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 « Si je dois être condamné, mettez-moi en prison le restant de ma vie » – Oscar Temaru

 

Rappelé à la barre vendredi soir, le leader indépendantiste et tavana de Faa’a Oscar Temaru a simplement affirmé : « Le combat que l’on mène ici n’est pas différent du combat en Nouvelle-Calédonie. Il n’y a pas de démocratie dans un pays sous tutelle (…) et la décision que vous allez prendre nous donnera raison ou tort, s’il n’y a pas de démocratie, il n’y a pas de justice ». Et il a affirmé que s’il doit être condamné, même d’une simple amende, « mettez-moi en prison le restant de ma vie ».   

Au sortir du tribunal vendredi soir le président du Tavini huiraatira et tavana de Faa’a Oscar Temaru a déclaré « si je dois être condamné, mettez-moi en prison le restant de ma vie ou relaxez moi ». Il estime que les réquisitions du procureur étaient « difficiles à comprendre », compte tenu des propos de ce dernier, qui l’a décrit comme « un homme honnête», mais lui disant : «Vous avez un casier judiciaire vierge, vous n’avez pas détourné de fonds, mais je dois quand même vous condamner ». Le tavana de Faa’a a aussi rappelé que dès le début de cette affaire, le ministère public a refusé de transmettre des « pièces pour plaider cette affaire (…) M. le procureur a reçu des instructions ».

 Me Jourdainne a commencé sa plaidoirie par une citation de Staline qui « donnait ses ordres au procureur en disant : les coupables, vaut mieux les choisir que de les chercher ». Il a souligné que ce procès met en lumière les libertés fondamentales, faisant référence à plusieurs articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen tels que  celui de ne pas être « inquiété pour ses opinions » ou encore celui de « libre communication des pensées et des opinions (…) un des droits les plus précieux de l’homme ».

Cette situation va « contraindre les maires soit à démissionner soit à ne plus prendre de décisions »  – Me Jourdainne

Me Jourdainne a ensuite cité Montesquieu  : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », affirmant qu’elle s’applique à de nombreux hommes politiques, notamment au fenua, mais que « force est de constater qu’elle ne s’applique pas Oscar Temaru ». La défense a même déclaré qu’en « stigmatisant » le tavana Oscar Temaru pour avoir octroyé des subventions aux associations, « cela va jeter l’opprobre sur l’ensemble des subventions allouées aux associations dans les communes (…). Si vous devez poursuivre tous les élus et les maires qui allouent des subventions, le tribunal risque d’être engorgé car c’est dans toutes les communes de la Polynésie que cela existe ». Il ajoute que cette situation va « contraindre les maires soit à démissionner soit à ne plus prendre de décisions ».

« Temaru c’est un résistant »

Me Jourdainne a assuré que le procureur général Jean-François Pascal, en place en 2014, avait « agi sur instruction (…) pour éliminer un homme politique qui dérange sur la scène internationale, et cette scène internationale commence à déranger l’État ». Il affirme aussi qu’Oscar Temaru est un « résistant », qui a décidé de s’engager dans un combat « contre son propre employeur (…) en réaction à quelque chose. M. Temaru c’est un résistant. (…) Il agit en qualité de résistant et se lance dans le combat politique pour résister (…) à une puissance qui vient détruire sa terre, son peuple et sa culture ».

« Si vous fermez Tefana vous êtes un véritable censeur »    

Pour Me Jourdainne, Radio Tefana n’est pas Radio Maohi ni Radio Bleue. Il regrette que le parquet n’ait pas fourni les pièces nécessaires à la défense pour avoir un procès équitable, à part les jugements de condamnation des deux autres radios. Il a affirmé que Radio Tefana « c’est la voix du peuple qui s’est exprimé (…) si vous fermez Radio Tefana vous êtes un véritable censeur, c’est une atteinte à la liberté d’expression de ce peuple ». Il considère que Tefana a un intérêt communal puisqu’elle informe la population.

« Cet homme qui a construit sa vie politique sur la probité (…) est à jamais marqué par le sceau du bannissement »

Me Jourdainne a terminé sa plaidoirie en soulignant l’absence de preuves dans le dossier : « Nous n’avons pas eu droit à un procès équitable, l’égalité des armes n’a pas été respectée », et en demandant l’annulation des poursuites. Il a rajouté que le tribunal va juger un homme « qui a construit sa vie politique sur la probité (…) et est à jamais marqué par le sceau du bannissement », et que si le tribunal arrêtait le combat d’Oscar Temaru pour de la « négligence, de l’imprudence,  ce serait excessif ».

« C’est un procès historique » – Me Koubbi

Me Koubbi a débuté sa plaidoirie par un extrait du livre Moruroa mon amour : « L’assassinat de la Polynésie se poursuit inexorablement dans un silence sans faille ». Et il a expliqué que l’essence même de la création de Radio Tefana était de « briser le silence sans faille ». Il a expliqué ironisé que, « à en croire le parquet, Oscar Temaru est un homme au lourd passé pénal, il est presqu’un récidiviste » et a fini par dire que ce « dossier est mal monté ».

Pour lui, ce procès est historique et le tavana de Faa’a et président du Tavini va entrer dans les livres d’histoire. Me Koubbi s’est même adressé au tribunal en lui demandant de « ne pas faire de ce procès, le procès de la preuve négative ». Un procès dont la « charge est mal fondée », selon lui, et dans lequel le procureur n’a pas pris la peine d’interroger les témoins. Me Koubbi rappelle que « la charge de la preuve est à celui qui allègue ».

« Nous dénonçons la fête du 29 juin » avec l’octroi de 29 millions « c’est une prise illégale d’intérêts »

Me Koubbi a rappelé lors de sa plaidoirie que le procès de Te Reo o Tefana fait suite à la « dénonciation » de Me Piriou, conseil d’Édouard Fritch dans l’affaire Radio Ma’ohi. Et il a décidé d’imiter son confrère et de dénoncer l’octroi d’argent public pour les festivités du 29 juin. « On sait que cette date est appelé la fête de l’autonomie et je ne parviens pas à rattacher cette date à un élément statutaire en relation avec l’autonomie puisque aucun des statuts n’a été examiné ou voté un 29 juin. La seule que je connais c’est le 29 juin 1880 qui correspond à l’annexion de la Polynésie par la France. Quand on est un président autonomiste et qu’on octroie 29 millions pour la fête de l’autonomie, il me semble au vu de l’exposé juridique du parquet que c’est une prise illégale d’intérêts (…) ».

Autre exemple pris par Me Koubbi, le Haut-commissariat qui chaque année organise un grand tama’a : « Cela coûte de l’argent et lors de ce tama’a, on explique que ce pays doit rester français. Alors, la France via le haut-commissaire ne se rend-t-elle pas coupable, selon la définition du ministère public, de prise illégale d’intérêts ? »

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1 Commentaire

  1. 24 juin 2019 à 6h00 — Répondre

    Il faut laisser la justice faire son travail, la probité des juges ne doit pas être mise en doute et si Mr Oscar Temaru est « condamné » ce ne sera qu’une d’amende certainement car on ne comprendrait pas autre peine. Alors n’en faisons pas un martyre tout de même car ce serait lui ouvrir la porte de l’histoire, il voulait y entrer s’il obtenait l’indépendance, ne l’inscrivons pas pour une affaire plus qu’ordinaire. « « si je dois être condamné, mettez-moi en prison le restant de ma vie ou relaxez moi », quelle grandiloquence dans cette déclaration, nous sommes en plein mélodrame quand on entend Me Jourdainne déclarer : Mr Temaru est un résistant (…) Il agit en qualité de résistant et se lance dans le combat politique pour résister (…) à une puissance qui vient détruire sa terre, son peuple et sa culture ». Ça c’est fort il fallait le dire, la Polynésie est un champ de ruine, les Polynésiens sont asservis et réduits au silence, vivons nous sous un régime totalitaire à l’insu de notre plein gré ?

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