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Condamnation symbolique pour avoir tué et mangé un chien

Ce jeudi, le tribunal de Papeete avait à statuer sur une affaire impliquant deux hommes accusés de sévices graves envers un animal. En l’occurrence, un chien errant qu’ils avaient tué, puis dépecé et mangé. Un avocat parisien spécialiste de la cause animale était venu pour l’occasion.  Ils ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve pendant 5 ans, et des dommages-intérêts pour un montant total de 560 000 Fcfp.

Choc des cultures, choc des photos, poids des mots, voila comment on pourrait résumer l’affaire qui était jugé ce jeudi au tribunal de Papeete.

Choc des cultures : d’un coté une pratique encore vivace en Polynésie française, la consommation de viande de chien. De l’autre coté, des associations de défense de la cause animale. Choc des photos, car c’est un cliché posté, par un proche d’un des accusés, sur les réseaux sociaux qui avait déclenché l’affaire. On y voit jeune homme posant devant un chien dépecé et écartelé. L’image avait choqué, symbole d’une barbarie que l’on pensait révolue.

Enfin poids des mots, puisque les associations animales présentes bénéficiaient de l’appui d’un avocat du barreau parisien, spécialiste de la cause animale, Me Patrice Grillon assisté de Me Anabelle Roy-Cross, alors que les deux accusés, dont l’un ne maitrisait pas le français se sont présentés sans avocat. Ils ignoraient qu’ils se devaient d’en avoir un, et il a fallu en nommer un d’office, ainsi qu’une traductrice. Celui-ci n’a eu qu’une petite demi-heure pour prendre connaissance du dossier.

Trois associations s’étaient portées partie civile : la société nationale pour la défense des animaux, l’association Service de protection animale de Polynésie, et l’association Stéphane Lamart pour la défense des droits des animaux.

Pour leur défense, les accusés âgés de 54 et 26 ans ont déclaré qu’ils se rendaient au fa’a’apu lorsque le chien errant les a attaqués. Le plus âgé, lui a asséné un violent coup de machette sur la colonne vertébrale. « On lui a donné un coup au milieu du dos, le chien a pleuré pendant quelques minutes puis il est mort. On l’a dépecé et mis au frigo. Trois semaines après on l’a mangé. C’était la première fois.»

« Pour pas gaspiller le ma’a »

« Pourquoi vous avez mangé le chien, si vous n’en aviez jamais mangé ? » a demandé le juge. « Pour pas gaspiller le ma’a. » « Vous saviez pas que c’est interdit de manger du chien ? » «Non». «Et de la tortue ?» «Oui, parce qu’il y a des affiches.»

Pour Me Grillon, représentant deux des trois associations, « c’est la photo qui a déclenché tout. L’image pour la Polynésie a été terrible. Tout le monde en métropole pensait que les Polynésiens mangeaient du chien. Je regrette qu’il n’y ait pas d’excuses de leur part, je sais que la misère humaine est supérieure à la misère des animaux, mais ce chien n’a pas été respecté. »

Indiquant qu’en France ce type de délit est passible de deux ans de prison et d’une amende de 3,6 millions de  Fcfp, l’avocat a réclamé 240 000 Fcfp de dommages-intérêts pour chacun des accusés.

Pour la procureure, « la cause animale est un enjeu en Polynésie (…) le chien est utilisé comme signal d’alarme et attaché à longueur de journée. Ils ont tué un animal et l’on fait souffrir sans nécessité. Il n’était pas nécessaire de tuer le chien, ils auraient pu le chasser. » Elle a requis 4 mois de prison avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve avec interdiction de posséder un chien.

Pour l’avocat de la défense, « mes clients ne sont pas fiers de leur geste. Ils sont déjà punis par les commentaires des réseaux sociaux. Ils ne sont pas à l’aise, c’est un procès médiatisé. »

Ils ont été condamnés à 3 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans avec un total de 560 000 Fcfp de dommages-intérêts à verser aux associations présentes, et une interdiction d’avoir un chien pendant 5 ans.

Le plus jeune des condamnés estime qu’il y a des gens qui méritent plus d’être punis que lui.

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Sylvia Tifoun, présidente de l’association Dob Help Tahiti, représentante de la Fondation Brigitte Bardot sur le territoire, se déclare satisfaite de la condamnation financière, mais moins de la peine avec sursis. Pour elle, les antécédents de violences conjugales du plus âgé des prévenus sont la preuve qu’il ne maîtrise pas sa violence.

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Quant à savoir si ce n’était pas un peu disproportionné de faire venir un avocat de France pour cette affaire,  elle estime que non. « C’est une image déplorable pour la Polynésie », dit-elle.

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