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Une rétrospective Magritte à Paris pour montrer un peintre "philosophe"

Paris (AFP) – Magritte, peintre surréaliste! Pas seulement. A en juger par une rétrospective au Centre Pompidou à Paris, l’artiste belge est l’auteur d’une oeuvre profondément philosophique sur le pouvoir de représentation. Il a été « le peintre figuratif de la pensée abstraite ».

René Magritte « a essayé de prouver que les peintres ne sont pas des idiots et que la peinture est capable d’exprimer les idées ou la pensée comme les mots peuvent le faire », explique Didier Ottinger, commissaire de « Magritte, la trahison des images » qui s’ouvre mercredi et se tient jusqu’au 23 janvier. 

Une idée « à rebours de toute une tradition philosophique qui a toujours relégué les images bien en deçà des mots », ajoute-t-il.

L’exposition réunit une centaine de tableaux, de dessins et d’archives. Des œuvres emblématiques, comme d’autres peu connues, provenant de collections privées américaines ou d’Australie. 

– Les mots et les choses –

La curiosité de Magritte pour la philosophie est mise en évidence par ses échanges épistolaires après la seconde guerre mondiale avec plusieurs penseurs. 

Le plus connu est Michel Foucault dont Magritte découvre en 1966 le livre « Les Mots et les choses », un titre qui ne pouvait que l’attirer. Les deux hommes vont entretenir une correspondance et Foucault publiera en 1973 un ouvrage intitulé « Ceci n’est pas une pipe », emprunt au tableau le plus célèbre de l’artiste belge, plusieurs fois décliné et dont le titre est « La trahison des images ».

Magritte sera aussi en contact avec Alphonse de Waelhens, premier traducteur en français d’ »Être et temps » de Martin Heidegger, et avec Chaïm Perelman, professeur à l’Université Libre de Bruxelles. 

– Belgitude – 

Tant féru de philosophie, Magritte est-il un « vrai » surréaliste ? Oui mais il appartient au groupe belge fondé en 1926 par Paul Nougé, marxiste et scientifique de formation. Sous sa direction, le mouvement va prendre une orientation beaucoup plus matérialiste et rationnelle que le surréalisme français, fondé deux ans plus tôt et dont le gourou André Breton est un poète marqué par le romantisme et le symbolisme. 

« Magritte va dénoncer toute sa vie la place accordée par les surréalistes à l’inconscient », rappelle ainsi Didier Ottinger.

Quant aux surréalistes français, ils n’ont jamais manifesté d’intérêt pour la recherche de Magritte. « Les Belges posaient trop de problèmes », note le commissaire.  

– Ombres et rideaux – 

Tout au long de son oeuvre, Magritte a employé une vingtaine de motifs obsessionnels. Didier Ottinger en a choisi cinq, particulièrement significatifs : les mots, les ombres, les flammes, les rideaux et les « corps morcelés », chacun correspondant à une salle. 

Les quatre derniers éléments sont mis en regard d’un texte fondateur: la Bible, « La République » de Platon, « L’Histoire naturelle » de Pline l’Ancien et « De l’invention » de Cicéron.

Mais on peut voir les tableaux indépendamment du propos, souligne Didier Ottinger, qui a voulu éviter le danger des expositions thématiques : « assujettir les oeuvres à un discours ».

– Pop art et conceptuels – 

La spécificité des bonnes oeuvres d’art est « d’offrir tous les accès possibles » et de « s’offrir au regard des différentes générations », souligne Didier Ottinger. 

Après les surréalistes, « le pop art a vu en Magritte un précurseur, les conceptuels le considèrent comme un des leurs, et même les artistes du retour à la peinture des années 80 ont été influencés par lui ». 

Son ami Louis Scutenaire a dit: « 1/ Magritte n’est pas un peintre 2/ Magritte est un très grand peintre », signifiant que son ambition allait bien au-delà de la peinture et qu’en même temps il a accompli ce projet de hausser la peinture au niveau de la poésie. 

« Il aura été le peintre figuratif de la pensée abstraite », résume Bernard Blistène, directeur du musée d’art moderne du Centre Pompidou.

L'exposition "Magritte, la trahison des images", le 20 septembre 2016 au Centre Pompidou à Paris. © AFP

© AFP MARTIN BUREAU
L’exposition « Magritte, la trahison des images », le 20 septembre 2016 au Centre Pompidou à Paris

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