ACTUS LOCALESENVIRONNEMENT

Des scientifiques percent le secret de la couleur des perles de Polynésie

Origine génétique, fabrication des pigments, influence de la profondeur d’élevage… Des chercheurs ont décrypté avec précision les mécanismes déterminant la couleur des perles de l’huître de Polynésie. Des résultats majeurs pour la filière perlicole, qui va pouvoir « repenser la sélection génétique », explique dans un communiqué l’Ifremer, qui mène le consortium de recherche qui a abouti à ces résultats.

L’huître perlière de Polynésie (Pinctada margaritifera) produit des perles dites noires car leur couleur est foncée, mais elles présentent en réalité un arc en ciel de teintes, principalement autour de trois couleurs : le rouge, le jaune et le vert. Maîtriser la couleur de leurs perles est un enjeu majeur de qualité pour les producteurs polynésiens. Comment un bijoutier peut-il créer des boucles d’oreilles avec des perles dépareillées ? Ou un collier, si les perles n’ont pas une teinte homogène ?

Rappelons que la production de perles repose sur une greffe entre deux huîtres. Le greffon provient du manteau de l’huître donneuse, un fin voile de chair qui assure la croissance et le développement de la coquille. L’huître receveuse n’est qu’une sorte de couveuse : c’est le greffon qui assure le dépôt de nacre sur le nucleus, sorte de bille, inséré dans l’huître receveuse. La couleur de la perle ainsi produite est similaire à celle de l’intérieur de la coquille de l’huître donneuse, le greffon étant porteur du bagage génétique de cette dernière.

Stockage des perles pour les expérimentations. © Pierre-Louis Stenger, Ifremer

 

Le premier article tout juste publié a révélé que sept gènes sont exprimés majoritairement chez les huîtres perlières ayant une coquille interne jaune, dix-neuf sont associés au vert, et vingt-quatre au rouge. « Les différences de couleur des perles sont dues à des nuances subtiles dans l’expression de ce cocktail de gènes. Ces résultats sont fondateurs pour l’avenir de la perliculture, car ils vont faciliter la sélection des animaux pour les producteurs », explique Pierre-Louis Stenger, premier auteur de cet article.

Pour comprendre ces processus biologiques, les scientifiques ont commencé par effectuer une sélection génétique. En choisissant des géniteurs qui produisent une perle de couleur précise, et en obtenant une descendance avec des couleurs homogènes. Ils ont ensuite concentré leurs analyses sur les tissus utilisés pour la greffe, en utilisant une méthode analogue à celle qui permet d’identifier les variants du SARS-Cov2 : le séquençage. Ici ce sont l’intégralité des gènes exprimés par les cellules de l’huitre qui sont séquencés. Enfin, des mesures de microscopie laser ont permis de confirmer les différents pigments présents dans les coquilles.

Les résultats sur la profondeur d’élevage permettent de repenser la sélection génétique.© Chin-Long Ky, Ifremer

Pourquoi une huître élevée plus en profondeur est plus foncée ?

Mais le bagage génétique ne fait pas tout, et la sélection génétique peut avoir des inconvénients. Le deuxième article publié montre comment la profondeur à laquelle les huîtres perlières sont élevées en mer peut modifier l’expression de leurs gènes. Une huître élevée à 30 m de profondeur est plus foncée que si elle est élevée à 8 m. Ce caractère foncé est un critère de qualité recherché par les producteurs.

« Notre étude montre comment ces différences d’environnement se répercutent sur l’expression des gènes de l’huître. Sur l’ADN des huîtres cultivées en profondeur apparaissent de petites molécules chimiques qu’on ne retrouve pas aux mêmes endroits sur l’ADN des huîtres de surface. Ces molécules peuvent allumer ou éteindre l’expression d’un gène. On parle de modifications épigénétiques car la structure des gènes n’est pas changée : c’est la manière dont ils s’expriment qui est modifiée », explique Jérémie Vidal Dupiol, épigénéticien à l’Ifremer dans le laboratoire Intéractions hôtes-pathogènes-environnements (CNRS/UPVD/Ifremer/UM) et auteur référent sur les deux articles publiés.

Les huîtres ont été plongées à différentes profondeurs.© Nono Lewis Tetaura, Ifremer

 

Ces résultats s’appuient sur une expérience « yo-yo » avec trois séquences d’un mois : un groupe d’huîtres est plongé à 8 m, une partie des individus est ensuite plongée à 30 m, puis remontée de nouveau à 8 m avec les autres. Avec à chaque phase des prélèvements de manteau et une analyse de la couleur des coquilles. L’expérience a confirmé que les huîtres perlières immergées plus profondément produisaient bien une perle plus foncée, et qui le restait même quand l’huître était remontée à 8 m. Des analyses ciblant l’ADN, avec séquençage intégral aux différentes étapes, ont montré une vingtaine de modifications chimiques sur les gènes impliqués dans la couleur.

« Cela permet de repenser la sélection génétique, dont le principal inconvénient est de réduire la diversité génétique et d’augmenter le risque de sensibilité aux perturbations comme les maladies. Car on peut obtenir le caractère recherché (ici une perle foncée) avec des individus très différents génétiquement. Reste à savoir si les modifications chimiques observées sur l’ADN durent dans le temps, ou mieux encore si elles se transmettent sur plusieurs générations », conclut Chin-Long Ky, généticien à l’Ifremer, dans le laboratoire ressources marines en Polynésie française, et responsable du projet d’amélioration génétique des huîtres perlières, Ameligen.

Les deux études publiées ces derniers jours :

Avec communiqué de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer)

Article précedent

La revue de presque de Nicolas Canteloup d'Europe 1 - L'intégrale du 22/03/2021

Article suivant

LA PASSION DU VIN 22/03/2021

1 Commentaire

  1. Claude Alix
    22 mars 2021 à 13h00 — Répondre

    Ils n’ont rien percé du secret de la couleur des perles malgré leurs travaux très pointus dans la recherche fondamentale. La perliculture s’écroule.et doit se satisfaire de promesses qui ne nourrissent pas leur homme.

    Il n’y a plus de secret depuis très longtemps. Ils ont tout étudié de l’animal , ses gènes, sa coquille avec des outils hyper modernes mais ont « oublié » de regarder la nacre colorée sous la couche externe…
    Cette couche de calcite ‘est la clef de la couleur car elle correspond évidemment à la couleur des perles aussi.

    Pour fournir les bons candidats à une sélection pour faire fonctionner une écloserie, il faut absolument une méthode de caractérisation des nacres pertinente, extrêmement fine et l’exercer sur le plus grand nombre de coquillages afin de compléter la gamme de coloris existants dans les populations. Certaines couleurs sont rarissimes.

    Prenez une fraise carbure et entaillez le périostracum au bord de la lèvre de la valve pour voir la couche de nacre colorée. Vous n’aurez aucun mal à repérer à l’oeil nu chaque cas, chaque couleur remarquable que vous mettez de coté.
    (Avant de tuer vos bêtes en fin de vie, testez les toutes et vous aurez un cheptel de bêtes exploitables.)

    Un test complémentaire consistera à élargir la fenêtre vers l’apex pour une évaluation très complète des qualités , de la génétique des specimens. Meuler et polir avec un touret de lapidaire à refroidissement liquide.

    Eléments devenus « visibles » après un geste simple et rapide:

    -la ou les couleurs de la couche prismatique
    -la densité, la nuance de coloris
    -le degré de saturation , de « pollution » de la mélanine (sur 20 nacres à bordures internes jaunes, lesquelles sont jaune pur?)
    -l’histoire de la production de couleur
    -le lustre
    – les freaks qui sortent de la norme

    Enfin, tout cela pour dire que les privés ne doivent pas attendre et je les invite à prendre le raccourci.
    Aller à la couleur, tout de suite mais sans attendre le feu vert des généticiens qui savent faire compliqué et qui avouent leurs limites lorsqu’il s’agit de faire simple.

    Ils étouffent cette solution innovante depuis des années , la trouvent impossible à mettre en oeuvre mais jamais ne fournissent le moindre argument justificatif…
    Des travaux pratiques on été menés sur le terrain, sur un grand volume de coquilles et cette méthode est parfaite. En matière de sélection, rien ne passe.

    Tous les requis sont là et il ne tient qu’aux privés de s’activer et de se mettre sur les rangs pour innover et passer de nouveau à une période faste.
    Que des perles de couleurs, c’est le futur assuré pour la filière.

    Il y a vingt ans, je leur ai montré la lune, ils ont regardé mon doigt…
    Aujourd’hui, ils vous promettent la lune, je vous y emmène.

    Le débat mérite d’être ouvert
    A bon entendeur, salut,

    Claude Alix (expert du coquillage)

Laisser un commentaire

PARTAGER

Des scientifiques percent le secret de la couleur des perles de Polynésie