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Turquie: nouveau tour de vis contre l'opposition, manifestations à l'étranger

Istanbul (AFP) – Neuf responsables et journalistes du principal quotidien d’opposition ont été placés en détention samedi en Turquie, et les forces de l’ordre ont dispersé à Istanbul l’une des manifestations organisées dans le pays et à l’étranger contre l’arrestation d’élus kurdes.

Cette décision judiciaire intervient après les arrestations vendredi des chefs et de plusieurs députés du HDP, principal parti prokurde, qui ont été accueillies avec inquiétude à l’étranger, où l’on y voit une nouvelle étape dans les purges menées tous azimuts depuis le putsch avorté de juillet.

Parmi les neufs employés du journal Cumhuriyet placés en détention provisoire figurent notamment son rédacteur-en-chef, Murat Sabuncu, l’éditorialiste Kadri Gursel ou le dessinateur Musa Kart.

Ils faisaient partie d’un groupe de 13 personnes dont l’arrestation en début de semaine a suscité un regain d’inquiétude pour la liberté de la presse en Turquie mais dont les autorités semblent faire fi. 

Deux d’entre elles, le chef comptable du journal et son prédécesseur, ont été relâchées. Deux autres, les éditorialistes Hikmet Cetinkaya et Aydin Engin, ont été laissés en liberté sous contrôle judiciaire en raison de leur âge et de problèmes de santé, a précisé l’agence turque Dogan.  

Le parquet avait annoncé au moment des arrestations que celles-ci se faisaient dans le cadre d’une enquête pour « activités terroristes » en lien avec le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen – accusé d’avoir ourdi le putsch raté – et avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Outre les réseaux gulénistes présumés, les purges ont notamment visé les médias et les milieux soupçonnés de liens avec le PKK. 

Ainsi les autorités ont arrêté vendredi avant l’aube les coprésidents du principal parti prokurde, le Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, et une dizaine d’autres députés de cette formation d’opposition.

Des centaines de manifestants, rassemblés devant la principale mosquée du district de Sisli dans la partie européenne d’Istanbul, ont scandé vendredi des slogans dénonçant l’Etat « fasciste » et refusant d’être « réduits au silence ».

La police est intervenue rapidement, usant de grenades lacrymogènes et de jets d’eau pour disperser les protestataires, ont constaté des journalistes de l’AFP.

– Les Kurdes doublement visés ? –

Des milliers de manifestants ont également manifesté à l’étranger. En Allemagne, qui abrite la plus importante communauté kurde d’Europe, plusieurs milliers de manifestants ont défilé samedi à Cologne pour protester contre le président Erdogan après l’arrestation des responsables du HDP.

Certains manifestants étaient munis des fanions et pancartes en soutien au HDP et d’autres brandissaient des portraits des responsables arrêtés, et notamment du jeune chef de file du parti Selahattin Demirtas.

A Paris, ils étaient quelque 2.000 manifestants, selon la police, beaucoup venus en famille, à défiler au centre de la capitale française derrière des banderoles clamant « Stop Erdogan, touchez pas à nos élus », ou encore « La Turquie bombarde, l’Europe reste silencieuse ».

Peu après les arrestations des chefs du HDP un attentat à la voiture piégée a frappé dans la matinée de vendredi un bâtiment de la police à Diyarbakir, « capitale » du sud-est turc à majorité kurde, faisant 11 morts, dont deux policiers, et plus de cent blessés.

Il a immédiatement été attribué par le Premier ministre Binali Yildirim au PKK, classée comme terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne.

Mais l’attentat a ensuite été revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI), par l’intermédiaire de l’agence Amaq, organe de propagande du groupe jihadiste.

Les autorités turques avaient par le passé imputé à l’EI la responsabilité de plusieurs attentats meurtriers en Turquie mais le groupe jihadiste n’avait jamais revendiqué d’attaque anti-turque depuis sa création. 

Le leader de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait toutefois appelé jeudi ses combattants à attaquer la Turquie pour se venger d’Ankara, très impliqué dans la lutte contre les jihadistes en Irak et en Syrie.

Samedi, le HDP a fait remarquer que six de ses députés arrêtés se trouvaient justement dans le bâtiment visé, et avaient manqué de peu être touchés, suggérant que ceux-ci auraient pu être la véritable cible de l’EI – que les Kurdes combattent eux aussi en Syrie et en Irak.

L’accès aux réseaux sociaux et aux messageries était également fortement perturbé depuis vendredi.

La chef de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, s’est dite « extrêmement inquiète » vendredi après les arrestations des responsables prokurdes. Washington s’est dit « profondément troublé » et a noté  plus particulièrement que « restreindre l’accès à Internet sape la confiance dans la démocratie turque et sa prospérité économique ».

Un manifestant brandit un exemplaire du quotidien d'opposition "Cumhuriyet" devant le siège du journal à Istanbul le 2 novembre 2016. © AFP

© AFP/Archives YASIN AKGUL
Un manifestant brandit un exemplaire du quotidien d’opposition « Cumhuriyet » devant le siège du journal à Istanbul le 2 novembre 2016

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