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Air Tahiti : trois recours, trois rejets, et un contexte qui a bien changé

Pas d’indemnisation pour les lignes déficitaires, pas de révision des licences de la compagnie ou de son potentiel concurrent Islands Airline, et pas non plus d’astreinte pour le Pays à mettre en place une délégation de service public… Le tribunal administratif a globalement dit « non » aux demandes formulées début 2019 par Air Tahiti. Mais le contexte économique, comme juridique, a depuis beaucoup évolué.

Le tribunal administratif a débouté ce vendredi Air Tahiti de plusieurs demandes effectuées en 2019 dans le cadre d’un bras de fer au long cours avec le Pays. La compagnie domestique dénonce depuis longtemps l’absence de contribution de la Polynésie à sa « mission de service public ». Apataki, Ua Pou, Ua Huka, Fakahina, Takume… Autant de « lignes de désenclavement » sur lesquels le transporteur perd de l’argent. Entre 1990 et 2015 le Pays et Air Tahiti étaient bien liées par une convention réglant les obligations, avantages et compensations pour l’exploitation de ces petites lignes. Mais le contrat n’a pas été renouvelé : en 2016, la Polynésie avait préféré adopter une loi du Pays fixant les contours d’une nouvelle réglementation, plus claire, et qui devaient notamment passer par une délégation de service public. Sauf qu’en l’absence de délibérations d’application, jamais mises sur la table par le gouvernement, cette organisation est restée purement théorique.

Recours en cascade

Dès 2018, la compagnie rouge et blanche s’impatiente et demande en justice des indemnisations. Après un rejet de sa demande à Papeete, la Cour d’appel avait finalement fait droit, au début de cette année, à une indemnisation de 180 millions de francs par le Pays… au titre de l’année 2016, quand Air Tahiti pouvait s’attendre, vu les actes et déclarations du gouvernement, à des versements. La compagnie est en revanche déboutée de ses demandes pour l’année 2017. Et ce pour une raison simple : aucun document n’impose depuis 2016 à Air Tahiti d’assurer l’exploitation de ces lignes.

Entre temps, la société dirigée par Manate Vivish avait déposé trois nouveaux recours. Elle demandait notamment 655 millions pour compenser les pertes des années 2018 et 2019. Et l’avocat d’Air Tahiti, Me Robin Quinquis, insistait à l’audience, mi-mai sur le fait que, convention ou non, « le Pays est monté systématiquement au créneau pour forcer Air Tahiti à desservir ces îles », mettant en place des « délégations de service public sans le dire ». Pas d’acte contraignant, pas d’indemnisation, a jugé le tribunal. Autre demande pour 2014 et 2015  : Air Tahiti réclamait 271 millions de francs d’indemnités, justifiées entre autres par la nullité de certains avenants à la convention qui liait alors la compagnie au Pays. Et autre rejet du tribunal.

Enfin un acte contraignant

Si la compagnie avait lancé cette offensive juridique, c’est aussi en prévision de l’arrivée de la concurrence : Islands Airlines avait obtenu, fin 2018, une licence de transporteur aérien domestique. Air Tahiti avait alors demandé au président du Pays de revoir sa propre licence et celle de son concurrent pour y inclure les mêmes obligations de service public. C’était l’objet de la troisième demande d’Air Tahiti : le Pays doit s’exécuter, « au nom du principe d’égalité de traitement », ou au moins mettre au vote les délibérations d’application de la loi du Pays de 2016 pour mettre en place une délégation de service public. Là encore, le tribunal relève « l’absence de tout acte imposant à la société Air Tahiti des obligations de service public ». Et donc de préjudice quelconque pour la compagnie.

Fin de l’histoire ? Sûrement pas. D’abord parce qu’Air Tahiti peut faire appel de ces trois décisions. Mais surtout parce que la crise du Covid-19 a changé la donne. Depuis la reprise des vols, le 22 mai, Air Tahiti ne dessert plus Apataki, Ua Pou, Ua Huka, Fakahina, Takume, comme d’ailleurs beaucoup d’autres lignes considérées comme déficitaires. Le Pays, dont les responsables assurent publiquement « qu’il n’y a pas de désaccord ou de confrontation » avec le transporteur ont tout de même publié, le 13 mai, un arrêté fixant les fréquences minimales de desserte désormais joint à la licence de vol de la société. Voilà donc enfin l’acte contraignant qui manquait à Air Tahiti pour remporter ces recours ? Malgré sa force de loi, le document ne serait « qu’un objectif à ce stade » assure le ministre en charge du secteur, Jean-Christophe Bouissou. Manate Vivish, lui, garde sa ligne : qui dit service public, dit indemnisation.

 

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