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Turquie: huit morts dans un attentat attribué aux rebelles kurdes

Diyarbakir (Turquie) (AFP) – Une puissante explosion, portant la marque des rebelles du PKK, a fait huit morts vendredi matin Diyarbakir, « capitale » du sud-est à majorité kurde de la Turquie, quelques heures après le placement en garde à vue des deux coprésidents du principal parti prokurde du pays.

« Jusqu’à présent, il y a huit décès, dont deux policiers », a déclaré le Premier ministre Binali Yildirim, ajoutant que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), « a montré à nouveau son visage perfide. Ils ont fait exploser un véhicule rempli d’explosifs »

Cette attaque est survenue après l’arrestation de plusieurs députés prokurdes qui représente un coup de filet sans précédent contre la troisième force politique du pays qui survient dans un contexte de purges tous azimuts des opposants en Turquie, à la faveur de l’état d’urgence instauré après la tentative manquée de renversement du président Recep Tayyip Erdogan imputée aux réseaux du prédicateur Fetullah Gülen.  

Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, qui dirigent conjointement le Parti démocratique des peuples (HDP), ont été interpellés avec d’autres députés de leur formation dans le cadre d’une enquête « antiterroriste » liée au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), selon l’agence de presse progouvernementale Anadolu.

Quelques heures après leur interpellation, l’explosion de ce qui semble être un véhicule piégé à proximité d’un bâtiment de la police à Diyarbakir a fait un mort et 30 blesés, selon les autorités. Le gouvernorat de Diyarbakir a pointé du doigt le PKK.

Les arrestations des coprésidents, ordonnées par le parquet de Diyarbakir, frappent à sa tête le HDP, un parti farouchement opposé au président Recep Tayyip Erdogan. Avec 59 députés, c’est la troisième force parlementaire du pays.

Au total, au moins 11 députés du HDP ont été placés en garde à vue, selon une liste diffusée par le parti et par le ministère de l’Intérieur. Parmi eux, figurent des poids lourds, comme Idris Baluken, président du groupe parlementaire HDP, et Sirri Süreyya Önder, figure respectée de la cause kurde.

« Le HDP appelle la communauté internationale à réagir contre ce coup du régime d’Erdogan », a déclaré le parti sur son compte Twitter.

Ce vaste coup de filet nocturne intervient également dans un contexte très tendu dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, ensanglanté par des combats quotidiens entre forces de sécurité et membres du PKK, une organisation classée « terroristes » par Ankara, Washington et Bruxelles.

M. Demirtas et Mme Yüksekdag font l’objet de plusieurs enquêtes pour des liens présumés avec les rebelles kurdes. Selon Anadolu, leur placement en garde à vue a été décidé après qu’ils eurent refusé de répondre à des convocations judiciaires.

– ‘Très mauvaise nouvelle’ –

Avec l’état d’urgence depuis la tentative de coup d’Etat de juillet, des ONG accusent les autorités turques de cibler des médias critiques et des opposants sous couvert de lutte contre les putschistes présumés.

« Une très mauvaise nouvelle en provenance de Turquie. Encore. Maintenant, des membres HDP du Parlement sont en train d’être arrêtés », a déploré sur Twitter Kati Piri, rapporteur du Parlement européen sur la Turquie.

Le président Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu’il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de « terroristes ».

En mai, le Parlement turc a voté la levée de l’immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP.

« Ceux qui veulent nous interroger devront nous emmener par la force. Nous n’irons pas de notre plein gré », avait alors défié M. Demirtas.

M. Demirtas, parfois surnommé l' »Obama kurde » en raison de son charisme, a longtemps été considéré comme un potentiel rival de M. Erdogan sur une scène politique dominée par le chef de l’Etat turc.

Sous son impulsion, le HDP a élargi sa base électorale au-delà de la seule communauté kurde de Turquie (15 millions de personnes) et s’est transformé en un parti moderne, à la fibre sociale et ouvert aux femmes et à toutes les minorités.

Après l’entrée du HDP au Parlement, en juin 2015, une première qui a contribué à priver le parti AKP au pouvoir de la majorité absolue, M. Erdogan a fait de M. Demirtas sa bête noire, multipliant les attaques personnelles et les accusations de liens avec le PKK.

Le HDP dément être l' »aile politique » du PKK et accuse M. Erdogan de vouloir instaurer un régime dictatorial.

La garde à vue des députés du HDP survient quelques jours après le placement détention pour « activités terroristes » des deux maires de Diyarbakir dimanche, une mesure qui avait déclenché plusieurs manifestations.

Le sud-est de la Turquie est ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité depuis la rupture, à l’été 2015, d’un fragile cessez-le-feu, qui a sonné le glas du processus de paix pour mettre un terme au conflit qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Site de l'attaquu au véhicule piégé à Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, le 4 novembre 2016. © AFP

© AFP ILYAS AKENGIN
Site de l’attaquu au véhicule piégé à Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, le 4 novembre 2016

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