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Rétrospective 2020 : trafiquants de drogue et hommes politiques face à la justice

À l’instar de 2019, l’année judiciaire 2020 a fait la part belle aux affaires d’ice. Entre le deuxième volet de l’affaire Sarah Nui et les labos clandestins de fabrication de méthamphétamines, la justice a eu une année chargée. Et comme toujours, agressions sexuelles et violences conjugales ont aussi encombré les prétoires. Quant aux affaires politico-judiciaires, cette fois c’est Oscar Temaru qui en a été la vedette, suivi de près par Gaston Flosse.

En 2020, avec la pandémie, la Polynésie a vu les affaires de trafic d’ice connaitre une baisse de régime, le circuit d’approvisionnement à savoir Hawaii et Los Angeles étant interrompu durant 105 jours avec l’arrêt des vols internationaux.

Parmi les plus emblématiques, le deuxième volet de l’affaire Sarah Nui, dont le premier, traité en 2019, avait convoqué 14 prévenus à la barre. Pour le deuxième volet, ils étaient 25 et pas des moindres, puisqu’il s’agissait en partie des gros poissons, ceux en liaison directe avec les deux têtes du réseau installées au Mexique pour Tamatoa Alfonsi et aux États-Unis pour Maitai Danielson. Tous deux ont écopé de peine de 13 ans de prison ferme, la justice leur reprochant d’avoir importé près de 40 kilos de méthamphétamines en Polynésie française.

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Breaking Bad sauce fafaru

Autre affaire de stupéfiants à avoir défrayé la chronique judiciaire, celle des deux labos clandestins de méthamphétamines découverts à Tautira en 2019. Face aux risques de se retrouver derrière les barreaux en tentant d’importer de l’ice sur le territoire, et vu les tarifs prohibitifs de cette drogue de synthèse à Tahiti, deux hommes, Toanui Rattinassamy et Heifara Perez, avaient décidé, sans se concerter, de se lancer dans sa fabrication. Ces apprentis chimistes loin d’avoir le niveau des cartels mexicains, utilisaient la méthode dite du « shake and bake », (« secouer et cuisiner »). Une méthode dangereuse pour les « cuistots » car le mélange est explosif, au sens littéral du terme, mais aussi pour les consommateurs, car une erreur de dosage est vite arrivée. Les deux hommes ont écopé chacun de cinq ans de prison.

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Meurtre, assassinats, inceste et bébé secoué aux assises

Comme à leur habitude, les assises ont apporté leur lot d’affaires sordides. Entre un couple accusé d’avoir causé la mort de leur bébé en le secouant, un homme accusé de fratricide, un autre d’assassinat sur fond de trafic de drogue et un père incestueux, la misère humaine était encore au rendez-vous de cette session. À noter, un fait rare qui mérite d’être relevé, l’acquittement d’un septuagénaire accusé de meurtre, le jury ayant estimé qu’il avait agi en état de légitime défense.

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Violences conjugales et agressions sexuelles tiennent le haut de l’affiche

Outre les affaires de stupéfiants, il en est d’autres qui ont squatté littéralement la barre du tribunal en 2020, ce sont les violences conjugales et les agressions sexuelles. Il ne se passe pas une semaine sans que ce type de délits soit évoqué devant les instances judiciaires. À ce titre, deux affaires ont particulièrement marqué les esprits. Celle d’une femme restée 22 ans sous la coupe d’un tyran domestique et celle d’une gamine maltraitée et agressée sexuellement par un membre de la famille qui l’accueillait. Un mélange de Cosette et de Cendrillon, mâtiné de Germinal pour la misère sociale.

Oscar Temaru dans le collimateur de la justice

On ne peut clore cette rétrospective sans évoquer les affaires politico-judiciaires. Si habituellement Gaston Flosse est le champion de cette catégorie, cette fois c’est Oscar Temaru qui lui a volé la vedette. Tout a commencé après le procès de la radio communale de la ville de Faa’a, Radio Tefana. En première instance en 2019, Oscar Temaru avait été condamné à six mois de prison avec sursis et à une amende de 5 millions de francs pour prise illégale d’intérêts. La justice estimait qu’il y avait conflit entre son mandat public de maire de la commune de Faa’a et sa position de président du Tavini, « puisque le leitmotiv de Radio Tefana est la promotion de la lutte contre les essais nucléaires et l’accession à la souveraineté ».

Suite à cette condamnation, la défense d’Oscar Temaru avait fait appel de la décision, et rendez-vous était pris pour le 25 novembre 2020 pour l’appel. Entre-temps, en mai 2020, le procureur de la République Hervé Leroy lançait une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et recel à l’encontre d’Oscar Temaru. Le procureur estimait que le maire de Faa’a n’aurait pas dû bénéficier de la protection fonctionnelle d’un montant de 12 millions de Fcfp votée en février 2019 par le conseil municipal de Faa’a, pour assurer la défense du tavana dans le cadre de l’affaire Radio Tefana. La justice avait ensuite effectué une saisie pénale sur les comptes personnels du leader indépendantiste d’un montant de 11 millions dans le cadre de cette enquête.

Une présomption d’innocence balayée

Une saisie pénale justifiée dans un communiqué du procureur de la République, rédigé de façon quelque peu maladroite puisque celui-ci s’est vu délivrer par huissier une assignation en référé de la part d’Oscar Temaru  pour atteinte à la présomption d’innocence. En effet, dans le communiqué de presse, le procureur de la République, évoquait la condamnation d’Oscar Temaru en première instance dans l’affaire Radio Tefana, mais omettait de mentionner que le leader du Tavini avait fait appel et qu’il était donc présumé innocent jusqu’au jugement de la cour d’appel. Pour l’heure, le juge des référés a décidé que la requête sera traitée à Nouméa, estimant que cela poserait un problème d’impartialité si le procureur de la République était jugé dans sa juridiction.

Le 25 novembre 2020, alors que le jugement en appel de Radio Tefana en était à sa première journée, le procureur Leroy a fait encore parler de lui. Cette fois, selon les avocats d’Oscar Temaru et notamment l’avocat parisien, Me Koubbi, en faisant irruption « dans, aux abords, en périphérie, sur le seuil du bureau de madame la présidente, alors même que le délibéré que nous attendions sur la demande de sursis à statuer était en cours. » Ainsi la défense a déposé à la chambre criminelle de la Cour de cassation une requête de renvoi pour suspicion légitime, espérant voir l’affaire être dépaysée. Un espoir douché par la Cour de cassation qui, le 18 décembre, s’est déclarée incompétente, estimant que la défense aurait dû déposer une requête en récusation devant le premier président de la cour d’appel de Papeete. Pour l’heure, le procès en appel ayant été interrompu, il a été renvoyé au 15 février.

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Le vieux lion réoccupe les prétoires

Si Gaston Flosse a peu fait parler de lui durant l’année, il a toutefois fait la une des médias à l’occasion des élections municipales. L’ex-homme fort du pays briguait en effet le siège de maire de Papeete et comptait s’appuyer sur la liste Amuitahiraa no Papeete pour cela. Mais faute de pouvoir justifier de sa domiciliation à Papeete, malgré plusieurs recours devant les instances judiciaires, son inscription sur les listes électorales de la capitale lui a été refusée. Cet épisode lui a valu toutefois d’être l’objet d’une plainte pour injure publique envers l’avocat du maire de Papeete, pour laquelle il a été condamné à une amende de 200 000 Fcfp et à 300 000 Fcfp de dommages-intérêts.

Autre souci de Gaston Flosse, son procès en appel dans l’affaire dite de la citerne d’eau d’Erima. Une affaire qui avait été jugée en première instance en 2019. On lui reprochait, ainsi qu’à l’actuel président du Pays et maire de Pirae, Édouard Fritch, d’avoir fait supporter aux habitants de Pirae l’alimentation en eau de la propriété du leader du Tahoera’a située à Erima sur la commune de Arue, grâce à une station de pompage bâtie sur la rivière Nahoata au frais de la commune de Pirae. Une situation qui a perduré de 1989 à 2008.

En appel, Gaston Flosse a été condamné à deux ans de prison avec sursis, 10 millions de Fcfp d’amende et 5 ans d’inéligibilité. Édouard Fritch quant à lui a été condamné à verser une amende d’un montant d’un million de francs. Les deux hommes ont également été condamnés à une amende solidaire de plus de 80 millions. Suite à cette condamnation, Gaston Flosse a décidé de se pourvoir en cassation, car pour lui, « c’est un coup monté ».

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