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Tarifs bancaires : un « nouvel effort », toujours « des marges de manœuvre »

Si l’IEOM est chargé du suivi et de l’encadrement de ces accords tarifaires, c’est bien le haut-commissaire qui en a la responsabilité. En cas de désaccord avec les banques, il peut décider de geler, baisser ou fixer certains tarifs par arrêtés. ©C.R.

Moins 5,5% sur les frais de tenue de compte et les cartes internationales, des abonnements aux services à distance divisés par deux… Les établissements bancaires polynésiens ont signé ce lundi un nouvel accord de modération de leurs tarifs avec l’État et l’IEOM. Un accord qui prévoit aussi un gel d’une dizaine d’autres lignes tarifaires, et une limitation à 2% de l’augmentation de tous les autres prix, pour les particuliers comme les entreprises, sur 2023. Un « réel effort » en période d’inflation pour les banques, même si les écarts avec la métropole ou la Nouvelle-Calédonie sont loin d’être résorbés.

Faire « converger » les tarifs bancaires de Polynésie avec ceux de la métropole. C’est l’objectif des accords triennaux négociés entre les établissements bancaires, l’IEOM et le Haussariat, et dont une nouvelle version a été signée ce lundi après-midi. La convention prévoit la baisse de quatre des « tarifs principaux » facturés par les banques de la place aux particuliers. La Socredo, la Banque de Tahiti et la Banque de Polynésie s’engagent à partir du mois d’avril et sur trois ans maximum, à baisser progressivement de 5,5% leurs frais de tenue de compte, et la facture des émissions de cartes internationales à débit immédiat ou différés. Les abonnements à un service bancaire à distance, la banque en ligne notamment, devraient dans le même temps être adoucie de près de 50%. La dizaine d’autres lignes tarifaires faisant partie de ce cycle de négociation commencé en 2014 seront quant à elles gelées toujours pendant trois ans.

Quant aux autres tarifs des plaquettes « particuliers » ou « entreprises » – des centaines de références, plus ou moins usités – les trois établissements polynésiens se sont en outre engagés, dans la lignée de la Fédération bancaire française (FBF), à limiter à 2% leur augmentation au cours de l’année 2023. Au Haussariat, on souffle que les négociations avec les banques n’ont pas été faciles cette année. « C’est un effort que l’on fait dans un contexte d’inflation forte et qui s’ajoute aux baisses de tarifs déjà actées les autres années » appuie Matahi Brothers, directeur général sortant de la Socredo et vice-président, à ce titre, du comité local de la FBF.

Focus sur les plus fragiles

Son successeur, Régis Chang, pointe que l’accord « met aussi l’accent sur la clientèle fragile financièrement ». D’abord en « les aidant à accéder aux services bancaires » avec la baisse de 360 à 120 francs par mois du « package » dédié, que chaque banque est tenue de proposer. « Nous allons poursuivre la sensibilisation et l’information régulière de cette clientèle pour les aider à basculer dans cette offre qui les protège financièrement », précise celui qui prendra les rênes de l’établissement à la feuille de uru en janvier. Qui les protège notamment contre l’accumulation des incidents de paiement, « puisque les frais sont plafonnés à un montant fixé par la loi ».

La convergence, pourtant, reste lointaine. Lors du dernier point d’étape de l’Observatoire des tarifs bancaire tenu par l’IEOM – une nouvelle publication basée sur les chiffres d’octobre, et qui servira de base à l’accord signé ce lundi, est attendue dans les jours à venir – la différence entre les frais métropolitains et polynésiens était de 7 à 10% pour les cartes internationales et atteignait 80% pour ce qui est des frais de tenue de compte. Certes 6 tarifs sur les 14 qui sont désignés par les textes nationaux comme faisant l’objet d’une surveillance étaient déjà « au niveau ou en dessous » des moyennes hexagonales, mais c’est sans tenir compte des centaines de lignes tarifaires qui restent en dehors de ce radar.

« Le travail n’est pas terminé »

À l’IEOM, mis en charge par l’État du suivi de ces accords, on ne s’étonne pas de ces différences encore marquées. Son directeur Fabrice Dufresne rappelle que les coûts d’exploitation sont « largement plus importants » au fenua qu’en métropole, que le risque d’impayés reste globalement plus fort en outre-mer, même si la Polynésie est de ce point de vue « assez épargnée ». Et surtout que les tarifs bancaires métropolitains, à la faveur des taux d’intérêt bas puis de l’inflation, ont plutôt eu tendance à augmenter ces dernières années, avec l’apparition, dans certains établissements, de frais de tenues de compte jusque là inexistants.

Reste que la différence avec la Nouvelle-Calédonie, au désavantage très net des usagers polynésiens, a de quoi interpeller : elle serait due, toujours d’après le directeur de l’institut, à un secteur plus concurrentiel sur le Caillou, un marché et une structuration différente pour les banques de la place. Pour Fabrice Dufresne le travail de convergence des tarifs, débuté notamment sous l’impulsion du mouvement social sur la Vie Chère des Antilles, en 2009, n’est quoiqu’il arrive pas terminé : « il y a des marges de manœuvres, notamment dans le Pacifique » appuie le responsable.

À noter que Marara paiement, nouvelle filiale spécialisée de l’OPT et Niu Pay, qui propose des comptes et services financiers dématérialisés, ne sont pas formellement soumis à ces négociations bancaires, mais ont accepté de ne pas augmenter leurs frais de tenue de compte jusqu’à la fin 2023. Aux termes de l’accord, les autres tarifs, qui risquent d’évoluer vu la jeunesse des deux structures, ne devront pas dépasser la moyenne de celles des trois banques. À noter que depuis le début d’année le comparateur de tarifs bancaires national, accessible à l’adresse tarifs-bancaires.gouv.fr, inclut les données récoltées par l’IEOM au fenua. 

Les « packages » toujours pas contrôlés

Comme l’avait relevé Tahiti Infos lors de la dernière publication de l’IEOM, l’offre bancaire est de plus en plus basée sur des « offres regroupées de produits ». Plutôt que sur des tarifs isolés, les agences proposent à leurs clients ces « packs » ou « packages » comprenant les frais de tenue de compte, un abonnement internet, une carte, des assurances et différents services. Le quotidien estimait alors que ces offres groupées, à la Socredo ou la BP par exemple, n’avaient pas suivi la même dynamique que les tarifs contrôlés. « Nous avons une obligation d’appliquer, dans ces packages, des prix qui sont inférieurs au prix de la plaquette, précise pourtant Régis Chang, de la Socredo. Les promotions peuvent aller jusqu’à 50% pour certains packages ». Ce qui explique la stagnation voire même le renchérissement de ces offres, souvent présentées comme le forfait de base d’une ouverture de compte, c’est que la liste des services proposés dans le package, elle, évolue, précise-t-on du côté de la BP. Des tarifs modérés, mais des « packs » plus musclés ? Ce pourrait être une porte de sortie pour les banques de la place puisque ces offres groupées, même s’ils tiennent une place très importante sur le marché, restent en dehors des radars de l’IEOM : « Ce sont des produits compliqués à surveiller », reconnait son directeur Fabrice Dufresne, qui rappelle que l’harmonisation des libellés sur les tarifs « simples » avait déjà pris plusieurs années.

 

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