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Un référé-liberté contre les mesures sanitaires

©CP/Radio1

Me Thibault Millet attaquait ce matin devant le tribunal administratif, par une procédure urgente de référé-liberté, les mesures de mise en quarantaine pour les personnes non vaccinées et sa surveillance payante, et l’obligation d’enregistrement sur la plateforme Etis.  Des mesures qui selon lui constituent une « atteinte massive » et disproportionnée aux libertés fondamentales. Le tribunal rendra sa décision mercredi.

Représentant une cinquantaine de personnes assez hétéroclites, mais toutes résidentes au fenua, Me Millet demande la suspension de plusieurs articles de l’arrêté du conseil des ministres du 13 mai dernier, qui ont trait à la quarantaine des non-vaccinés et à sa durée, à l’obligation de s’enregistrer sur la plateforme Etis, et aux frais de transport et de surveillance des personnes en quarantaine.

Pour l’avocat, ces mesures sont excessives, et constituent une « atteinte massive » et disproportionnée aux libertés fondamentales, notamment celle d’aller en venir et celle de mener une vie familiale normale. Ces « inégalités manifestes » justifient aux yeux des requérants le caractère d’urgence et l’utilisation du référé-liberté, auquel le tribunal doit donner une réponse dans les 48 heures.

Il interroge également sur la durée de la quarantaine, qui est de 10 jours au fenua alors qu’elle est de seulement 7 jours en métropole, y compris pour les voyageurs en provenance de zones rouges. Si « le consensus scientifique estime que 7 jours sont suffisants, il n’y a pas de raison particulière pour en prolonger la durée », estime Me Millet. S’appuyant sur une publication du Center for Disease Control américain selon laquelle les personnes vaccinées peuvent aussi transmettre le coronavirus, il remet en cause la différence de traitement entre vaccinés et non-vaccinés. Surtout, il déplore que les personnes immunisées par un covid contracté il y a moins de 6 mois soient elles aussi soumises à la quarantaine, alors qu’en métropole elles se voient délivrer un pass sanitaire.

Me Millet pose la question du partage des compétences entre l’État et le Pays. Il rappelle que pour la Nouvelle Calédonie, le Conseil constitutionnel a jugé que les règles de quarantaine sont du ressort de l’État car elles touchent aux libertés publiques, alors qu’en Polynésie elles sont considérées comme relevant du Pays parce qu’elles touchent à la santé.

Me Millet souligne qu’il avait déjà posé cette question, sans jamais avoir de réponse, ni du tribunal administratif ni, par la suite, du Conseil d’État qui avait renoncé à statuer au prétexte que la réglementation était en changement constant.

« Aucun cadre » de la protection des données personnelles et médicales

Autre sujet d’inquiétude, la protection des données personnelles enregistrées sur la plateforme Etis, où tout voyageur doit s’enregistrer quel que soit son statut vaccinal. Une collection de données qui n’est « encadrée par aucun texte » local et sur lesquelles « aucun contrôle n’est possible » : « On ignore quelles sont les données collectées, ou la manière dont elles sont conservées et consultées ».

Me Millet pointe une incohérence :  si la Polynésie n’est pas compétente pour placer les personnes en quarantaine (c’est le haut-commissaire qui le fait par arrêté individuel), elle ne devrait pas non plus collecter les données qui permettent de le faire. On ignore aussi, dit-il, quelles sont les données contenues dans le QR code que les autorités de santé ont commencé à délivrer le mois dernier.

Autre problème, les frais de surveillance sanitaire et de transport appliqués aux personnes en quarantaine. Une surveillance qui est effectuée en majorité par des réservistes de la gendarmerie, et non pas par le Pays qui pourtant encaisse ces montants. S’il est impossible de savoir au juste ce qu’englobent ces frais, dit l’avocat, alors la mesure doit être considérée comme illégale. Enfin, Me Millet ridiculise le transport sanitaire payant mis en œuvre à Tahiti : « en réalité c’est tout simplement une prestation de taxi, moins sûr qu’un taxi parisien où il y a des protections de sièges, des partitions en plexiglas et du gel hydroalcoolique. » D’autant moins compréhensible que ces transporteurs agréés véhiculent aussi beaucoup de personnes fragiles comme les dialysés, dit-il.

Les requérants font aussi valoir qu’il n’existe plus de lieu de quarantaine dédié à 6 000 Fcfp par jour. Les personnes qui ne peuvent faire leur quarantaine à domicile parce qu’ils manquent de place sont souvent les citoyens les plus modestes ; mais ils sont aujourd’hui confrontés à des « frais absolument astronomiques » (au moins 190 000 Fcfp par personne) : « C’est un obstacle infranchissable pour une grande partie de la population polynésienne ». À titre subsidiaire, Me Millet demande si la quarantaine est maintenue, que la justice administrative impose au Pays la création d’un lieu de quarantaine dédié gratuits

Le Pays dénonce « une démarche passablement égoïste »

L’avocat représentant le Pays émet des doutes sur « l’intérêt à agir » des requérants, dont aucun ne fait l’objet d’une mesure individuelle d’isolement et dont seulement 3 sur 50 ont fourni des justificatifs de voyage imminent. Il conteste également le caractère d’urgence, alors que ces mesures sont en place depuis bientôt trois mois. Il défend la différenciation entre vaccinés, immunisés et non-vaccinés, qui ne sont pas tous également contaminants. Sur la question du prix de la quarantaine, il lance une boutade « Vaccinez-vous, ça revient moins cher ». Puis se place sur le terrain moral en dénonçant « une démarche passablement égoïste, qui fait fi de l’isolement de la Polynésie française et de sa capacité hospitalière » de la part de gens « qui n’estiment pas nécessaire de protéger les autres ».

Le tribunal administratif rendra sa décision demain. Me Millet a d’ores et déjà déposé une requête sur le fond, car pour lui il faut que ce débat se tienne en Polynésie.

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1 Commentaire

  1. simone Grand
    4 août 2021 à 8h18 — Répondre

    Et si le Pays et l’Etat plaçaient la liberté sans contrainte des déplacements de personnes et donc de virus, il se trouvera inévitablement des personnes pour porter plainte pour non assistance et non protection des personnes mises en danger de contamination et donc de mort.

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