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Un à 5 ans de prison ferme pour un body-board rempli d’ice

Présentés en comparution immédiate le 24 octobre pour l’importation de 239 grammes d’ice dans un body-board, les quatre prévenus avaient demandé le renvoi de leur procès. Ce jeudi ils étaient jugés, non pour 239 grammes mais pour 695 grammes d’ice qu’ils ont importé en 10 mois, en provenance de Hawaii. Ils ont écopé de peines allant de 5 ans ferme à un an.

 Samedi 19 octobre, à la descente du vol en provenance de Hawaii, les douaniers grâce au flair de leur chien, mettaient la main sur 239 grammes de méthamphétamine, d’une valeur marchande estimée à 33 millions de Fcfp.

La drogue était dissimulée dans un body-board et convoyée par trois hommes. Après enquête, une femme était interpellée, soupçonnée de faire partie du réseau et d’avoir mis en relation les trois hommes avec un dealer hawaiien.

Parmi les prévenus, cette mère de famille qui travaille à la CPS, un vigile, un ancien pompiste au chômage et un musicien d’orchestre traditionnel qui se produit occasionnellement dans des hôtels.

L’enquête démontrera, du moins pour deux d’entre eux, la femme et l’ancien pompiste, qu’ils n’en étaient pas à leur première importation.

Premier voyage à Hawaii, 56 grammes importés

Leur premier fait d’armes remonte à décembre 2018. C’est 56 grammes d’ice que ramènera la femme, pour le compte de l’ancien pompiste, lors d’un voyage à Hawaii accompagnée de son fils de 17 ans. À la barre, elle déclarera avoir eu l’intention d’acheter de l’ice sans pour autant savoir où elle allait le trouver.

« Vous allez à Hawaii chercher de l’ice comme cela, sans contact. Cela aurait pu mal se passer, les dealers à Hawaii peuvent être dangereux, sans compter que vous auriez pu tomber sur un policier. Et si vous aviez été arrêtée, que serait devenu votre enfant ? » l’interroge le juge stupéfait. Poursuivant « Comment vous avez trouvé l’ice ? ».

À l’aise, détendue, limite bravache, elle explique. « Je me suis rendue à Makaha Beach et je suis tombé sur un dealer. Il était méfiant au début et après il m’a fait fumer et cela l’a rassuré. » Une fois l’ice achetée, elle fait l’achat d’une petite enceinte qu’elle démontera afin d’y planquer la méthamphétamine. Une fois arrivée à Tahiti elle remet les 56 grammes au pompiste qui lui en donne 7 grammes. Elle dit les avoir consommés en une semaine. Cette mère de deux enfants, 17 et 14 ans, dit qu’elle s’est lancée dans ce trafic car « l’ice me revenait cher. Je ne vends pas, je consomme. »

Deuxième voyage, 400 grammes importés

Pour le deuxième voyage, en juillet 2019, le pompiste qui finance l’achat et le voyage l’accompagne. Il s’agit cette fois de 400 grammes. L’homme à son casier compte une condamnation pour conduite en état d’ivresse.

« Comment passe-t-on de conduite en état d’ivresse à trafiquant d’ice ? » lui demande le juge. « C’était pour subvenir aux besoins de ma famille. On n’est pas une grosse organisation. Je n’ai ni compte à l’étranger ni bateau, rien de tout cela, monsieur. ». « Si vous en aviez vous nous le diriez ? ». Oui monsieur, je suis quelqu’un de sincère. » Et de fait, il avoue facilement, reconnait les faits, est clair dans ses propos même si parfois il a des difficultés d’élocution.

Cette fois, pas de problème pour trouver un dealer, la femme avait gardé les coordonnées de celui qui l’avait fourni lors de son premier voyage. Un certain « Jeffrey Will » qui s’est fait doubler par sa tante car celle-ci, qui travaille dans un hôtel à Makaha Beach, « vend l’ice moins cher à 50 000 Fcfp l’once (NDLR : 28 grammes »

L’ice une fois rapportée à Tahiti sera partagée. 45 grammes pour la femme, 100 grammes pour John Nivière qui a écopé de 7 ans de prison la semaine dernière pour trafic d’ice, et 265 grammes pour le pompiste qui explique que c’est pour sa consommation personnelle, mais que de temps à autre, il en revend à la femme.

Troisième et dernier voyage, 239 grammes d’ice importés

Pour le voyage de trop, cette fois, la femme ne sera pas de la partie. Ne maîtrisant pas l’anglais, il demande au musicien, un ami à lui, copain de défonce, qui connait Hawaii pour s’y être produit lors de tournées et qui bafouille suffisamment d’anglais pour demander son chemin, de l’accompagner. Ne possédant pas de carte bancaire, souci pour la location d’une voiture car elle sert de caution, il demande aussi à un vigile de sa connaissance et consommateur d’ice depuis peu de venir, tout frais payés. Il ne se fait pas prier.

Selon les deux nouvelles recrues, ce n’est qu’une semaine avant le départ qu’ils seront mis au courant de la finalité du voyage. « Chef, je suis formel là-dessus. On ne savait pas qu’on allait ramener de l’ice !. On l’a su une semaine avant. Je lui ai dit que je voulais bien l’aider pour la transaction, comme je parle un peu l’anglais, mais pas pour le reste. », explique le musicien au juge. Plus tard, lors des auditions, on apprendra qu’il se serait proposé pour prendre l’ice sur lui et que s’il se faisait attraper, le pompiste financerait la construction de sa maison pour sa petite famille. Il est marié et père d’un enfant de 5 ans. Il est tombé dans l’ice il y a deux ans et sert de temps en temps d’intermédiaire dans des transactions, ce qui lui permet de se fournir gratuitement en ice. Ses yeux cernés de noir et son visage émacié parlent pour lui.

Le hasard fait bien les choses

Petite péripétie de ce dernier voyage, le pompiste n’avait pas les coordonnées du dealer, la femme ne les lui ayant pas données. C’est donc de mémoire que le « boss » a tenté de le retrouver et vu les explications du musicien, ce fût épique. « C’était comme si on devait se rendre à Papara et qu’on allait dans la direction de Papenoo. Mais à un moment, il a vu une plage avec plein de SDF qui dormaient dans des tentes, et il nous a dit que ce n’était pas loin. »

Et de fait, ils seraient tombés par hasard sur le fameux Jeffrey. C’est le musicien qui était chargé de l’accoster, car, « je servais un peu de gros bras car l’endroit était dangereux », déclare t-il avec une pointe de fierté dans la voix.

La transaction effectuée, ils achètent un body-board pour planquer la drogue, de la colle et un cutter, pour éventrer et refermer la planche. Liste d’emplettes que les enquêteurs retrouveront dans le sac du pompiste avec, cerise sur le gâteau, des photos des sachets d’ice dans son téléphone.

Des paysages qu’il ne verra pas ou très peu

Quant au vigile, son rôle se bornera à servir de « carte de crédit » comme le dira son avocat. « Je suis allé à Hawaii pour voir les paysages » dit-il à la barre. « Vous y êtes surtout allé pour vous en mettre plein le nez. Vous n’avez pas vu grand-chose des paysages » lui rétorque, sourire aux lèvres, le juge, ce qui a pour effet de faire s’esclaffer le musicien. « Oui c’est vrai », reconnait-t-il. Il a passé la plupart du séjour à fumer et les paysages, c’est de sa chambre d’hôtel qu’il les a contemplés.

Pour la procureure de la République, se basant sur des doses de 0,01 gramme, « J’estime à 69 500 le nombre de victimes potentielles que vous avez faites en important 695 grammes d’ice. Les vraies victimes ce sont vos enfants qui au collège, pourront goûter à ce fléau. »

La cour a rendu des condamnations plus sévères que celles requises par la procureure.

L’ancien pompiste, « pierre angulaire du trafic » est condamné à 5 ans de prison ferme et maintenu en détention.

La femme est condamnée à 4 ans dont un an de sursis avec mise à l’épreuve de 2 ans et maintien en détention. « L’ice c’est un fléau, je regrette d’avoir fait cela, je ne pensais pas pouvoir arrêter et la prison m’a montré que je pouvais arrêter. »

Le musicien écope de son coté de 3 ans de prison dont un an de sursis avec mise à l’épreuve de 2 ans et maintien en détention. « C’est un fléau l’ice, et c’est grave pour les générations à venir. Cette drogue quand tu la consommes, ta personnalité dégénère et tu deviens incontrôlable. Etre à Nuutania m’a vraiment aidé et je vais en profiter pour me soigner. »

Quant au vigile, il a été condamné à deux ans de prison dont un de sursis, avec mise à l’épreuve de 2 ans. Un maintien en détention n’a pas été prononcé à son égard. « C’est pas bien la drogue, je vais tout arrêter. »

En outre, les quatre trafiquants sont condamnés solidairement à une amende douanière de 97,3 millions de Fcfp.

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