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Fourrière, PV électroniques, radars fixes… La sécurité routière veut changer de braquet

©DTPN


Le grand séminaire sur la sécurité routière qui a débuté ce matin à Faa’a doit permettre de faire évoluer les techniques de prévention, de mieux coordonner des acteurs du terrain, de jeter les bases d’un plan d’action pluriannuel État – Pays… Mais pour Éric Spitz, la répression, « plus efficace » pour faire baisser la mortalité, doit aussi être développée. Le Haut-commissaire presse ainsi le Pays de se doter d’une fourrière pour pouvoir confisquer les véhicules des délinquants routiers. Et assure vouloir agir sur les « manques » de l’État. Parmi les outils non utilisés : la vidéo-verbalisation, les PV dématérialisés… ou les radars fixes, « pas la priorité » mais qui pourraient être étudiés sur la côte Ouest.

L’État et le Pays sont d’accord : ces deux jours de séminaire sont « capitaux », pour en finir avec une « situation tragique ». Celle de l’insécurité routière en Polynésie, où les routes restent trois fois plus dangereuses, en moyenne et en proportion, qu’en métropole. « Il y a eu de grandes avancées, précise tout de même Jordy Chan en introduction, rappelant que l’accidentologie a été divisée par deux ou presque depuis le début des années 2000. Mais ça n’est pas suffisant, et ça ne le sera jamais. »

Trente-quatre décès l’année dernière, déjà 29 depuis le 1er janvier, près de 200 blessés par an, sans compter les « blessures qui ne se voient pas », chez les victimes et leurs familles… Dans ce contexte, ce séminaire doit permettre à tous les « acteurs du dossier » – des forces de l’ordre aux associations de bikers en passant par les spécialistes de l’éducation, de la réglementation ou des infrastructures – d’échanger sur les « axes et leviers d’amélioration » et sur la « coordination des actions ». Objectif, affirmé par le ministre des Grands travaux, en charge des transports : se baser sur ces propositions pour mettre sur pied, dans le courant de l’année prochaine, un « plan pluriannuel de sécurité routière » partagé entre l’État et le Pays, et qui pourra ensuite être déroulé sur dix ans.

Une fourrière du Pays, « c’est une question de volonté »

Au programme, donc, des réflexions sur les outils de sensibilisation – « il faut trouver le moyen de faire bouger les consciences », répète-t-on côté Pays -, sur les missions de chacun, mais aussi sur la réglementation et la répression. Deux points sur lesquels insiste Éric Spitz. « Notre objectif premier dans ce séminaire, c’est de modifier un certain nombre de lois du Pays pour permettre par exemple la confiscation del’arme du crime, c’est à dire confisquer des voitures, explique le Haut-commissaire, convaincu que si la prévention et la répression doivent « dialoguer en permanence », la seconde est « malheureusement » beaucoup plus efficace que la première en matière routière. Quand vous arrêtez une personne qui pour la énième fois roule sans permis, sans assurance, et qu’il est un danger public pour les autres, le seul moyen c’est la confiscation du véhicule. Mais pour confisquer un véhicule, il faut des fourrières. »

« Des » fourrières, ou au moins une, puisque le Pays n’en a actuellement aucune, une singularité dans l’outre-mer français. Voilà des années déjà qu’un tel projet, coûteux et pas franchement porteur électoralement, est évoqué. « On le poursuit, mais il se construit sur du temps long », assure Jordy Chan, qui précise que le projet de budget primitif 2025 comprend le recrutement d’un spécialiste, au sein de la DTT, qui doit permettre de « débloquer la situation en matière de règlementation ». Le BP ne prévoit en revanche pas de fonds pour une construction dans l’immédiat.

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin, insiste Éric Spitz, qui rappelle que l’État est prêt à un soutien financier important pour les actions de sécurité routière. On peut faire un effort pour trouver un terrain, y placer des véhicule, lancer une DSP… C’est vraiment une question de volonté. Et si on n’y arrive pas, je peux vous dire que chaque fois qu’il y aura un mort sur la route, on aura du mal à se regarder dans une glace ».

« Il y a aussi des manques du côté de l’État »

Jordy Chan préfère toutefois être clair : cette fourrière, qu’elle naisse ou pas, ne fera pas tout. Et il est vrai que beaucoup d’autres outils manquent à la Polynésie. Et pas seulement du côté du Pays. « Il y a aussi des manques du côté de l’État, je l’admets. Il y a un certain nombre de délits routiers qui n’ont pas été homologués au niveau national, nous ne pouvons pas faire de PV électronique, nous n’avons pas de caméras qui peuvent coller des contraventions (la vidéo-verbalisation, utilisée en métropole pour sanctionner, par exemple, les feux rouge ou les stops grillés, les conduites sans casque, l’usage abusif de voies réservées, le non-respect des règles de dépassement ou même le défaut de port de la ceinture de sécurité, ndr). Tout ça, ce sont des blocages administratifs, parce que le fichier des véhicules polynésiens n’est pas le même qu’au national, parce que nous avons des francs CFP pour les amendes alors que les logiciels sont en euros… C’est aussi à moi d’agir de manière à convaincre l’État, le gouvernement, de faire évoluer les choses ».

Des textes seraient prêts, du côté de l’État, et en attente d’un créneau législatif adéquat à Paris, pour lever certaines de ces barrières techniques. Mais c’est bien à Papeete que le travail doit continuer à avancer. Dans les ateliers du séminaire, ces mardi et mercredi, on parlera ainsi de la formation à la conduite, des responsabilités des entreprises dans le risque routier, des contrôles des poids lourds, de la lutte contre la récidive, de qualité des infrastructures routières, aussi, et de la règlementation des deux-roues, impliqués dans la vaste majorité des accidents mortels.

Les radars fixes, « pas la priorité des priorités »

Certains serpents de mer de la sécurité routière polynésienne devraient aussi être remis sur la table. Comme le permis à points – « il ne s’agit pas de copier-coller le code de la route métropolitain », précise Jordy Chan, qui a expliqué sur scène être lui-même passé tout près d’un accident tragique lorsqu’il était adolescent et piéton. L’équipement en radars fixes reviendra aussi dans la discussion. Le ministre juge l’idée pas absurde, mais renvoie vers l’État. Le Haut-commissaire rappelle que ces radars automatiques ont fait largement baisser les chiffres de la mortalité en métropole. Mais précise aussi que la typologie des accidents est très différente en Polynésie.

« On a beaucoup d’accidents de deux-roues qui perdent seuls le contrôle de leur véhicule, souvent après avoir consommé de l’alcool ou du paka, et l’installation de radars ne va pas forcément régler ce problème, détaille Éric Spitz. Ceci dit, l’installation de quelques radars fixes, par consensus avec le Pays et la population, à deux, trois endroits à Tahiti, pourrait être utiles pour ralentir la vitesse. Je pense à la ligne droite près du golf d’Atimaono, qui est limitée à 50 km/h. Mais ce n’est pas la priorité des priorités. »

Une journée de prévention grand public à To’ata ce jeudi

Après les deux jours de débats entre spécialistes, la journée de jeudi sera consacrée au grand public. Plusieurs organismes installeront ainsi leurs stands sur la place To’ata pour une journée de sensibilisation, qui doit sortir les grands moyens. Entre autres points au programme : démonstration de désincarcération par les pompiers, simulateur de choc frontal de la DTT et parcours pédagogique à vélo animé par la police nationale.

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