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Un an après les agressions de Cologne, l'Allemagne face au défi de l'intégration

Cologne (Allemagne) (AFP) – A quelques semaines du Nouvel An, Cologne panse toujours ses blessures du précédent réveillon, marqué par une vague d’agressions sexuelles commises par des migrants, au moment où l’Allemagne est plus que jamais confrontée au défi de l’intégration des réfugiés.

« Depuis (les agressions), tous les réfugiés sont regardés avec suspicion. C’est dommage mais c’est comme ça », regrette Sarah, une étudiante de 25 ans interrogée par l’AFP près de la cathédrale, sur la place où ont eu lieu les attaques. 

« Il y a beaucoup plus de haine envers les étrangers », ajoute son amie Laura, 20 ans, qui se sent dorénavant moins en sécurité. « C’est arrivé et c’est impossible à oublier ». 

Cette nuit-là, des centaines de femmes ont subi des vols, des insultes et des violences sexuelles de la part d’hommes décrits comme « arabes et nord-africains » par la police. Quelque 1.200 plaintes ont été déposées, dont plus de 500 pour agression sexuelle, mais la plupart des responsables n’ont pas été retrouvés.

Ces évènements furent un tournant. Le large soutien dont bénéficiait jusque là Angela Merkel dans l’opinion pour avoir accueilli 890.000 réfugiés en 2015 s’est érodé pour faire place aux critiques et inquiétudes sur la capacité du pays à intégrer les nouveaux arrivants musulmans dans la société allemande. 

Pour la chancelière, ce fut le début d’une année cauchemardesque : sa popularité a d’abord fondu, son parti a enchaîné les revers électoraux, tandis que montait en puissance le parti anti-migrants et islamophobe AfD.

« L’ambiance a complètement changé », note Sakher al-Mohamad, un Syrien de 27 ans qui a lancé la campagne « Les Syriens contre le sexisme », « en solidarité avec les Allemandes » après les agressions.

– Tour de vis –

Pour Claus-Ulrich Proelss, directeur d’une organisation d’aide aux réfugiés à Cologne, le Kölner Flüchtlingsrat, « les événements du Nouvel An n’ont pas entraîné de changement de paradigme mais ont accéléré une tendance déjà présente ». 

Sous le feu des critiques jusque dans son propre camp, Angela Merkel a donné un tour de vis à sa politique migratoire, promettant d’accélérer les retours et de durcir les règles du regroupement familial. Elle a promis début décembre que 2015 ne se reproduirait plus et durci le ton face à la pression de son parti conservateur, la CDU, en vue des élections législatives de 2017.

« Le réflexe politique a été de punir sans distinction tous les réfugiés et les demandeurs d’asile », regrette pour sa part M. Proelss.

Deux attentats commis cet été par des demandeurs d’asile et revendiqués par le groupe jihadiste État islamique (EI) ont encore renforcé les craintes. D’autres projets ont été déjoués, le dernier datant d’octobre: un réfugié syrien voulait s’en prendre à un aéroport de Berlin.

« Oui, il faut aider les réfugiés. Mais là ça suffit », approuve une habitante de Cologne faisant une pause cigarette non loin de la cathédrale. « La culture allemande est en train de disparaître lentement », dit à l’AFP cette trentenaire mère de deux enfants, qui préfère garder l’anonymat.

– ‘Vraiment inquiets’-

La crise migratoire n’a pas suscité que des controverses mais aussi un grand élan de générosité et de solidarité dans la société allemande, avec de nombreuses personnes faisant des dons et s’engageant pour aider les réfugiés.

Pour intégrer les nouveaux arrivants, les écoles allemandes n’ont pas chômé, accueillant un nombre considérable d’élèves réfugiés, et le gouvernement a mis en place plusieurs initiatives pour encourager les entreprises à embaucher des réfugiés.

Quant à Angela Merkel, le durcissement de sa politique migratoire et le ralentissement des arrivées ont porté leur fruit : sa cote de popularité a commencé à remonter et elle semble bien partie pour remporter un quatrième mandat en septembre, même si le score de son parti s’annonce bien inférieur aux précédentes élections.

Grâce à la fermeture de la « route des Balkans » menant de Grèce en Allemagne et à la signature d’un accord controversé entre l’UE et la Turquie, l’Allemagne a vu le flux de migrants baisser à 300.000 migrants.

Mais les tensions sont toujours prêtes à refaire surface. L’arrestation début décembre d’un jeune Afghan suspecté du viol et du meurtre d’une étudiante allemande a déclenché une nouvelle polémique, l’AfD blâmant l’immigration « incontrôlée » de jeunes musulmans.

« Je m’attends à ce que le ton devienne de plus en plus dur à l’approche des élections », confie M. Proelss, craignant que la campagne n’amplifie le rejet des migrants, « nous sommes vraiment inquiets. »

Pour les réfugiés, la priorité pour 2017 est « d’apprendre la langue et de trouver un travail », indique Sakher al-Mohamad.

« Mais l’intégration doit se faire des deux côtés, prévient ce Syrien. La société allemande doit composer avec les réfugiés qui sont là. Ils font maintenant partie de la réalité de la vie en Allemagne », dit-il. 

"Pas de violence contre les femmes", lit-on sur une pancarte lors d'une manifestation devant la cathédrale de Cologne dénonçant les agressions sexuelles commises contre des femmes dans une foule de migrants pendant le Nouvel An. © AFP

© AFP/Archives Roberto Pfeil
« Pas de violence contre les femmes », lit-on sur une pancarte lors d’une manifestation devant la cathédrale de Cologne dénonçant les agressions sexuelles commises contre des femmes dans une foule de migrants pendant le Nouvel An

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