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Sisco: le procès d'une banale altercation qui dégénère

Bastia (AFP) – « Arrêtez de photographier, je vais monter et en crever un »: selon des témoins, c’est une banale altercation qui a vité dégénéré qui est à l’origine de la violente rixe survenue à Sisco (Haute-Corse) à la mi-août et pour laquelle cinq hommes sont jugés jeudi à Bastia.

Très calmement, la présidente Anne David décortique le déroulé des faits de cette journée du 13 août, à l’issue de laquelle une centaine de policiers et de gendarmes avaient été nécessaires pour ramener le calme après la rixe opposant une famille de Marocains de Corse et des villageois de Sisco.

Citant des témoins, l’avocat d’une partie civile Gilles Antomarchi rappelle que tout est apparemment parti de quelques photos prises depuis le bord de la route.

Installé avec sa famille depuis le matin dans une petite crique de Sisco, Mustapha Benhaddou n’apprécie pas et le fait savoir. Jeudi, lui qui comparaît détenu et qui a déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour trafic de drogue, est le seul membre de sa famille présent devant la cour –ses deux frères, eux aussi poursuivis, ne se sont pas présentés, faisant savoir par le biais de leurs avocats qu’ils craignaient pour leur sécurité.

Interrogé par Mme David, Mustapha Benhaddou reste assez vague dans ses réponses. Il assure que des jeunes qu’il interpellait pour qu’ils ne prennent pas de photos leur ont lancé « Rentrez chez vous, vous n’avez rien à faire ici, les Arabes ».

Jiri Neumann, 18 ans, partie civile dans le dossier, le dément fermement. Mustapha Benhaddou dit regretter de l’avoir « secoué et giflé », mais nie tout usage d’un couteau ou d’une machette. A partir de là, la rixe prend de l’ampleur, quand des villageois descendent porter secours aux jeunes « secoués ».

Deux d’entre eux comparaissent aussi jeudi, libres: Lucien Straboni, 50 ans, un boulanger déjà condamné dans une affaire d’extorsion, et Pierre Baldi, 22 ans, employé de la mairie de Sisco.

– « Aux armes! » –

Devant le palais de justice, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour les soutenir, portant pour beaucoup un tee-shirt blanc barré d’une tête de Maure, emblème de la Corse et de l’inscription « Siscu – Simu tutti a fianc’ a voi » (« Sisco – Nous sommes tous à vos côtés »). 

Le parti indépendantiste Corsica Libera, dont le président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni est un des dirigeants, avait appelé à ce rassemblement, dénonçant « la prétention grandissante des petits caïds de quartiers » – des termes visant directement les trois frères marocains que le procureur de Bastia, Nicolas Bessone, avait accusés d’être à l’origine des échauffourées, en voulant « privatiser » une petite crique de Sisco et en multipliant les incidents.

Invoquant justement la « sérénité des débats », la « sûreté des prévenus » et dénonçant « l’immixtion du politique » dans l’affaire, les avocats d’un des frères marocains avaient demandé le dépaysement du procès, une demande qu’a rejetée jeudi matin le procureur général de Bastia et dont ils ont pris acte sans déposer de recours.

Quelques mois après l’agression de pompiers dans un quartier populaire d’Ajaccio le soir de Noël, qui avait été suivie d’une manifestation émaillée de slogans racistes et du saccage d’une salle de prière musulmane, la rixe de Sisco avait ravivé les tensions sur l’île.

Le flou initial à propos des circonstances des échauffourées y avait contribué et dès le 14 août, au lendemain des incidents, aux cris de « Aux armes! » et « On est chez nous! », quelque 500 personnes avaient défilé à Bastia dans le quartier populaire de Lupino, où certains pensaient que les familles marocaines impliquées vivaient. 

Le 16 août, le maire de Sisco avait interdit le burkini dans sa commune – une décision validée ensuite par le tribunal administratif de Bastia, qui a pris le contre-pied du Conseil d’Etat et mis en avant la rixe pour justifier sa décision.

Plusieurs centaines de personnes sont rassemblées devant le tribunal de Bastia le 15 septembre 2016 pour soutenir deux habitants du village corse de Sisco avant leur procès pour une rixe le 13 août. © AFP

© AFP PASCAL POCHARD-CASABIANCA
Plusieurs centaines de personnes sont rassemblées devant le tribunal de Bastia le 15 septembre 2016 pour soutenir deux habitants du village corse de Sisco avant leur procès pour une rixe le 13 août

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