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Roumanie : le gouvernement capitule pour apaiser la colère

Bucarest (AFP) – Après les promesses, les actes : le gouvernement roumain a capitulé dimanche en abrogeant, comme il l’avait annoncé, le décret assouplissant la législation anticorruption afin d’éteindre la colère des protestataires qui assurent rester mobilisés après six jours de manifestations massives.

« Le gouvernement a approuvé le projet d’abrogation du décret (pris) d’urgence », a annoncé le gouvernement social-démocrate dont les ministres ont participé dimanche à une réunion extraordinaire pour retirer ce texte ayant donné lieu au plus grand mouvement de contestation populaire depuis la chute du communisme.

Critiqué après avoir fait adopter cette révision du code pénal par décret, laissant de côté le parlement, le Premier ministre Sorin Grindeanu a promis de « rapidement ouvrir des débats publics avec tous les partis politiques et avec la société civile ». Le texte initial réduisait sensiblement les peines encourues pour abus de pouvoir et introduisait un seuil minimum de préjudice de 200.000 lei (44.000 euros) pour entamer des poursuites dans la plupart des affaires de corruption.

« J’espère qu’il s’agit d’une vraie annulation. Ils ont dit qu’ils étaient à l’écoute mais ils veulent revenir avec un nouveau texte au parlement. On va rester attentif pour ne pas se faire avoir », a réagi Daniel, 35 ans, traduisant la méfiance d’une grande partie des contestataires qui, pour beaucoup, réclament la démission du gouvernement en place depuis un mois. 

Comme plusieurs milliers d’autres Roumains, il a pris la direction de la place Victoriei, où se trouve le siège du gouvernement et épicentre de la contestation, en vue d’être présent à la manifestation organisée pour la sixième journée consécutive afin de montrer la détermination des opposants au gouvernement.

« J’ai confiance en cette jeune génération, j’ai le sentiment que les choses vont changer cette fois car les Roumains en ont marre des abus », confiait un retraité dans le cortège au-dessus duquel flottent de nombreux drapeaux roumains bleu, jaune, rouge.

– ‘Nous n’en pouvons plus’ –

Les jeunes urbains, venus souvent manifester en famille, ont fourni le gros des troupes à ces rassemblements, qui, le soir venu, ont essaimé dans de très nombreuses autres villes de ce pays de vingt millions d’habitants qui a traversé de nombreuses périodes d’instabilité politique au cours des dernières décennies.

Rado, 27 ans, a sacrifié ses cent kilomètres de vélo dominicaux pour une protestation immobile sur sa bicyclette, dimanche matin, face au siège du gouvernement. 

Avec deux autres copains cyclistes, il a planté son vélo de course sur un râtelier qui lui permet de pédaler à vide « aussi longtemps que nous le pouvons, jusqu’à que tous les autres (manifestants) arrivent », affirmait-il dans sa tenue moulante.

« Il y a encore tellement de corruption dans le gouvernement, au sénat, partout. Nous n’en pouvons plus (…) nous voulons des dirigeants compétents, qui gouvernent pour le peuple, pas pour eux-mêmes et leur compte en banque », s’insurgeait le jeune homme.

Le Premier ministre a expliqué son revirement en affirmant qu’il ne souhaitait pas « diviser la Roumanie » avec cette réforme pénale.

Il a réaffirmé que la motivation du gouvernement avait été de mettre le code pénal en conformité avec la Constitution. Le gouvernement disait aussi vouloir ainsi désengorger les prisons.

Ce texte faisait craindre une régression de la lutte contre la corruption alors que, sous la pression de l’UE et de magistrats très offensifs, des centaines de dossiers sur des malversations ont été instruits ces dernières années en Roumanie, marquant un tournant pour la justice du pays.

Le gouvernement a été critiqué pour avoir voulu mettre à l’abri de la justice le chef du parti social-démocrate (PSD), Liviu Dragnea, actuellement en procès dans une affaire d’emplois fictifs. La Commission européenne et le département d’Etat américain avaient exprimé leur préoccupation. 

M. Dragnea, qui s’est déjà vu infliger deux ans de prison avec sursis dans un précédent dossier, s’est défendu d’être l’un des bénéficiaires du décret, dénonçant une campagne de désinformation.

Le gouvernement a par ailleurs transmis cette semaine au parlement un projet de loi, également critiqué, visant à gracier 2.500 détenus, dont certains pourraient être des élus condamnés.

Chassé du pouvoir fin 2015 par des manifestations contre la corruption, le PSD jouit d’une solide base électorale dans les milieux ruraux et défavorisés, qui l’ont à nouveau plébiscité aux législatives de décembre, sur fond de promesses de hausse des prestations sociales.

Manifestation anti-gouvernementale à Bucarest, en Roumanie, le 5 février 2017. © AFP

© AFP Daniel MIHAILESCU
Manifestation anti-gouvernementale à Bucarest, en Roumanie, le 5 février 2017

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