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« Une réforme fiscale profonde pourrait aider à relancer l’économie »

Une crise « trois fois plus grave » que celle de 2008 et plus longue en Polynésie qu’ailleurs. Voilà à quoi s’attendent les économistes qui, sans pouvoir prévoir les prochains sursauts de la crise Covid, peuvent au moins orienter les élus dans leurs décisions. Pour le Pr. Vincent Dropsy, de l’UPF, le Pays ne doit pas hésiter à faire grimper son endettement pour financer la reprise. Et doit envisager des réformes profondes en matière de fiscalité et de lutte contre les inégalités.

Si les épidémiologistes attirent tous les regards depuis plus de dix mois, les économistes, eux-aussi, suivent de près l’évolution de la crise mondiale. Pas question de se risquer à des prévisions précises : « Le caractère sanitaire de cette crise la rend encore plus incertaine que les précédentes » explique Vincent Dropsy, professeur d’économie à l’Université de la Polynésie Française. Mais certains constats, peu réjouissants, sont déjà sur la table. Aucun doute : l’impact du covid sera plus important que celui de la crise financière de 2007/2008, dont le fenua se remettait à peine en 2018 et 2019. « On peut estimer que cette crise sera à peu près trois fois pire », explique le spécialiste. Là où l’économie planétaire avait limité la casse grâce à des moteurs comme la Chine en 2008, tous les pays ont cette fois été touchés. Le PIB mondial s’est ainsi contracté de 4% à 5% l’année passée.

« Quatre à cinq ans » de convalescence pour le tourisme

Les estimations sont plus complexes au niveau local, mais dans son projet de plan de relance présenté en décembre, le gouvernement tablait sur un effondrement du PIB polynésien de l’ordre de 12 à 15% en 2020 et parlait même de 24% d’activité en moins, en moyenne, pour les entreprises du fenua. Selon ces prévisions, forcément incertaines, plusieurs années de récession suivraient : -10% en 2021, -5% en 2022…. La crise durera, donc, et au fenua plus qu’ailleurs. « Tous les instituts spécialisés prévoient qu’on reviendra au mieux en 2022 à un niveau d’avant-crise au niveau mondial, explique Vincent Dropsy. Et malheureusement pour le tourisme, il faudra probablement attendre quatre ou cinq ans ».

Avant de pouvoir envisager une amélioration, il faudra le retour de « la confiance, élément crucial dans cette crise », ajoute le professeur de l’UPF. La confiance des entrepreneurs pour faire des investissements, celle des ménages pour consommer au lieu d’épargner… Et celle dans les vaccins, « seule piste plausible pour sortir dans la crise sanitaire », pointe-t-il.

Prévisions de PIB présentées dans le plan de relance du Pays.

« L’endettement n’est plus réellement un souci »

Comment réagir face à cet effondrement ? C’est la question que se posent les autorités, partout dans le monde, échafaudant, tant bien que mal, et dans le flou ambiant, des plans censés favoriser la relance économique. Là encore, la crise de 2008 peut-être un précieux repère pour le Pays. « Ce que l’on a observé c’est que certains pays s’étaient rabattus très vite vers une politique budgétaire visant à limiter l’endettement public », reprend l’économiste. Une stratégie qui a mis à mal la reprise en Europe, voire même engendré de nouvelles perturbations (crise de la dette dans la zone euro). Une prudence budgétaire qui serait difficilement compréhensible aujourd’hui « avec des taux d’intérêt sont très proches de zéro et devraient le rester pour longtemps », remarque Vincent Dropsy. « La majorité des économistes estiment que l’endettement public n’est plus réellement un souci », pointe-t-il. Ne pas hésiter sur la relance, et ne pas lui couper trop tôt les vivres : voilà donc le conseil aux autorités, d’autant que la Polynésie, relativement peu endettée, bénéficie jusqu’à preuve du contraire de facilités d’emprunt auprès de l’État.

Soutenir l’économie, oui, mais encore faudra-t-il, qu’elle retrouve le chemin de la croissance, pour au long terme, pouvoir épurer la dette nouvellement créée. Pour s’en assurer, Édouard Fritch ou Yvonnick Raffin ont déjà parlé de « changement de modèle »… sans réellement annoncer de réformes profondes autre que celle de la protection sociale généralisée.

Nécessaire débat sur l’impôt sur le revenu

Des « réformes macroéconomiques structurelles » sont pourtant nécessaires, explique Vincent Dropsy. À commencer par une réforme de la fiscalité polynésienne, aujourd’hui basée à outrance sur les taxes indirectes. Une telle réforme, si elle introduisait plus de progressivité dans l’impôt et le faisait moins peser sur la consommation, pourrait à la fois « rendre l’économie plus compétitive, en baissant voire en supprimant les taxes à l’importation » et « réduire les inégalités », estime l’économiste. Qui n’hésite pas à prononcer le mot « presque tabou«  d’impôt sur le revenu.

Pour justifier cette préconisation peu populaire, le professeur rappelle que « les inégalités pèsent dans le long terme sur la productivité et la croissance » en Polynésie. Et que, sans intervention, elles ne feront que se creuser : « on l’a observé en 2008 : les populations défavorisées tendent à souffrir le plus de toute crise ». Mais il s’agit aussi de redonner au fenua de l’attractivité dans un marché touristique qui va devenir plus compétitif. « Nous avons des taxes à l’importation qui sont relativement élevées depuis des décennies et qui augmentent le coût de la vie, et donc le coût des voyages, explique le spécialiste. Au final, elles nuisent à notre compétitivité, et notre productivité ».

 

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1 Commentaire

  1. Francois BAUER
    21 janvier 2021 à 6h46 — Répondre

    Ce professeur oublie juste que l’UPF est une des universités les plus mal classées de France. Alors permettez-moi de douter de ses conseils…

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