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Transparence : du côté de l’État, c’est pas encore ça

Si des progrès ont été faits en matière de transparence, Etat, ministères et administrations publiques sont encore loin d'être en mesure d'informer convenablement le public, selon un rapport sénatorial, inédit sur le sujet, présenté jeudi. © MaxPPP

Si des progrès ont été faits en matière de transparence, Etat, ministères et administrations publiques sont encore loin d’être en mesure d’informer convenablement le public, selon un rapport sénatorial, inédit sur le sujet, présenté jeudi. © MaxPPP

OPEN DATA – Ministères et administrations sont encore loin d’offrir une information suffisante aux citoyens, selon un rapport sénatorial inédit.

Un homme averti en vaut deux, selon le dicton. Mais les Français ont-ils vraiment accès à toutes les informations auxquelles ils ont droit ? Si des progrès ont été faits en matière de transparence des données publiques, État, ministères et administrations sont encore loin d’être en mesure d’informer convenablement les citoyens, selon un rapport sénatorial, inédit sur le sujet, présenté jeudi.

« La communication de données publiques, exhaustive et précise, ne doit plus être l’exception mais la norme. Il faut changer de lunettes », prévient ainsi l’écologiste Corinne Bouchoux, l’auteure principale de ce document, validé à l’unanimité par la chambre haute.

Des efforts sont faits… En France, depuis une loi de 1978, les administrations publiques sont contraintes de « mettre à disposition du public » toutes les données dont disposent les administrations publiques. Mais elles ne sont pas obligées de mettre ces données en accès libre et permanent, ni sur internet ni dans un local. Elles ne sont pas, non plus, tenues par la loi de communiquer des informations qui touchent à la vie privée, à la sécurité nationale ou au secret industriel.

Pour le reste, n’importe quel citoyen, s’il veut obtenir des informations sur les délibérations des élus, le budget de la commune, les subventions aux associations, la répartition de la réserve parlementaire ou encore les marchés publics, peut écrire à la Cada, la Commission d’accès aux documents administratifs. Celle-ci a en effet autorité pour contraindre les administrations à communiquer les données demandées par un citoyen. Si l’administration refuse encore, le citoyen peut alors saisir le tribunal administratif.

Outre cette loi, de nombreux efforts ont été fait constate le rapport. Le site Data.gouv.fr par exemple, crée en 2011, recense 350.000 jeux de données publiques. Une trentaine de collectivités territoriales se distinguent également par la clarté et l’efficacité de leurs informations publiées sur internet. La plateforme interactive du Département de Saône-et-Loire, par exemple, fait figure de modèle.

La plateforme d'Open Data de Saône-et-Loire est une référence

La plateforme d’Open Data de Saône-et-Loire est une référence

… Mais c’est loin d’être suffisant. Toutefois, « on ne peut plus continuer avec la loi de 1978. Elle instaure des racines saines mais qui doivent encore pousser. Il faut organiser le passage à l’Open data », résume la sénatrice Corinne Bouchoux. L’Open data, dans la définition que lui donne le rapport, est une communication des données publiques, accessibles en permanence, sur internet notamment, de manière exhaustive et surtout lisible. Et pour l’heure, c’est loin d’être le cas. Si de nombreuses données sont publiées, elles ne sont pas forcément compréhensibles par le public. Et tout le monde ne dispose pas du temps et des moyens pour saisir la Cada et éventuellement suivre une procédure judiciaire.

À cause d’une « réticence persistante de l’administration », d’un « manque de compétences ou de moyen », les informations « déçoivent souvent les attentes des citoyens », dixit Corinne Bouchoux. Depuis 1978, la Cada a ainsi dû rendre 5.000 avis par an, en moyenne, preuve qu’elle est régulièrement saisie par des citoyens désireux d’informations claires. Et en 2013, sur ces 5.000 avis, « elle a essuyé 120 refus de la part des administrations publiques », selon Corinne Bouchoux.

Être sénatrice et chantre de l'Open data, c'est possible, prouve Corinne Bouchoux. © MaxPPP

Être sénatrice et chantre de l’Open data, c’est possible, prouve Corinne Bouchoux. © MaxPPP

Tous les domaines sont touchés par le flou. Pendant 14 semaines, les sénateurs ont auditionné chercheurs, journalistes, associatifs ou industriels. Et tous ont reconnu des lacunes dans l’accès à l’information. Impossible, par exemple, de savoir quelles entreprises polluent le plus, car le site du ministère de l’Écologie ne fournit des données qu’usine par usine, soit des centaines de chiffres illisibles. Impossible, également, de connaître, via le ministère de la Santé, l’évolution du prix du médiator avant 2010.

Mathieu Escot, de l’UFC-Que choisir, auditionné par le rapport, relate par exemple sa difficulté à établir une carte des médecins qui pratiquent des dépassements d’honoraires, car le site de l’Assurance maladie ne propose qu’un agrégat de données médecin par médecin. « Nous avons dû reconstituer la base par une procédure d’aspiration de données. L’opération, effectuée par un prestataire, a coûté 20.000 euros », témoigne ce défenseur du droit des consommateurs.

Mathilde Mathieu, journaliste à Médiapart, raconte également le parcours du combattant pour obtenir le contenu des échanges entre la Commission des comptes de campagne et les équipes de Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen, au sujet des comptes de la présidentielle de 2007. « Nous nous sommes adressés à la Cada, qui nous a donné un avis favorable. La Commission a néanmoins maintenu son refus. Nous avons donc saisi le tribunal administratif. À part de grands médias, qui peut payer des frais d’avocats et suivre une procédure longue », s’interroge la journaliste lors des auditions.

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Quels remèdes proposent le rapport ? Pour remédier à ce manque de transparence, le rapport préconise 24 mesures, dont la principale consiste à créer un « référé communication ». L’idée : que la Cada puisse saisir le tribunal administratif dès qu’elle est sollicitée, si c’est au sujet d’une question qu’elle a déjà traité auparavant. Car aujourd’hui, le délai d’un mois dont dispose une administration pour répondre, reconductible en cas de réponse incomplète, entraîne des procédures interminables. Le hic : le Sénat est pour l’heure le seul à s’être saisi de la question. Et les rapporteurs sont incapables de dire quand leurs recommandations verront le jour. « Nous allons voir comment vont réagir les députés », explique Corinne Bouchoux. Et d’enchaîner : « nous attendons un bouleversement ».

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Source : Europe1

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