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Une enfance martyre

Un couple de femmes comparaissait ce lundi pour avoir exercé des violences sur une mineure âgée de 10 ans. Elles ont toutes deux été condamnées à 36 mois de prison dont 18 avec sursis.

Les faits pour lesquels comparaissaient les deux femmes se sont étalés sur un an, voire plus. La mère de la fillette, âgée de 10 ans, vit en couple avec une femme. Elles ont aussi adopté le bébé d’un cousin. À première vue on se dit que des enfants élevés par deux femmes doivent être choyés et chéris. Mais cette histoire nous démontre que, décidément, l’on ne peut se fier ni aux apparences, ni aux clichés.

Laurna, 30 ans, la mère de la fillette, travaille dans une pension de famille. Sa compagne, Hinareva, 25 ans, travaille comme surveillante dans un internat. Toutes deux vivent ensemble depuis six ans, avec la fillette et plus récemment, un bébé qu’elles ont adopté. Mais la compagne de la mère, avec son assentiment, à des méthodes plutôt radicales pour éduquer la fillette. Coups, privation de nourriture pour « qu’elle puisse continuer à rentrer dans ses linges », coups de bâton et humiliations, sans compter les punitions qui consistent à la faire agenouiller longuement sur le carrelage, bras levés. Elle doit aussi, bien évidemment, se nourrir seule et s’occuper des tâches ménagères. Le corps de la petite n’est qu’hématomes et œdèmes, comme le révélera un médecin. À ce titre, la gamine manquera d’ailleurs de nombreuses fois l’école, car les deux femmes avaient peur que les traces de coups ne se voient et que l’école alerte les autorités judiciaires. Quant à son état psychique, ce n’est pas vraiment mieux. Elle souffre de symptômes post-traumatiques et à la simple évocation des deux marâtres qui lui servent de parents, elle pleure.

Des Thénardier du 21e siècle

L’enfant fait office de « Cosette » du 21e siècle et les deux femmes de « Thénardier », comme l’a fait justement remarquer le procureur, se référant aux Misérables de Victor Hugo. Et ce n’est pas sans raison qu’il évoquait ce monument de la littérature. Pour preuve, quelques exemples de ce qu’endurait la petite fille.

Souvent les deux femmes quittaient le domicile le soir pour jouer au bingo. Elles la laissaient seule la nuit, et elle devait s’occuper du bébé. Elle avait aussi la charge de réveiller sa mère, et si jamais elle oubliait, elle prenait une dérouillée. Et les « corrections » prenaient parfois des tournures proches du sadisme. Alors que la compagne de sa mère la frappe à coups de bâton, celui se brise et elle ordonne à la gamine d’aller en chercher un autre pour continuer la bastonnade. Elle lui arrivait aussi de gifler le bébé pour qu’il arrête de pleurer. Méthode efficace, car, « comme cela, il s’arrête. »

« Je ne veux plus retourner là-bas, elles ne me donnent pas à manger »

Ce sont ses tantes qui ont alerté les gendarmes. Un soir, la gamine n’en pouvant plus s’est enfuie et est allée se réfugier chez elles. « Je me suis sauvée, hier elles m’ont encore battue. Je ne veux plus retourner là-bas, elles ne me donnent pas à manger » a dit l’enfant aux deux tantes qui ont décidé de prévenir les gendarmes. Ce n’était pas la première fois qu’elles avaient vent de la maltraitance que les deux femmes exerçaient sur elle.

À la barre les deux femmes, promptes à donner des coups, le sont nettement moins quand il s’agit d’expliquer le pourquoi des souffrances qu’elles ont fait endurer à l’enfant. « Je ne sais pas », « elle n’écoute pas alors je la tape ». Visiblement, il n’y en a pas une pour relever l’autre. Toutes deux arborent un air d’incompréhension, comme si elles se demandaient « si on peut plus taper les enfants, où va -t-on?»

Pourtant, dans un recoin bien caché de leur cerveau, il y avait quelque chose qui devait leur dire qu’il ne fallait pas frapper les enfants. Pour preuve, pour « soigner » les blessures, il leur arrivait fréquemment de mettre de la pâte dentifrice sur les plaies, mais jamais, au grand jamais elles ne l’emmenaient chez le médecin, par peur du signalement.

Hormis les « je regrette énormément » aucune explication n’accompagnait les remords et les larmes de crocodile que toutes deux ont versées durant l’audience.

 « C’est la version polynésienne des Misérables. »

Pour le psychiatre chargé de faire un état de leur profil, concernant la mère, il indique : « elle considère la fillette comme une adulte et a un trouble de l’attachement avec des carences affectives ». Quant à sa compagne, « elle est dépassée par ses visions éducatives. » Pour une surveillante d’internat, le constat n’est pas terrible.

Pour le procureur, « c’est la version polynésienne des Misérables (…) et heureusement qu’il y a eu des signalements. » Rappelant la posture adoptée par la mère alors que les gendarmes lui montraient les photos de sa fille avec les hématomes qui lui couvraient le corps, « les gendarmes ont été choqués par votre réaction. Vous étiez décontractée, je m’en foutiste ! Vous n’avez pas fait preuve d’empathie. » Il requiert à l’encontre de la mère 36 mois de prison dont 18 avec sursis, obligation de soins, interdiction de rentrer en contact avec sa fille, et le retrait de l’exercice de l’autorité parentale avec son maintien en détention. Quant à la compagne de la mère, 36 mois de prison dont 18 de sursis avec interdiction d’exercer une profession en contact avec des mineurs durant cinq années, interdiction de rentrer en contact avec la victime et un mandat de dépôt.

Après en avoir délibéré, le tribunal a suivi les réquisitions du procureur avec toutefois la possibilité pour la mère de famille de rentrer en contact avec sa fille quand elle aura purgé sa peine. Pour l’heure, la fillette vit chez ses tantes qui l’ont accueillie et aux dernières nouvelles, elle a pris du poids, 4 kilos.

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