéré ?

« En fait ils ont interdit la vente de boissons alcoolisées réfrigérées, et ça ils ne peuvent pas le faire. Ils peuvent réguler les horaires de vente, mais là ils l’ont complètement interdit. Et ça c’est une possibilité que seule l’assemblée a. Mais je n’ai pas eu de demandes pour déposer un nouveau recours. Je pense qu’il y a l’espérance que cette restriction ne dure pas. C’est la même chose pour le couvre-feu. »

« Là je pense qu’on tombe dans des considérations vraiment politiciennes qui sont difficiles à comprendre pour moi qui suis juriste. Il y a une opération séduction d’un certain électorat, des maires manifestement parce qu’on n’entend parler que d’eux. Je ne sais pas comment analyser ça, si ce n’est que ça pose un vrai problème de dialogue institutionnel, quand on a un gouvernement qui ne respecte pas la justice, qui prend des décisions qui sont de fait complètement illégales mais qui finalement s’en moque, ça pose quand même un problème, je trouve. L’autorité judiciaire est une institution fondamentale, posée par la Constitution, si l’exécutif, qu’il soit local ou central, ne la respecte pas, ça pose un problème de fonctionnement des institutions démocratiques. » 

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