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Suspension de l'Uvestérol D après la mort d'un nourrisson

Paris (AFP) – Les autorités sanitaires ont décidé de suspendre l’Uvestérol D, médicament contre les carences en vitamine D dont le mode d’administration par pipette est soupçonné d’avoir entraîné le décès d’un nouveau-né, une décision jugée trop tardive par certains.

Evoquant un « lien probable » entre ce décès et l’administration d’Uvestérol D, l’Agence nationale de sécurité du médicament a lancé mercredi, par « mesure de précaution », une procédure « en vue de la suspension de la commercialisation » du produit. 

Cette procédure contradictoire, qui permet à Crinex, laboratoire qui commercialise le produit, de faire valoir ses arguments, devrait aboutir à une décision de suspension d’ici 48 heures, a expliqué l’ANSM à l’AFP.

« Nous verrons dans la durée s’il faut retirer définitivement ou pas ce médicament du marché », a précisé la ministre de la Santé Marisol Touraine sur RTL.

Un nourrisson âgé de dix jours est décédé le 21 décembre à Corbeil-Essonnes (Essonne), après une prise d’Uvestérol D, couramment utilisé en France, seul pays où il est commercialisé, pour prévenir la carence en vitamine D.

Le nourrisson a présenté « des signes de suffocation » « immédiatement après l’administration » du médicament, avant de décéder à son domicile par « arrêt cardio-respiratoire », a détaillé l’ANSM dans un message envoyé le 30 décembre aux centres régionaux de pharmacovigilance, dont l’AFP a obtenu copie. 

Dès maintenant, la ministre de la Santé a appelé « les parents à ne plus administrer d’Uvestérol D à leurs enfants », « à titre de précaution ».

Les « autres spécialités à base de vitamine D » ne sont pas concernées, a souligné Marisol Touraine, assurant aussi que les enfants qui ont pris de la vitamine D par le passé « ne courent aucun danger ».

Un numéro vert (0800 636 636) est disponible pour informer les parents.

« C’est le mode d’administration spécifique du produit qui présente des risques (et pas la vitamine D) », a expliqué Marisol Touraine. 

L’Uvestérol D se présente sous forme liquide, dans un flacon dont on extrait, à l’aide d’une pipette, la dose à administrer.

« D’autres spécialités contenant de la vitamine D sont disponibles pour les nourrissons », a rappelé la Direction générale de la santé (DGS, ministère de la Santé), dans un message diffusé aux médecins: l’Adrigyl, le ZymaD et le Stérogyl, vendues sous forme de flacons compte-gouttes. 

– « Depuis des années » –

Plusieurs incidents graves (malaises avec apnée, « fausses routes »…) liés à ce mode d’administration avec la pipette ont été signalés par le passé, valant au produit une « surveillance renforcée » depuis 2006.

En 2006, puis en 2013, l’ANSM a alerté sur les précautions à prendre chez les nourrissons: « Toujours administrer le produit avant la tétée ou le biberon », installer l’enfant « éveillé » « en position semi-assise », laisser l’enfant « téter » la seringue ou faire couler le produit « goutte à goutte », ne pas l’allonger « immédiatement après l’administration », prévient la notice.

Le laboratoire Crinex, qui commercialise 1,8 million de doses d’Uvestérol D par an, va « rencontrer (jeudi) les autorités de santé pour analyser les faits et réfléchir à un mode d’administration alternatif pour les nouveau-nés », a-t-il annoncé.

Crinex avait déjà modifié la pipette en 2006, puis reformulé le produit en 2014: plus concentré, le volume à administrer est désormais plus faible (seulement quatre gouttes).

Mais, « aucun élément tangible » ne montre « que ces changements réduisent le risque de malaise », estimait en 2015 la revue médicale Prescrire.

La revue a salué la décision de suspension, tout en estimant qu’elle « aurait dû être prise depuis des années ».

Les autorités sanitaires « ont été trop indulgentes », a estimé Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de Prescrire, sur RTL, regrettant que leur priorité soit trop souvent « de ménager les firmes pharmaceutiques » plutôt que de protéger les patients.

« Comment se fait-il que les pouvoirs publics n’aient pas mis fin à sa commercialisation alors qu’il existe des alternatives à ce produit? », s’est aussi interrogée la députée européenne Michèle Rivasi, réclamant une « enquête indépendante ».

L’agence sanitaire n’a pas souhaité faire de commentaires sur ces mises en cause.

Crinex, laboratoire familial basé à Montrouge, est spécialisé dans la prévention des maladies des nourrissons et l’hygiène buccodentaire. Il emploie 27 salariés pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros (dont 10% grâce à l’Uvestérol D).

Une enquête judiciaire a par ailleurs été ouverte à Evry pour déterminer les causes du décès.

Des boîtes d'Uvestérol D enlevées des rayons d'une pharmacie, le 4 janvier 2017 à Bordeaux. © AFP

© AFP Mehdi FEDOUACH
Des boîtes d’Uvestérol D enlevées des rayons d’une pharmacie, le 4 janvier 2017 à Bordeaux

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