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Sarah Nui 2 : les collecteurs d’Alfonsi et de Danielson passent à la caisse

Le procès du deuxième volet de l’affaire Sarah Nui s’est poursuivi ce vendredi. Pour cette cinquième journée, ce sont les collecteurs de l’argent de la drogue qui ont été entendus. Parmi eux, outre une ancienne gloire du surf local, se trouve l’ancienne compagne de Tamatoa Alfonsi.

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Le premier à se présenter à la barre ce vendredi, c’est Raihere Tetuanui, considéré par la justice comme un « collecteur d’argent de Danielson », son banquier. À ce sujet, la justice a intercepté un courrier dans lequel Danielson donnait comme consigne à ses sbires de ne pas parler de lui. Signe qu’il devait accorder une certaine importance à Tetuanui. L’homme à la barre est plutôt d’un beau gabarit, pour autant, il ne semble pas tranquille. Quand le juge l’interroge sur sa déposition dans laquelle il avouait avoir remis deux millions à une mule afin qu’il transmette l’argent à Danielson, il expliquait que c’était par peur des représailles et que Danielson l’avait directement menacé.

Devant la cour, il nuance ses propos : « J’avais une dette envers lui de 400 000 Fcfp qui remontait à longtemps. À l’époque où Danielson était dans le paka. » « D’accord, mais pourquoi lui avoir envoyé 2 millions ?» lui rétorque le juge. Il danse d’un pied sur l’autre puis se lance, « ben c’était un peu des intérêts, comme c’était une vieille dette, mais je l’ai fait de moi-même, comme il avait besoin d’argent. » « Oui, on sait qu’il a des loyers à payer, balance ironiquement le juge qui poursuit, quand on lit votre déposition, vous dites que vous aviez peur de lui car il vous a menacé de vous envoyer des gars. » « Non, ce que je voulais dire c’est que j’ai entendu dire que Maitai avait des gars à Vaininiore qui avaient des armes et qu’il ne fallait pas rigoler avec eux. » « Vous aviez dit aussi, dans votre déposition, qu’il envoyait de l’ice dans ce quartier, planqué dans des housses de surf. » « Là aussi, c’est ce que j’ai entendu dire. »

À questions dérangeantes, réponses évasives

C’est une constante depuis le début de la semaine, les affirmations lors des dépositions en garde à vue laissent place aux suppositions à la barre du tribunal, les témoignages se font plus nuancés, moins à charge. Si les raisons à ces changements, à en croire les prévenus, relèvent soit de la pression de la garde à vue, de la peur de la prison, ou d’amnésie partielle, la justice voit plutôt cela comme la résultante de la crainte, voire de la peur. Celle qu’inspire Danielson et les prévenus qui l’accompagnent dans le box des accusés. Ce qui peut se comprendre, car s’ils sont reconnus coupables, il y a de fortes chances qu’ils soient logés à la même enseigne et partagent la même cour de promenade. Ambiance.

Même constat avec Heimata Caroll, poursuivi lui aussi dans ce dossier, car l’enquête a révélé qu’il agissait comme l’un des collecteurs d’argent du réseau, et de temps à autres comme homme de main. Mais aussi comme celui qui réceptionne les mules, dont un certain Paul Johnson. De plus, c’est lui qui va s’enquérir, après un appel de Danielson, de la santé d’une autre mule, un dénommé Sardina, « le neveu d’un gros boss aux USA » après qu’il se soit fait dépouiller à Mahina par une bande rivale, lors d’une livraison. Et visiblement Danielson était inquiet, craignant que Sardina rapporte ce fait à son oncle et qu’il soit soupçonné d’être à l’origine de ce braquage.

Si sur certains points, Caroll reconnaît les faits qui lui sont imputés, quand il est mis face à ses dépositions qui incriminent d’autres membres du réseau, là aussi ses propos sont nettement plus nuancés. Ainsi quand le juge aborde le trafic d’ice à Huahine, là où il vit, il assure ne pas connaitre Touf, n’avoir jamais entendu parler de lui. Pourtant à en croire la justice, c’est « le dealer d’ice de Huahine en lien avec Alfonsi ». Là aussi, la voix perd de l’assurance, se fait hésitante et le temps de latence entre les questions et les réponses s’allonge de plus en plus au fur et à mesure qu’elles deviennent dérangeantes.

Ce que n’a pas manqué de remarquer le juge. « M. Caroll, aujourd’hui, vous avez peur ? » « Oui, d’aller en prison. » « Vous avez l’impression d’avoir trahi Danielson ? » « Un peu. » « Et vous avez peur ? » « Oui et non. » « On vous sent angoissé à l’idée d’avoir trahi Danielson. » « J’ai peur que cela casse notre amitié. » « Ben vous le faites passer pour un trafiquant international, alors qu’il dit qu’il ne fait que surfer, alors oui, ça risque effectivement de casser votre amitié. Par contre, si c’est vrai, peut-être qu’il vous pardonnera. » C’est sur ces paroles que s’est achevée la matinée.

« Je pense que je l’aimais toujours »

À la reprise de l’audience, c’est l’ex-compagne de Tamatoa Alfonsi, Rarahu Pambrun, qui est entendue. Elle a reconnu sa participation dans le trafic en collectant l’argent des acheteurs qu’elle faisait passer à Alfonsi, pour un montant total de 50 millions. Elle a aussi admis avoir réceptionné une glacière qui contenait 650 grammes de meth, réparti la drogue entre les différents  revendeurs, et aussi au moins une mule, Sardina. À son domicile on a trouvé la glacière avec une cache aménagée pour planquer l’ice, et chez sa grand-mère, une enveloppe contenant quatre millions.

Mais ce qui perturbe le plus le juge dans cette histoire, c’est pourquoi, alors qu’elle était séparée d’Alfonsi depuis un bon bout de temps, elle a accepté de rentrer dans le réseau.

« Je n’étais pas en état de refuser. J’étais sous son emprise. » « J’entends bien, mais il n’était plus là. Il était au Mexique. Vous aviez peur ? » « Je ne me l’explique pas vraiment. Je pense que je l’aimais toujours. »

« Je suis mal de l’avoir mis dans cette situation. C’est dégueulasse ce que j’ai fait. »

S’ensuit alors une tonne de questions sur les quantités importées, leur destination, le montant des sommes brassées etc… Et sous ce feu ininterrompu, elle fini par craquer. Elle pleure. Alfonsi visiblement très mal, prenant conscience que c’est à cause de lui qu’elle se retrouve dans cette situation, l’imite à son tour. Il essuie furtivement ses yeux et se cache la tête entre ses mains.

Le juge la fixe du regard et lui dit : « vous avez écoulé à minima 1,5 kilo d’ice sur Tahiti. Vous en pensez quoi de l’ice ? » « Que ce n’est pas bon, que ca fait des ravages. » « Et vous y pensiez, à cela, quand vous receviez les glacières ? » « Non. »

Le procureur prend la parole : « Madame, dans votre déposition, vous avez dit vouloir faire table rase du passé. Mais vous êtes en état de récidive, vous avez eu une mauvaise expérience chez ATN [elle a été impliquée avec 35 PNC pour une affaire de stups en 2010, condamnée puis licenciée] mais visiblement cela ne vous a pas empêché de recommencer. » Elle baisse la tête, il poursuit : « on ne vous reproche pas d’avoir fait le coursier sur un fait, un jour, mais de l’avoir fait sur presque un an. »

Pour conclure le juge s’adresse à Alfonsi : « M. Alfonsi, vous en pensez quoi de tout cela ? » « Je suis mal de l’avoir mis dans cette situation. C’est dégueulasse ce que j’ai fait. » Les débats se poursuivront lundi avec d’autres prévenus.

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