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Stress et santé: comment sélectionne-t-on un astronaute?

Baïkonour (Kazakhstan) (AFP) – Résistance au stress, capacité à se focaliser « sur la solution, pas sur le problème », santé de fer: l’astronaute français Jean-François Clervoy décrit le parcours qui a permis à Thomas Pesquet d’être sélectionné pour s’envoler jeudi de Baïkonour vers la Station spatiale internationale (ISS).

Selon cet astronaute qui a effectué trois missions dans l’espace entre 1994 et 1999 et qui a participé au jury ayant sélectionné en 2008 Thomas Pesquet, les méthodes de sélection ont évolué avec le temps et les « tests de torture », comme la centrifugeuse, n’ont plus cours.

QUESTION: Quel est le processus de sélection d’un astronaute?

REPONSE: « La sélection s’étale sur un an. Lors de la première étape, on identifie simplement ceux qui n’ont pas la place dans ce métier. Puis quand il ne reste que 200 candidats, on cherche à prendre les meilleurs. C’est une étape de +psychologie+ avec deux psychologues, un directeur des ressources humaines et un astronaute. On regarde leurs capacités à régler des problèmes en groupe mais il y a aussi des tests individuels.

Ce qui compte, c’est la résistance au stress du candidat sur des questions délicates. J’avais inventé trois scénarios différents. A Thomas Pesquet, je lui avais demandé: +Vous faites une sortie extravéhiculaire, c’est la fin de la sortie et vous avez subitement une fuite d’oxygène. Selon la procédure, vous devez rentrer dans le sas mais votre collègue vous appelle, il est emmêlé dans des câbles et si quelqu’un vient pas l’aider il pourra pas s’en sortir. Qu’est-ce que vous faites?+

Il n’y a pas vraiment de réponse meilleure qu’une autre mais il y a des façons de raisonner. On voit si la personne est tout de suite à l’aise ou stresse à cette question. Un astronaute doit focaliser tout de suite sur la solution et pas sur le problème. Comme dans le film +Seul sur Mars+, où c’est très bien mis en valeur! »

Q: Les critères physiques sont-ils aussi cruciaux dans cette sélection?

R: « Pour le cas de Thomas Pesquet, on avait sélectionné 50 candidats qui étaient vraiment les meilleurs. Ils ont passé une visite médicale extrêmement poussée d’une semaine. La moitié seulement ont été déclarés aptes médicalement.

On va regarder des petits détails qu’on n’irait pas chercher ailleurs mais qui sont éliminatoires, même si la personne pourrait vivre centenaire sur Terre. Cela se passe au niveau cardio-vasculaire, des artères, du cœur ou de la rétine.

Ce ne sont même pas des problèmes de santé mais ce sont des caractéristiques qui peuvent favoriser l’apparition de problèmes lors de l’exposition longue durée dans l’espace. Des pilotes d’essai ont par exemple déjà été recalés à cette étape. »

Q: La méthode de sélection d’un astronaute a-t-elle évolué par rapport au passé?

R: « J’ai fait deux sélections, une pour le Centre national d’études spatiales (Cnes) en 1985 et une en 1992 avec l’Agence spatiale européenne (ESA). Dans les critères médicaux, il y a des choses qu’on n’allait pas chercher à l’époque et d’autres où c’est l’inverse. Par exemple, tous les tests physiologiques spéciaux comme la centrifugeuse, la table basculante ou le tabouret tournant…

Ce genre de +tests de torture+, même si c’était rigolo, ne sont plus utilisés. Parce qu’on a désormais une expertise médicale qui permet de déterminer si un candidat tiendra le coup. »

L'astronaute français Thomas Pesquet, le 25 octobre 2016 près de Moscou. © AFP

© AFP/Archives Kirill KUDRYAVTSEV
L’astronaute français Thomas Pesquet, le 25 octobre 2016 près de Moscou

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