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Turquie: la romancière Asli Erdogan au tribunal

Istanbul (AFP) – La célèbre romancière turque Asli Erdogan a affirmé jeudi vouloir se défendre « comme si les lois existaient » en Turquie, lors de sa première comparution dans un procès pour « propagande terroriste » prokurde qui soulève la critique en Europe.

Egalement linguiste, Asli Erdogan, 49 ans, en détention provisoire depuis plus de quatre mois, risque la prison à vie, comme les huit autres prévenus, dont la linguiste de renommée mondiale Necmiye Alpay, 70 ans. Ils sont tous ex-collaborateurs du journal prokurde Özgür Gündem et accusés, comme elle, d’être « membres d’une organisation terroriste ».

Peu avant le début de l’audience, les autorités turques ont par ailleurs annoncé l’arrestation d’Ahmet Sik, l’un des journalistes d’enquête turcs les plus réputés, dernier d’une liste qui ne cesse de s’allonger depuis le coup d’Etat manqué de juillet et les vastes purges qui ont suivi.

Au-delà des fidèles présumés du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’être l’instigateur du putch manqué, des dizaines de journalistes ont été arrêtés et de nombreux médias fermés. Arrestations et limogeages ont également visé les milieux prokurdes ainsi que des voix critiques du pouvoir.

Après le coup de force, les autorités ont déclaré l’état d’urgence et c’est dans ce cadre que le quotidien Özgür Gündem, auquel collaborait Asli Erdogan, a été fermé par décret-loi, accusé d’être lié au PKK, une organisation classée « terroriste » par Ankara.

– ‘Je suis un écrivain’ –

« On m’accuse d’être membre d’une organisation terroriste sur la seule base qu’il y a mon nom dans l’ours du journal », a dénoncé Asli Erdogan lors de l’audience jeudi, selon le quotidien Hürriyet.

« Je suis un écrivain, ma raison d’être est de raconter », a-t-elle dit, après avoir annoncé son intention de se « défendre comme si les lois existaient ».

Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées avant le début de l’audience devant le palais de justice de Caglayan à Istanbul, sous la pluie battante et le vent, pour soutenir les prévenus, a constaté l’AFP. 

« Nous sommes ici par solidarité avec les prévenus et pour défendre la démocratie. C’est maintenant ou jamais qu’il faut le faire, après, il sera trop tard, la dictature sera là », a déclaré à l’AFP Murat, 48 ans.

« Cette affaire est une honte pour la Turquie, une honte pour (le président) Recep Tayyip Erdogan et une honte pour l’Europe qui ne fait rien pour soutenir la liberté d’expression », a affirmé Leyla Kizilkaya, venue, elle aussi, soutenir les journalistes et écrivains jugés jeudi.

Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan, qui n’a aucun lien de parenté avec le président turc, a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier paru traduit en français, Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.

– Série de tweets critiques –

Connu pour sa plume irrévérencieuse et ses enquêtes corrosives, Ahmet Sik, lauréat du Prix mondial de la Presse UNESCO/Guillermo Cano en 2014, est lui aussi accusé d’avoir fait de la « propagande terroriste » et d’avoir dénigré la République turque, selon l’agence de presse progouvernementale Anadolu.

En cause, une série de tweets sur le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des articles écrits pour Cumhuriyet, un quotidien farouchement critique du président Recep Tayyip Erdogan et décimé par une vague d’arrestations le mois dernier.

Ahmet Sik est surtout connu pour son livre « L’Armée de l’Imam », publié en 2011, qui affirme révéler comment les partisans du prédicateur Fethullah Gülen ont infiltré la bureaucratie turque et scellé une alliance avec le pouvoir en place.

Ancien allié du président Recep Tayyip Erdogan, dont il est devenu la bête noire, M. Gülen est désigné par Ankara comme l’instigateur du putsch manqué en juillet.

L’arrestation d’Asli Erdogan a provoqué une vague d’indignation en Turquie et dans le monde, relayée par de nombreux artistes, intellectuels et écrivains. Ses soutiens affirment qu’Asli Erdogan souffre d’asthme et de diabète et s’inquiètent pour son état de santé.

Des observateurs envoyés par les consulats français, allemand, britannique et italien, notamment, assistaient au procès jeudi.

La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse dressé par RSF en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.

Un homme brandit un écusson "Ecrivains votre liberté n'est pas assurée" le 29 décembre 2016 devant le tribunal où se déroule le procès de la romancière Asli Erdogan. © AFP

© AFP OZAN KOSE
Un homme brandit un écusson « Ecrivains votre liberté n’est pas assurée » le 29 décembre 2016 devant le tribunal où se déroule le procès de la romancière Asli Erdogan

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