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Trois ans avec sursis pour escroquerie aux voyages

Elle vendait des vols ou des packages pour Las Vegas ou Los Angeles à des prix défiant toutes concurrence. Elle proposait aussi des dollars à un taux de change sans équivalent sur le marché. Le tout sans licence de voyagiste, ni d’agent de change. Poursuivie pour escroquerie avec au moins 80 victimes à son actif, elle a été condamnée à trois ans de prison avec sursis.

Marcelline est une « mama » de 52 ans, vêtue d’un bermuda et d’un vague t-shirt marron qui semble trop grand pour elle, tant elle est menue. Un peu dure d’oreille, son handicap force témoins, juge et avocats à hausser le ton. Elle n’a pas vraiment un profil d’escroc de haut-vol et pourtant des victimes, elle en a fait. On les estime à plus de 80 et seules 49 d’entre elles se sont portées partie civile, cela pour un préjudice d’environ 55 millions de francs. On lui reproche d’avoir, entre 2014 et 2017 vendus des voyages, fictifs pour certains, à destination de Los Angeles ou Las Vegas, à des prix défiant toute concurrence. Pour exemple, un séjour de deux semaines, avec billet d’avion aller-retour, hôtel et chauffeur ne revenait qu’à 180 000 francs par personne, et parfois même beaucoup moins.

Pour 13 millions d’impayés dans une agence de voyage locale

Bien évidemment, cette offre sans égale a vite circulé de bouche à oreille. Si les premiers voyages se sont déroulés sans anicroche, pour certains ce fut loin d’être le cas. Ils n’ont tout bonnement pas pris l’avion. Marcelline annulant, le jour du départ, le voyage et laissant ses clients en plan bagages à la main tout en leur promettant que cela n’était que partie remise et en gardant les sommes versées. Tout cela évidemment sans avoir de licence de voyagiste, ce qui n’a pas empêché, comme l’a relevé son avocat, une agence de voyage locale et ATN de lui vendre une bonne quantité de billets ou de packages. L’agence de voyage a d’ailleurs pour près de 13 millions d’impayés.

Jusque là, le business de Marcelline se portait plutôt bien. Elle arrivait à juguler les éventuels clients mécontents. Tout a basculé quand elle s’est improvisée agent de change. « Mes clients me demandaient si je ne pouvais pas m’occuper de changer les Francs pacifique en dollars US. Je l’ai fait et en échange ils m’envoyaient d’autres clients. » C’est ce qui a causé sa perte.

15 millions de CFP à changer en USD

Alors qu’elle achetait le dollar au taux normal de change, elle le revendait pour moitié moins à sa clientèle, pensant comme cela faire venir du monde et renflouer son activité de voyagiste. Elle échangeait à perte, voire à grosse perte. De fait son carnet de commande n’a pas désempli et de voyagiste elle est devenue agent de change, en toute illégalité. Certains lui remettaient pour 800 000 francs à échanger. L’une de ses victimes a confié à la barre lui avoir donné près de 15 millions au total à changer. Pas 15 millions lui appartenant. Non. C’était de l’argent qu’elle avait récolté auprès de proches ou vagues connaissances qui étaient intéressées par la rentabilité du système. Au passage, elle empochait évidemment sa commission. Il semblerait qu’ils soient plusieurs à avoir fait cela. Escroc et victimes ont cela en point commun, c’est l’avidité qui est à la fois leur moteur et la cause de leurs ennuis.

Tracfin soulève le lièvre

La seule qui ne se retrouvait pas dans cette magouille, c’était Marcelline. Si au début elle pensait que son activité d’agent de change allait booster son « agence de voyage », elle s’est vite rendu compte qu’il n’en était rien. Sentant le vent tourner et recevant de plus en plus de SMS lui demandant des comptes, elle s’est réfugiée à Moorea, « pour faire le point et trouver une solution pour m’en sortir ». Et la solution est venue de Tracfin, le service en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent. Celui-ci a relevé pléthore mouvements d’argent mettant en jeu des sommes importantes, retraits d’espèces, virements, achats de devises, d’autant plus surprenants et suspects qu’ils émanaient d’un compte personnel. Ce qui a sonné le glas des affaires de Marcelline, car la cellule Tracfin a signalé les faits au parquet qui a ouvert une enquête.

Alors que le juge lui demande si elle a gagné de l’argent avec son activité, en toute décontraction, Marcelline avoue, « au départ oui, c’est quand j’ai commencé à changer des Dollars que j’en ai perdu. J’ai continué pour tenter de combler le trou, mais cela n’a fait que le creuser. J’ai été dépassée ». Ce que n’a pas manqué de relever la partie civile. « Elle dit avoir été dépassée, mais début 2017, alors que l’agence de voyage qui lui vendait les billets a rompu ses relations avec elle à cause de 13 millions francs de billets impayés qu’elle leur devait, elle a continué à en vendre jusqu’à fin 2017. Des gens se sont endettés pour faire le voyage de leur vie et se sont retrouvés sur le parking de l’aéroport, valises à la main et sans billet ! »

« Il n’y a qu’en Polynésie… »

Pour le procureur, « il n’y a qu’en Polynésie qu’on peut s’improviser dans une profession, prendre une patente et se lancer (…) c’est propre à la Polynésie, une certaine naïveté, cupidité ou avidité qui fait que personne ne se pose de questions quant au taux de change très avantageux, et le bouche à oreille fait le reste. » Estimant que l’accusée a été pris dans un engrenage et peut-être aussi, sans le dire expressément, que certains des floués n’ont eu que ce qu’ils méritaient, il réclame trois ans avec sursis et 300 000 Fcfp d’amende avec obligation d’indemniser les victimes et interdiction d’exercer l’activité de voyagiste.

Arguant que « l’on peut tout prêter à ma cliente, sauf une intelligence élaborée » l’avocat de la défense estime que « son système ne pouvait perdurer, elle a un sérieux problème avec la gestion et l’administration. Les dollars étaient en quelque sorte, un appel d’offre pour les voyages qu’elle vendait et cela avec des pertes colossales pour elle. » D’autant précise-t-il , « qu’aucune somme d’argent n’a été saisie, elle n’a ni bien immobilier, ni trésor de guerre. » Taclant au passage, « les banques locales qui n’ont rien signalé, ce qui est tout de même inquiétant au vu des mouvements d’argent», il assure ne pas demander la clémence, « mais une peine appropriée, comme celle qui est requise. » Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur en condamnant Marcelline à trois ans de prison avec sursis avec obligation d’indemniser les victimes et verser à chacune 50 000 Fcfp au titre de préjudice moral.

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