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Turquie: arrestation et détention des chefs du parti prokurde

Diyarbakir (Turquie) (AFP) – Les chefs du principal parti prokurde de Turquie ont été placés vendredi en détention préventive, quelques heures après leur arrestation par les autorités, qui semblent franchir une nouvelle étape dans les purges menées tous azimuts depuis le putsch avorté de juillet.

L’arrestation des coprésidents du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas et de Mme Figen Yüksekdag, et d’une dizaine d’autres députés de cette formation, a suscité des réactions indignées en Occident, dont les relations avec la Turquie sont déjà tendues en raison des atteintes aux libertés reprochées au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan.

Peu après leur arrestation, dans la nuit de jeudi à vendredi, un attentat à la voiture piégée a frappé dans la matinée un bâtiment de la police à Diyarbakir, « capitale » du sud-est turc à majorité kurde, faisant neuf morts, dont deux policiers et plus de cent blessés, selon un dernier bilan de source officielle.

Il a été attribué par le Premier ministre Binali Yildirim au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée « terroriste » par Ankara, Washington et Bruxelles.

La décision de placer les deux chefs du parti en détention préventive a été prise dans l’après-midi par un tribunal de Diyarbakir, dans le cadre d’une enquête « antiterroriste » liée au PKK, selon l’agence progouvernementale Anadolu. Cinq 

Cinq autres députés de cette formation ont également été placés en détention préventive à Diyarbakir et dans d’autres villes, selon la même source. Trois autres ont été relâchés sous contrôle judiciaire.

Le HDP, deuxième parti d’opposition en Turquie, a estimé dans un communiqué que les arrestations marquaient « la fin de la démocratie » dans le pays.

Les Etats-Unis sont « profondément troublés » par la détention des élus prokurdes, a écrit sur Twitter Tom Malinowski, chargé des droits de l’Homme au département d’Etat.

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, s’est pour sa part dite « extrêmement inquiète ». Berlin a annoncé avoir convoqué le chargé d’affaires turc et le porte-parole de la chancelière Angela Merkel a jugé ces arrestations « hautement alarmantes ».

A Paris, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Romain Nadal a affirmé que l’arrestation des élus HDP « soulève une vive préoccupation » et appelé Ankara « à respecter l’Etat de droit et les libertés fondamentales ».

Dans un texte rédigé à la main lu par l’un de ses avocats, M. Demirtas s’est dit victime d’un « coup civil par le gouvernement et le palais ».

Les mots « nous allons à coup sûr gagner » qu’il a lancés en turc au moment de son arrestation ont été très partagés sur Twitter sous le hasthtag #MutlakaKazanacagiz . 

« C’est un coup d’Etat contre le HDP, c’est un coup d’Etat contre le pluralisme, contre la diversité, contre l’égalité », a déclaré Garo Paylan, un député du HDP, lors d’une conférence de presse au quartier-général stambouliote du parti.

– Réseaux sociaux au ralenti –

A Ankara, des dizaines de manifestants solidaires du HDP ont été dispersés par les forces de l’ordre à l’aide des gaz lacrymogènes, a constaté un photographe de l’AFP.

L’accès aux réseaux sociaux et à des applications de messagerie était fortement perturbé vendredi, quelques heures après l’arrestation des élus kurdes.

La plate-forme de surveillance TurkeyBlocks a indiqué avoir « détecté des restrictions d’accès à plusieurs réseaux sociaux dont Facebook, Twitter et YouTube à partir de vendredi à 01H20 (22H20 GMT jeudi) ». 

Après les arrestations et l’attentat, la livre turque, déjà fragilisée par des turbulences politiques majeures, a atteint un nouveau plancher historique face au dollar vendredi à 3,17 liras contre le billet vert.

Le week-end dernier, les deux maires de Diyarbakir ont été placés en détention et une douzaine de médias prokurdes ont été fermés par décret.

Ces mesures ont aggravé les tensions dans le sud-est du pays, ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité depuis la rupture, à l’été 2015, d’un fragile cessez-le-feu, qui a sonné le glas du processus de paix pour mettre un terme à un conflit ayant fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Le président Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu’il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime.

En mai, le Parlement turc a voté la levée de l’immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP.

Sous l’impulsion de M. Demirtas, le HDP a élargi sa base électorale au-delà de la seule communauté kurde de Turquie (15 millions de personnes) et s’est transformé en un parti moderne, à la fibre sociale, ouvert aux femmes et à toutes les minorités.

Les deux coprésidents du HDP, principal parti prokurde de Turquie, Figen Yüksekdag et Selahattin Demirtas, à Ankara le 24 janvier 2016. © AFP

© AFP/Archives ADEM ALTAN
Les deux coprésidents du HDP, principal parti prokurde de Turquie, Figen Yüksekdag et Selahattin Demirtas, à Ankara le 24 janvier 2016

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