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Turquie: Erdogan vers un pouvoir considérablement renforcé

Ankara (AFP) – Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté samedi ses partisans à oeuvrer « nuit et jour » au succès d’un référendum sur une révision constitutionnelle renforçant considérablement ses pouvoirs, qui a reçu le feu vert du Parlement.

Les députés turcs ont adopté en seconde lecture, dans la nuit de vendredi à samedi, le texte de 18 articles qui vise à instaurer un système présidentiel en Turquie, ouvrant la voie à une consultation populaire qui devrait se tenir au printemps.

La réforme constitutionnelle permettrait notamment au président de nommer et révoquer les ministres, promulguer des décrets et déclarer l’état d’urgence.

M. Erdogan estime que cette révision, qui pourrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu’à au moins 2029, est nécessaire pour garantir la stabilité à la tête de la Turquie, confrontée à une vague sans précédent d’attentats et des difficultés économiques.

Mais le texte suscite l’inquiétude d’opposants et d’ONG qui accusent le chef de l’Etat turc de dérive autoritaire, notamment depuis la tentative de putsch de juillet qui a été suivie de purges d’une ampleur inédite.

« C’est à la nation de rendre (…) la décision finale », a déclaré M. Erdogan lors d’un discours à Istanbul. « Je suis convaincu que vous travaillerez nuit et jour pour la campagne du référendum et avancerez vers l’avenir », a-t-il ajouté en s’adressant à ses soutiens.

Le Parlement a approuvé le texte avec 339 voix sur 550, soit plus que le seuil nécessaire des trois cinquièmes pour soumettre le texte à une consultation populaire, un résultat obtenu par le parti au pouvoir (AKP) grâce à l’appui de la droite nationaliste (MHP).

– Polarisation –

Selon la majorité, la présidentialisation du système permettra d’éviter la formation de coalitions gouvernementales instables et rendra la conduite des affaires plus efficace au moment où la Turquie affronte des défis sécuritaires et économiques de taille.

Le Premier ministre, Binali Yildirim, a ainsi assuré que le projet profiterait à tous, en permettant un « gain de temps » pour la gestion du pays. 

« Quand vous êtes plus puissant, vous pouvez aborder les problèmes avec plus de résolution », a-t-il affirmé vendredi, lors d’un entretien sur la télévision publique TRT.

Mais ces arguments ne suffisent pas à convaincre les partis d’opposition social-démocrate et prokurde, qui voient dans ce texte un symbole d’une dérive autoritaire du président turc.

L’examen du texte au Parlement a déchaîné les passions et donné lieu à des rixes d’une rare violence dans l’hémicycle, où un député a eu le nez cassé et une élue handicapée a été projetée au sol.

Dans ce contexte de polarisation politique, qui s’ajoute à la série d’attentats qui frappe le pays, la campagne pour le référendum s’annonce particulièrement tendue.

Un assaillant a ouvert le feu sur la police à Istanbul samedi, quelques heures après deux attaques à la roquette visant les forces de sécurité et un local de l’AKP dans la mégalopole turque.

– ‘Séparation des pouvoirs abolie’-

Aux termes de la réforme constitutionnelle, les élections législatives et présidentielle seraient simultanées et le président pourrait être élu pour deux mandats de cinq ans, le prochain scrutin étant fixé à novembre 2019.

Si le compteur de M. Erdogan, élu en 2014 à la présidence après 12 ans à la tête du gouvernement, est remis à zéro avec cette réforme, ce qui n’est pas clairement établi, il pourrait donc rester au pouvoir jusqu’à au moins 2029.

Avec cette réforme, la fonction de Premier ministre disparaîtrait au profit d’un ou plusieurs vice-présidents. Le président pourrait également dissoudre le Parlement et intervenir dans le domaine judiciaire.

« La séparation des pouvoirs serait complètement abolie », a affirmé à la presse Metin Feyzioglu, président de l’Union des barreaux de Turquie. « Ce n’est pas une réforme, mais un suicide ».

Emma Sinclair-Webb, directrice Turquie de Human Rights Watch, a pour sa part indiqué à l’AFP que cette réforme « concentre absolument tous les pouvoirs dans les mains du président ».

En outre, a-t-elle souligné, la fermeture de nombreux médias critiques dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis la tentative de putsch en juillet rend impossible « un débat public effectif ».

Le Premier ministre turc Binali Yildirim (g) est applaudi au Parlement, le 21 janvier 2017 à Ankara. © AFP

© AFP Adem ALTAN
Le Premier ministre turc Binali Yildirim (g) est applaudi au Parlement, le 21 janvier 2017 à Ankara

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