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Révélations du rapport Sauvé : un « tsunami » pour Mgr Cottanceau

Cottanceau - archeveque diocese Papeete

©LR

La commission Sauvé a rendu publiques ses conclusions, estimant à au moins 216 000 le nombre de victimes mineures de clercs et de religieux depuis 1950. Les outre-mer sont aussi concernés. Une « déflagration » pour l’Église catholique, un « tsunami » pour Mgr Cottanceau, archevêque du diocèse de Papeete.

La Conférence des évêques de France et la Conférence des religieuses et religieux de France ont confié, en novembre 2018, la création d’une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique (Ciase) à Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État. Il a réuni 21 personnes autour de lui pour mener l’enquête : des avocats, des historiens, des sociologues, des magistrats, médecins, anthropologues, psychanalystes. Les conclusions présentées mardi dernier  sont une « déflagration » pour l’Église catholique. La Ciase estime à 216 000 le nombre de victimes mineures de clercs et de religieux depuis 1950, un chiffre qui monte à 330 000 si on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église. Pour Mgr Cottanceau, archevêque du diocèse de Papeete, « c’est un tsunami ». Il avoue son sentiment « d’indignation et de colère » et se dit « profondément attristé ».

En tant qu’évêque, il s’accorde aux paroles de Mgr de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France, pour dire « sa tristesse et son incompréhension » devant le silence de l’Église. « Ceux qui étaient les pasteurs et avaient en charge de mener le troupeau, au lieu de préserver les personnes, ont voulu sauvegarder les institutions et n’ont pas regardé là où il fallait. Au lieu de sauver les victimes, il se sont préoccupés des acteurs de ces agressions. Je trouve qu’il y a eu un manque de discernement et un manque de courage. »

Un passage du rapport concerne spécifiquement les Outre-mer : seules six réponses sont parvenues à la Ciase, venues de personnes agressées par un clerc ou un religieux dans ces départements et collectivités mais « ce faible nombre pose question au regard de la présence ancienne de l’Église catholique dans ces territoires et du taux d’adhésion au catholicisme qui y est important », peut-on lire dans le rapport où sont formulées plusieurs hypothèses pour expliquer cette « sous-déclaration » : l’hypothèse d’un déficit de communication de la Ciase et de relais de son appel, l’hypothèse d’une emprise sociale du catholicisme restée forte (…), l’hypothèse de la disparition des archives relatives au phénomène, et enfin l’hypothèse de populations globalement plus précaires et moins disponibles pour répondre à cet appel.

Mgr Cottanceau reconnait que le sujet reste tabou mais c’est le même problème dans la société de manière générale. Il prend l’exemple du procès du tonton qui a agressé sexuellement sa nièce et dont le procès était public, à la demande des avocats et en accord avec la famille, pour inciter les victimes à parler. « On voit bien que c’est un chantier qui n’est pas gagné. Ce qui se passe dans la société civile résonne dans l’Église, on n’est pas un monde à part avec des gens différents, ce sont les mêmes. » Mais il évoque aussi le nombre de prêtres, bien plus faible en Polynésie française qu’en métropole.

Aujourd’hui, l’Église catholique de la Polynésie française n’a pas encore discuté de ce rapport. Mgr Cottanceau souhaite prendre le temps de lire les conclusions de la commission Sauvé et agir sans précipitation : « Nous ne voulons pas dire n’importe quoi et agir sous le coup de l’impulsion première. Mais ce rapport sera pris en compte. » Il doit d’ailleurs rencontrer la commission interdiocésaine de recours en cas d’abus sexuels la semaine prochaine pour voir comment réagir et ce qu’il faut ajuster au sein de l’Église. Mais déjà, il évoque la formation des prêtres qui n’est plus la même qu’autrefois où les enfants rentraient dès leurs 12 ans au petit séminaire puis allaient au grand séminaire et sortaient à 25 ans, à leur ordination. Aujourd’hui, les équipes de formation intègrent des femmes et les programmes ont été modifiés avec des modules sur le rapport au corps, à l’affectivité, à la sexualité, etc… Les jeunes sont accompagnés.

Suite à la publication de ce rapport, certains ont remis en cause le secret de la confession, proposant que les prêtres aient l’obligation de révéler les actes condamnables. Pour Mgr Cottanceau, le secret de la confession doit rester inviolable mais les personnes seront incitées à parler en dehors du confessionnal.

La question d’indemniser les victimes a été posée et Mgr Cottanceau reconnait que l’Église « doit payer ». « Est-ce qu’on peut indemniser ces blessures ? Il faut faire un effort financier mais il ne doit pas faire oublier l’importance de la personne qui vit, qui respire, qui souffre. Il est indispensable qu’il y ait une aide financière mais pas pour servir d’indemnisation comme si on donnait de l’argent et on n’en parle plus, c’est réglé, non ! Ce serait faire insulte à ces victimes. Mais l’aide financière doit donner les moyens à ces personnes de se remettre debout. »

Enfin, concernant les répercussions de ce rapport Sauvé, Mgr Cottanceau ne croit pas à la solution du mariage des prêtres : « Ce serait faire insulte à la dynamique qui conduit au mariage. Ce n’est pas un médicament qui guérit les tendances pédophiles. » Mais l’Église doit effectivement se remettre en question, même si les conclusions ne sont pas une « surprise » pour l’archevêque du diocèse de Papeete.

Pour Mgr Cottanceau, le rapport Sauvé met l’Église catholique face à la réalité.

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