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Sarah Nui 2 : Pousset se perd sur le chemin de la drogue

Pour cette sixième journée d’audience du deuxième volet de l’affaire Sarah Nui, ce sont les « mules » tahitiennes qui ont été passées au crible des questions du tribunal. Parmi les cinq prévenus auditionnés, c’est sans conteste Baptiste Pousset qui a fait le « buzz », de par sa personnalité et ses récits rocambolesques de ses voyages au Mexique.

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Baptiste Pousset a 32 ans et clairement pas les épaules pour se lancer dans du trafic de quoi que ce soit et surtout pas de stup. Pourtant, il l’a fait. Surement histoire de prouver à Alfonsi et consorts qu’il valait mieux que le rôle de souffre-douleur et « de larbin de service », comme il le reconnaît, qui était le sien.

C’est à 17 ans qu’il rencontre Tamatoa Alfonsi, qui lui en a 27 ans et une réputation déjà bien assise. Et ce qu’il voit en Alfonsi, le fait réver. « Alfonsi et sa bande, c’était la dream team et je trainais avec eux, mais ils m’ont toujours considéré comme le larbin de service (…) j’était trop bon trop con, j’allais même jusqu’à faire le ménage chez eux. »

Il faut dire que Pousset à cette époque était à la recherche de repères, mais aussi d’un modèle. Il a grandi sans connaitre son père, élevé par sa mère, et quand celle-ci refait sa vie, il ne le digère pas. À 16 ans il quitte la maison et commence à toucher à la drogue. À 17 ans, il rencontre Alfonsi et trouve en lui un modèle. « J’étais ébloui ».

Le temps passe et entre deux bouffées d’ice ou de paka, il se rend compte qu’il n’est pas vraiment considéré et pris au sérieux par Alfonsi, et à 23 ans, il s’engage dans la marine. Il est sous marinier pendant quelques temps, puis passe dans l’aéronavale. Pour finir, par suite de déboires personnels, il se fait réformer. Il aura passé en tout cinq ans sous les drapeaux. À son retour à Tahiti, il touche le fond et fini dans la rue où il vit d’expédients et cerise sur le gâteau, il apprend qu’il a un enfant en France suite à une rencontre via Meetic.

Soumission ou syndrome de Stockholm

Le hasard fait qu’un jour il tombe sur un familier d’Alfonsi qui lui dit que celui-ci est en danger au Mexique et qu’il faut que quelqu’un aille là-bas lui apporter de l’argent. Voyant surement en cela l’occasion de se refaire, et de prouver à tous que ce n’est pas un rigolo, un baltringue, il y va. Mais alors qu’il devait s’attendre à être accueilli avec les honneurs ou du moins remonter dans l’estime d’Alfonsi, ce n’est pas vraiment cela qui se passe. Selon lui, Alfonsi l’aurait tabassé puis forcé à fumer, le flingue sur la tempe. Alors que cette expérience aurait dû le refroidir, il s’avère qu’il a fait en tout trois voyages au Mexique pour le compte d’Alfonsi.

Le juge perplexe au regard de sa première expérience, l’interroge sur le pourquoi de ces deux voyages supplémentaires, si le premier s’était plutôt mal déroulé. « Le syndrome de Stockholm, M. le juge. » « J’appelle cela de la soumission » lui rétorque le magistrat. Car les deux autres voyages n’ont pas été une sinécure pour Pousset.

Séquestré avec un « exécuteur » mexicain

En vrac, il a été séquestré par des Mexicains, dont l’un était un « exécuteur », il a été tabassé par Alfonsi qui voulait le planter avec un couteau. Et ce n’est pas fini, il a aussi gouté aux geôles mexicaines, alors qu’il était pris dans une rafle, bref « c’était horrible, terrible, affreux. » Alfonsi le forcera à traverser la frontière américaine avec une glacière bourrée d’ice, « c’est un peureux, il pleurait en traversant la frontière avec la glacière » dira Alfonsi dans sa déposition. Ça c’est le deuxième voyage dont il ramènera 150 grammes d’ice. À noter que ces deux voyages ne lui auront rien rapporter, si ce n’est que des coups et la plus belle frousse de sa vie.

Pour le troisième voyage, il devait emmener deux millions avec lui, toujours pour Alfonsi. Mais dans sa tête, il échafaudait une petite vengeance. Celle de « saisir » l’argent et de partir pour la métropole. « Mais j’ai eu peur, ils font du trafic international avec des gars du cartel et ils pouvaient me retrouver n’importe où. »

Et là aussi grosse déconvenue. À peine arrivé, il se fait engueuler et taper dessus par Alfonsi parce qu’il a fait du change dans un bureau où le taux n’était pas intéressant. Et ce n’est pas tout, Alfonsi l’humilie devant les Mexicains en le faisant passer pour son esclave. Bref des brimades en série. Il s’enfuira à pied de Tijuana avec juste son passeport en poche. Pour autant, une fois à Tahiti il enverra de l’argent à Alfonsi par le biais de mandats. Syndrome de Stockolm, comme il dit.

Il implique sa mère et son beau-père

Enfin, comme lors du dernier voyage il s’était enfui sans récupérer ses affaires, c’est sa mère qui contacte un proche d’Alfonsi, un membre du cartel pour récupérer ses affaires là-bas. Visiblement le contact est plutôt bien passé, puisque peu de temps après, sa mère et son beau-père s’envolait pour le Mexique pour rencontrer Alfonsi et selon Pousset, il leur aurait refilé un sac à ramener à Tahiti… Un beau-père un peu particulier puisque selon le juge, il aurait envoyé de l’argent aux USA pour « acheter des machines à coco » et qui plus est, selon Pousset, il l’aurait réveillé un matin à coups de batte de base-ball pour qu’il se taise durant le procès. Le juge littéralement abasourdi par ce qu’il a entendu lui demande : « Mais vous n’avez pas peur de représailles avec tout ce que vous nous avez dit ? » « Je m’en remet à vous pour me protéger. » D’un optimisme incurable.

Corino un taiseux à l’ancienne

Si les autres prévenus, à savoir, Tiahani Tsing, Tamanui Fatuma et Christian Boyer ont reconnu leur implication dans le trafic en tant que mule ou revendeurs, et cela à des niveaux divers, il en est un, Andrew Ihorai dit « Corino » qui a calqué sa défense sur celle de Touf, l’homme de Huahine. D’une apparence impressionnante et pratiquant la boxe thaïlandaise, même en savate il réussit le tour de force de faire vibrer le sol quand il va à la barre. Un sérieux client. Et son attitude devant le juge le confirme.

Outre de servir d’homme de main, la justice lui reproche d’avoir convoyé 7,5 millions pour le compte d’Alfonsi. Ce qu’il a reconnu dans sa déposition, mais à la barre ce n’est plus la même histoire. « C’était à mon insu. » Comme Touf, conversations téléphoniques à l’appui, il nie, « ce n’est pas moi. » Alors que le juge lui lit sa déposition, dans laquelle il déclarait avoir vu Alfonsi et Danielson planquer 3 kilos d’ice dans une housse de surf, Corino le coupe, « vous mélangez tout », « justement je compte sur vous pour tout remettre dans le bon ordre », « ce n’est pas à moi de mettre dans l’ordre, c’est à toi. » le tout d’un ton qui ne souffre pas la contradiction.

La justice le soupçonne aussi d’avoir tenté de reprendre à son compte le business d’Alfonsi et de Danielson une fois les deux derrière les barreaux. Comme preuve, la justice dispose d’un échange entre lui et un certain Alberto, garde du corps mexicain d’Alfonsi. Là aussi, « ce n’est pas moi. » « Il y a quelqu’un qui a votre voix et qui porte votre nom et qui est en contact avec cet Alberto » lui dit le juge, « vous me l’apprenez, et j’espère pour lui que vous l’attraperez avant moi » et il ajoute, « batte sur la tête », cela sans un mot plus haut que l’autre. D’un calme glaçant.

Pour clore le débat le procureur lui demande « qu’est ce qui va nous assurer que vous n’allez pas continuer votre trafic ? » « On ne peut pas définir notre avenir par nos échecs passés. » Un homme d’action, fin lettré et qui plus est philanthrope. À la dernière question du juge qui voulait savoir ce qu’il faisait actuellement, « je rends service à l’humanité. » De dépit le juge le renvoie à sa place.

Demain, ce seront Tamatoa Alfonsi et Maitai Danielson qui seront entendus.

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Journal de 6:30, le 06/10/2020

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