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Sarah Nui 2 : Alfonsi et Danielson restent sur leurs positions

Pour cette septième et dernière journée d’auditions, avant de passer aux réquisitions et plaidoiries, ce sont Maitai Danielson et Tamatoa Alfonsi qui ont été entendus par la justice. Des auditions qui n’ont pas vraiment bouleversé le point de vue de la justice sur cette affaire. Danielson niant toute implication dans le trafic, et Alfonsi fidèle à ses dépositions, n’avouant que l’importation de 3,6 kilos d’ice.

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À tous seigneurs tous honneurs, c’est par Maitai Danielson et Tamatoa Alfonsi que se sont achevées les auditions des 25 prévenus dans le deuxième volet de l’affaire Sarah Nui. Ceux que la justice considère comme les têtes pensantes du réseau ont été entendus tour à tour ce mardi matin et on ne peut pas dire que leurs auditions ont apporté des éléments nouveaux. Pas de coups de théâtre, ni de révélations concernant les implications supposées du cartel mexicain de Sinaloa dans la déferlante d’ice que connait la Polynésie depuis quelques temps. Silence radio là-dessus, sujet tabou.

Le premier à être entendu, Maitai Danielson, 41 ans, est resté fidèle à sa ligne de conduite, il nie tout. « Vous avez entendu les témoignages et les éléments matériels qui vous mettent en cause, en lien avec Alfonsi, pour des importations d’ice. Est-ce que votre position a évolué ? » l’interroge le juge. « Non, quiconque se fait arrêter avec Alfonsi est considéré comme son bras droit », assure Danielson, bras croisés sur la poitrine, bien campé sur ses jambes. « Pourquoi vous êtes parti aux États-Unis en 2017 ? » « Pour changer d’air, aller surfer. (…) Après je suis allé au Mexique à Puerto Vallarta avec un ami surfeur, Adam D’Esposito, et je suis allé une fois à Tijuana pour mon anniversaire et après je me suis installé à San Diego. »

Enregistré 37 fois à la frontière mexico-américaine

Le juge le regarde, marque un temps et assène, « c’est du pipo tout cela. » « Non », rétorque Danielson surpris par cette attaque soudaine, « pourquoi, alors, vous avez été enregistré 37 fois au passage de la frontière à Tijuana ? » « J’y allais souvent les week-ends. » « Pourquoi vous avez menti sur vos déplacements à Tijuana dans vos dépositions ? » « Je me suis emmêlé dans les dates » « Non, vous aviez dit que vous n’y êtes allé que deux fois. » Il finira par reconnaitre qu’il y allait tous les trois jours, « pour faire la fête » et aussi qu’il y a vu Corino, Niuhi Marere et Tamatoa Alfonsi. Le juge lui fait remarquer que ces trois-là ont tous reconnu avoir transporté soit de l’ice soit de l’argent, « cela vous fait quoi d’avoir été trompé par ces gens, vous dont la devise est No ice in paradise ? » « Ils font ce qu’ils veulent. »

Le juge revient sur une virée à Tijuana en compagnie de Sardina [neveu d’un boss américain en détention pour avoir tué sa mère] : « vous avez de mauvaises fréquentations car lui aussi c’est un trafiquant de drogue, vous faisiez quoi à Tijuana ? » « On allait voir les putes. »

Puis il énumère les témoignages à charge contre lui qui sont nombreux et assez précis, mais sans que cela le déstabilise. « Je ne sais pas pourquoi ils disent cela, il y a 90% de choses fausses là-dedans.» « C’est quoi les 10% restants ? » Pas de réponse. « C’est 100% faux alors ? » « Oui, c’est pour détourner le projecteur sur quelqu’un d’autre, c’est tout. »

« Ils se font des films, des affabulations sous l’effet de la drogue »

Sur les sommes d’argent qui lui ont été remises soit par mandat ou par le biais de mules, il explique que ces personnes lui devaient de l’argent car il a touché un héritage de 37 millions et qu’il a prêté pas mal d’argent. Alors que le juge fait part de témoignages disant que cet argent provenait de la vente de l’ice à Tahiti, il assure « tout le monde fume, ils ne savent pas ce qu’ils disent, ils se font des films, des affabulations sous l’effet de la drogue. »

Danielson et le magistrat se livrent à un véritable combat, ce dernier essayant de coincer Danielson dans les cordes pour l’avoir à sa main et le travailler au corps, mais Danielson encaisse plutôt bien, même si ses contres sont peu variés. « Pourquoi Alfonsi écrit dans une note adressée à Heimata Caroll de ne pas parler de vous, que cela foutrait en l’air tout ce qu’il fait pour vous faire sortir ? » « Il doit vouloir dire que je n’ai rien à voir dans l’importation des 40 kilos. » « Il ne dit pas que vous n’avez rien à voir avec cela, il dit de ne pas parler de tout ce que l’on vous a envoyé ! » « Je ne sais pas de quoi il parle. »

« C’est tout Tamatoa ça, il a toujours voulu être le parrain du Pacifique »

Le juge détourne la conversation vers Alfonsi. « Dans des notes retrouvées dans sa cellule en métropole, Alfonsi fait part de son intention, grâce aux contacts qu’il s’est fait là-bas [à la maison d’arrêt de Villepinte] de se lancer dans le trafic de cocaïne une fois sa peine à Tahiti purgée, vous en pensez quoi ? » « C’est tout Tamatoa ça, il a toujours voulu être le parrain du Pacifique. C’est Pablo de Tahiti. »

Le procureur prend alors la parole et lui fait remarquer que chaque fois qu’une mule part de Tahiti avec de l’argent, le jour de son arrivée aux États-Unis ou le lendemain, « vous franchissez la frontière pour Tijuana » et quand il revient en compagnie de la mule, comme par hasard, de l’ice arrive sur le territoire. « Ce sont des coïncidences, des suppositions qui m’ont mené en prison. » Il ne dira rien de plus.

Tamatoa Alfonsi reste sur sa position

C’est au tour de Tamatoa Alfonsi, 42 ans, d’être sous le feu des questions. Si celui-ci adopte une attitude un peu plus en accord avec la gravité des lieux et du moment que Danielson, pour autant, lui aussi reste sur sa position.

Sur les 40 kilos que la justice le soupçonne d’avoir exporté vers Tahiti, il n’en reconnaît que 3,6 kilos. « Votre position à l’issue de l’instruction est de reconnaître votre implication dans bon nombre d’opérations, soit 3,6 kilos d’ice. Mais on vous en impute près de 40 kilos en partenariat avec Danielson. Votre position a-t-elle évolué ? » « Toujours sur la même ligne » assure-t-il d’une voix presque désolée.

Son attitude est loin d’être celle affichée du temps de sa splendeur, ce que remarque le juge. Acte de contrition ou bien attitude calculée, nul ne le sait, mais le doute demeure. « Vous disiez aussi ne pas vouloir vous exprimer sur Danielson, là non plus cela n’a pas évolué ? » « Non. »

Le juge se lance dans l’énumération de ses condamnations. Une dizaine en tout, la plupart pour stups, représentant un total de 18 années de prison. « Quand on lit cela, on a l’impression d’un trafiquant bien ancré dans le trafic. Rien ne vous a fait arrêter. Ni la conditionnelle, ni la récidive, rien. » « C’est mon addiction qui m’a mené là. » « Ce n’est pas le casier d’un consommateur là, c’est le casier d’un trafiquant. »

« J’aime bien la vie là-bas, on fait la fête tout le temps »

Interrogé sur le pourquoi de sa présence au Mexique, il explique que « c’était pour me balader, (…) j’aime bien la vie là-bas, on fait la fête tout le temps. » Le juge lui fait remarquer que ses fêtes se transforment en association avec le cartel de Sinaloa, « on pourrait penser que vous êtes parti pour cela, vous aviez un plan ? » « Sur le moment non. »

Le juge se saisit d’une photo dans le dossier sur laquelle on reconnait Alfonsi, du moins son ventre sur lequel est tatoué en grand « Sana », son surnom, mais aussi le nom polynésien de l’ice, avec devant lui de l’ice en vrac. « Pourquoi cette photo ? Il est vrai qu’avec vos tatouages vous faites bandit géorgien, et si vous étiez dans le 93 vous seriez un chef de bloc, mais ici ça fait gros caïd. » « J’ai fait le malin (…) je n’étais pas sevré mentalement, je ne pense plus comme cela maintenant. »

« Avec la peine de prison que je risque je vais arriver à la fin de ma vie »

Après ces questions presque anodines, le juge passe à l’offensive. « Vous vous êtes expliqué sur pas mal d’opérations et sur les gens les moins importants pour vous, cependant sur Danielson et les Mexicains, rien. Pourquoi vous ne voulez pas en parler ? » « ….. » « C’est une question gênante, je sais. Vous avez peur car ils font partie du cartel, mais comme vous dites que vous n’avez pas de relation avec le cartel, pourquoi vous ne dites rien ? » « Ils n’ont rien à voir là-dedans. » Le juge persiste, « sur Danielson vous n’en parlez pas,mais vous dites aux autres de ne pas en parler. » « C’est un mot que j’avais écrit somme ça. » « D’accord mais c’est lourd pour Danielson. Cela jette un doute. »

Sur les allers et retours de Danielson à Tijuana qui coïncident avec l’arrivée de mules, « il venait juste pour faire la fête. » Voyant qu’il n’en tirerait rien de plus, le juge lui demande quel est son état d’esprit, s’il a changé. « Oui, je n’ai jamais été sevré comme maintenant, je n’ai jamais été aussi bien. Je voudrais reconstruire ma famille. » Quant à son avis sur l’ice, « je pense que c’est mal. » « Pourquoi devrait-on vous croire ? » « Parce que je n’ai jamais arrêté avant, et que j’ai 42 ans et avec la peine de prison que je risque je vais arriver à la fin de ma vie. »

« Une vie de défoncé »

Avant de clore l’audition, le juge laisse la parole à l’avocat d’Alfonsi, Me Bennouar, sur la vie qu’il mène à Tijuana. « Une vie de défoncé. » « Mais vous êtes en rapport avec le cartel ou pas ? Vous vous situez où là-dedans entre les indics, les hommes de mains, les sicarios ? [tueur à gages] » « C’est du délire. » « Mais c’est intéressant pour le cartel d’écouler l’ice à Tahiti ? » « Non, c’est petit. » Le juge intervient, « c’est peut-être petit mais le prix de l’ice ici est multiplié par 1 000, le rapport est quand même intéressant. » L’avocat poursuit, « si vous ne voulez pas parler sur les gars du cartel, c’est par peur ? » « Je suis le seul responsable. Je ne vais pas mettre des innocents dans le coup. Ils n’ont rien fait. » « Que pensez-vous du fait que le juge d’instruction vous considère comme le principal fournisseur d’ice en Polynésie ? » « C’est faux, c’est exagéré. »

Si effectivement Alfonsi a bien été en contact avec des hommes du cartel de Sinaloa, comme Luis Saade, Alberto son garde du corps et d’autres, pour autant est-ce qu’un cartel mexicain accorderait de l’importance à un trafiquant de drogue polynésien ? D’autant qu’à Tijuana quand on achète de la drogue, on l’achète forcément au cartel de Sinaloa, et cela à n’importe quel coin de rue. Alors la justice lui taille-t-il un costume trop grand pour lui, ou est-il effectivement un émissaire du cartel qui a des visées sur le marché polynésien, malgré sa petitesse ? Autant de questions qui n’ont pour l’heure pas de réponse. Des suppositions, mais aucune certitude.

Demain le procureur fera connaître ses réquisitions.

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