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Turquie : remise en liberté de la romancière Asli Erdogan

Istanbul (AFP) – Un tribunal d’Istanbul a ordonné jeudi la remise en liberté sous contrôle judiciaire de la célèbre romancière turque Asli Erdogan, jugée avec huit autres personnes pour appartenance à une « organisation terroriste » dans un procès qui a suscité l’inquiétude de l’Europe.

Les neuf accusés n’ont pas été acquittés et tous risquent toujours la prison à vie lors du procès qui doit reprendre le 2 janvier, selon l’agence de presse Dogan.

Ils sont jugés pour appartenance à une « organisation terroriste » pour avoir collaboré avec le quotidien Ozgür Gündem, fermé par décret-loi après les purges qui ont suivi le putsch manqué de juillet pour « propagande terroriste » au bénéfice de la rébellion kurde, selon l’agence Anadolu.

En détention provisoire depuis plus de quatre mois, Asli Erdogan doit sortir de la prison pour femmes de Bakirköy vers 19H30 (16H30 GMT), a affirmé à l’AFP une amie de la romancière, Aysegül Tozeren.

La linguiste Necmiye Alpay et Zana Bilir Kaya, ancien journaliste du quotidien Ozgür Gündem ont également bénéficié d’une décision de remise en liberté, assortie toutefois, comme pour Asli Erdogan, d’une interdiction de sortie de territoire.

La décision du tribunal a été accueillie par des célébrations de joie devant le palais de justice d’Istanbul, ont constaté des journalistes de l’AFP qui ont vu des personnes danser.

Plusieurs membres du comité de soutien des accusés se sont mis en route pour la prison de Bakirköy pour accueillir Asli Erdogan et Necmiye Alpay à leur sortie, a constaté l’AFP.

– ‘Je suis un écrivain’ –

Peu avant le début de l’audience, les autorités turques ont par ailleurs annoncé l’arrestation d’Ahmet Sik, l’un des journalistes d’enquête turcs les plus réputés, dernier d’une liste qui ne cesse de s’allonger depuis le coup d’Etat manqué de juillet et les vastes purges qui ont suivi.

Au-delà des fidèles présumés du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’être l’instigateur du putch manqué, des dizaines de journalistes ont été arrêtés et de nombreux médias fermés. Arrestations et limogeages ont également visé les milieux prokurdes ainsi que des voix critiques du pouvoir.

Après le coup de force, les autorités ont déclaré l’état d’urgence et c’est dans ce cadre que Özgür Gündem, auquel collaborait Asli Erdogan, a été fermé en octobre, pour ses liens présumés avec le PKK, une organisation kurde classée « terroriste » par Ankara.

« On m’accuse d’être membre d’une organisation terroriste sur la seule base qu’il y a mon nom dans l’ours du journal », a dénoncé Asli Erdogan lors de l’audience jeudi, selon le quotidien Hürriyet. « Je suis un écrivain, ma raison d’être est de raconter », a-t-elle dit.

Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan, qui n’a aucun lien de parenté avec le président turc, a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier, traduit en français, Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.

– Série de tweets critiques –

Connu pour sa plume irrévérencieuse et ses enquêtes corrosives, Ahmet Sik, lauréat du Prix mondial de la Presse UNESCO/Guillermo Cano en 2014, est lui aussi accusé d’avoir fait de la « propagande terroriste » et d’avoir dénigré la République turque, selon l’agence de presse progouvernementale Anadolu.

En cause, une série de tweets sur le PKK et des articles écrits pour Cumhuriyet, un quotidien farouchement critique du président Recep Tayyip Erdogan et décimé par une vague d’arrestations le mois dernier.

L’arrestation d’Asli Erdogan a provoqué une vague d’indignation en Turquie et dans le monde, relayée par de nombreux artistes, intellectuels et écrivains. Ses soutiens affirment que la romancière souffre d’asthme et de diabète et s’inquiètent pour son état de santé.

Des observateurs envoyés par les consulats français, allemand, britannique et italien, notamment, assistaient au procès jeudi.

La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse dressé par RSF en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.

Un homme brandit un écusson "Ecrivains votre liberté n'est pas assurée" le 29 décembre 2016 devant le tribunal où se déroule le procès de la romancière Asli Erdogan. © AFP

© AFP OZAN KOSE
Un homme brandit un écusson « Ecrivains votre liberté n’est pas assurée » le 29 décembre 2016 devant le tribunal où se déroule le procès de la romancière Asli Erdogan

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