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Turquie: Ankara promet de "déraciner" le mal güleniste

Istanbul (AFP) – Quatre jours après le putsch raté en Turquie, la machine judiciaire était lancée, avec la mise sous écrou de 26 généraux, dans le cadre d’une vaste opération de reprise en main destinée à « déraciner » les gülénistes accusés de la rébellion.

De nouveaux secteurs de l’Etat étaient touchés mardi par la purge en cours. Plus de 200 employés des services du Premier ministre ont été mis à pied, de même que près de 500 autres de l’agence des affaires religieuses, a annoncé mardi l’agence Anadolu.

Au total, 9.322 militaires, magistrats, policiers font l’objet d’une procédure judiciaire, a annoncé le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus, sans plus de précisions.

« Nous allons les déraciner d’une manière telle que (…) plus aucun traître, plus aucune organisation terroriste clandestine, plus aucun groupe terroriste séparatiste n’aura l’audace de trahir ce peuple sacré, ce grand Etat, la Turquie », a déclaré le Premier ministre Binali Yildirim, en référence aux partisans du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’être derrière le putsch.

Se livrant à un exercice délicat d’équilibre, il a rejeté « tout esprit de vengeance » qui serait « absolument inacceptable dans l’Etat de droit », alors que la communauté internationale s’inquiète d’un déchaînement répressif en Turquie.

« Cette nation tire sa force du peuple, pas des chars », a lancé le Premier ministre au Parlement.

« Le niveau de vigilance et de surveillance va être important dans les jours qui viennent », avait prévenu lundi le secrétaire d’Etat américain John Kerry.

 – La vie d’Erdogan menacée –

Le président Recep Tayyip Erdogan a expliqué que sa vie avait été menacée par les putschistes, alors que les conditions de son exfiltration de la station balnéaire de Marmaris (ouest) où il se trouvait lors du déclenchement du coup d’état restaient floues.

« Si j’étais resté 10, 15 minutes de plus à l’hôtel, ils m’auraient tué, kidnappé, ou emmené », a-t-il assuré dans une interview diffusée tard lundi par la chaîne américaine CNN.

Le président a ajouté qu’il accepterait la réintroduction de la peine de mort si le Parlement turc le décidait. Il a annoncé qu' »une décision importante devait être prise » lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale mercredi à Ankara, où il n’est pas retourné depuis le putsch manqué.

Jusqu’à présent au moins 118 généraux et amiraux dans tout le pays ont été placés en garde à vue, suspectés d’implication dans le coup d’Etat manqué, selon l’agence Anadolu, dans ce qui s’apparente à une purge importante au sein de l’armée.

Vingt-six généraux et amiraux, dont l’ancien chef de l’armée de l’air, le général Akin Oztuk, ont été placés en détention préventive après avoir été inculpés, notamment, de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel », de « tentative d’assassinat » du président Erdogan et de « constitution d’une organisation armée ». 

 – ‘Dossiers’ sur Gülen pour Washington –

Mais « l’écrasante majorité des Forces armées turques qui aime sa patrie, sa nation et son drapeau n’a absolument rien à voir » avec la tentative de coup d’Etat, a assuré l’état-major dans un communiqué. Les « traîtres » ayant pris part à « cette  vilénie » seront « sanctionnés de la manière la plus lourde ».

M. Kurtulmuş a lui aussi expliqué que le putsch « n’a pas été soutenu par la chaîne de commandement » de l’armée. « ce sont (les gülenistes) des forces armées qui ont fait le coup d’Etat. Il n’y a pas de différence entre eux et l’EI », a-t-il lancé, à propos du groupe Etat islamique.

Mais « nous n’agirons pas comme ce gang de meurtriers. Nous agirons dans les limites de la loi », a-t-il assuré lui aussi.

Par ailleurs, 9.000 policiers, gendarmes et fonctionnaires ont été démis de leurs fonctions dans la chasse aux gülenistes.

Il a par ailleurs démenti des informations de presse selon lesquelles des bateaux ou des avions de l’armée auraient disparu.

« Nous avons envoyé quatre dossiers aux Etats-Unis pour (demander) l’extradition du terroriste-en-chef », a déclaré M. Yildirim au Parlement au sujet de Fetullah Gülen. La demande officielle d’extradition doit être envoyée très prochainement.

Mais le prédicateur a réfuté dans une interview lundi à l’AFP aux Etats-Unis toute responsablité. « J’ai toujours été contre l’intervention des militaires en politique intérieure », a-t-il assuré.

Il a laissé entendre que le gouvernement aurait pu jouer un rôle dans cette tentative de putsch. « Vous avez des informations de presse indiquant que des membres du parti au pouvoir étaient au courant de la tentative huit, dix voire 14 heures à l’avance », relève-t-il.

Mais le vice-Premier ministre a formellement démenti: « nous n’avions aucune information sur le coup », a assuré M. Kurtulmas.

Les fontionnaires mis à pied ont été interdits de quitter le territoire. Un journal de Géorgie a rapporté des déploiement policiers au poste frontalier de Sar, pour empêcher les Turcs de sortir du pays. 

La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a dénoncé la fermeture par les autorités turques de 20 sites indépendants d’information ces trois derniers trois jours.

Le Premier ministre turc Binali Yildirim s'exprime devant les membres de son parti AK le 19 juillet 2016 à Ankara. © AFP

© AFP ADEM ALTAN
Le Premier ministre turc Binali Yildirim s’exprime devant les membres de son parti AK le 19 juillet 2016 à Ankara

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