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Des tifaifai pour « ne pas oublier » le Sida et ses victimes

Le bureau de l’ACS devant le premier Tifaifai qui servira de carré de signature pour les participants à l’opération.

Le VIH est toujours là. C’est ce que veut rappeler l’association Agir contre le Sida, qui relaie au fenua une initiative mondiale : créer pour chaque victime un tifaifai, en s’inspirant du « patchwork des noms » réalisé dans le monde entier. Objectif : se souvenir, mais surtout informer sur une maladie pour laquelle des traitements efficaces existent aujourd’hui. 

Très active à partir de la fin des années 90, l’association Agir contre le Sida (ACS) a connu une période de creux, ces dernières années, par manque de bénévoles et manque d’intérêt des autorités. Ces derniers mois, le collectif s’est réorganisé, s’est fixé de nouveaux objectifs, et, à quelques jours de la journée mondiale de lutte contre le Sida, interpelle une nouvelle fois la population polynésienne. Il faut dire que le combat n’est pas fini : le VIH et le syndrome qu’il peut provoquer, le Sida (lire ci-dessous), n’ont pas disparu de Polynésie. Pour « ne pas oublier » et pour relancer la dynamique de l’information et de la prévention, « sans laquelle les contaminations repartent à la hausse », l’association veut décliner au fenua le mouvement « Patchwork des noms ».

Un tifaifai pour chaque victime

L’idée, née aux Etats-Unis à la fin des années 80 et depuis devenue un phénomène mondial, consiste à faire réaliser par des proches, membres de la famille, amis ou simples connaissances de chaque victime du Sida, des panneaux de textiles, qui une fois réunies deviennent un gigantesque mémorial de la maladie. Le projet local, rebaptisé « Tifai no te haamanao », doit être officiellement lancé le 1er décembre. Pour attirer l’attention, se souvenir et bien sûr informer, il ne s’agissait pas seulement d’imiter, mais bien de s’approprier cette initiative. « Le tifaifai, c’est quelque chose qui résonne dans la culture locale, et peut-être par ce biais, on va toucher plus de monde », explique le nouveau président de l’association, Karel Luciani. Le premier tifaifai réalisé, qui servira de cadre de signatures pour tous les participants, arbore 92 fleurs, pour les 92 victimes recensées du sida en Polynésie.

Plus de 48 000 pièces de textiles, recensant 94 000 noms, ont été réalisés dans le projet international de « patchwork des noms ». Ils forment, ensemble la plus grande œuvre d’art populaire au monde.

Car si des traitements très efficaces existent aujourd’hui pour combattre le VIH et le Sida, on continue de mourir de la maladie. La Polynésie a connu trois décès depuis 2019. Parmi elles, un jeune homme de 23 ans, qui laisse derrière lui une compagne séropositive et deux enfants. Un « échec » pour le Dr Lam Nguyen, médecin référent de l’association. Si certains décès, dues à un accident vasculaire-cérébral ou à un cancer, sont difficiles à éviter, d’autres, dont celui de ce jeune homme, sont surtout dûs à une mauvaise acceptation du traitement et de la maladie elle-même.

Il faut dire que le Sida est encore un mot qui fait peur, et qui transporte avec lui beaucoup de préjugés. « Souvent la première question qui vient à l’esprit des personnes qui découvrent leur séropositivité, c’est ‘que vont dire les autres ?’ « , remarque Maire Bopp-Dupont, figure historique d’Agir contre le Sida et toujours présidente d’honneur de l’association. Par manque d’information, trop de gens encore, vont limiter les contacts, voire exclure socialement, les porteurs du virus, alors qu’ils n’ont médicalement rien à craindre. « Ce sont ces fausses idées qui font qu’une personne est arrêtée dans ses capacités à pouvoir surmonter le diagnostic, reprend l’enseignante et élue. Elle est limitée dans sa capacité à accepter le traitement qui peut pourtant lui permettre de retrouver une vie relativement normale ».

Recrudescence des maladies sexuellement transmissibles

Cette « vie normale », 146 Polynésiens « activement suivis » par ACS vivent et Maire Bopp-Dupont en est l’incarnation. Celle qui a appris sa contamination au VIH voilà 22 ans, alors que la maladie était déjà développée au stade de sida, se dit aujourd’hui en pleine santé, comme sa fille de 15 ans. « Les traitements sont extrêmement efficaces pour contrôler le virus et permettre aux défenses immunitaires de se restaurer », rappelle le Dr Lam Nguyen. Les traitements, mois durs à supporter qu’auparavant, permettent désormais de baisser suffisamment la charge virale pour empêcher la transmission du virus, même lors de rapports sexuels non protégés. « On peut avoir une vie professionnelle, personnelle familiale normale lorsqu’on est bien suivi et on est bien traité », résume le spécialiste.

Reste à faire passer le message. Difficile de faire parler de VIH et du Sida dans cette période de crise du Covid. Difficile, aussi, d’attirer l’attention et les subventions des autorités pour relancer la prévention. Et pourtant, les associations ont un rôle essentiel, partout dans le monde, dans cette mission. Les contaminations au VIH semblent en baisse cette année, mais le Covid, qui éloigne à tort les patients de l’hôpital et limite les transferts depuis les petites îles du Pacifique, n’y est pas étranger. D’autres signes, et notamment la recrudescence d’infections sexuellement transmissibles comme la syphilis, gonococcie, chlamydioses, herpès ou condylomes sont plus inquiétants. « Tous les indicateurs montrent qu’il y a moins d’utilisation de préservatifs, chez les jeunes en particulier », alerte le Dr Ngyuen.

Contacts ACS : Page Facebook Agir Contre le Sida, agircontrelesida@gmail.com, 89.50.18.15 / 87.24.47.85

VIH, séropositif, Sida… Pas des synonymes !

Le VIH est le virus responsable du Sida. Ce « Virus d’immunodéficience humaine » se transmet généralement lors de rapports sexuels non protégés, lors de partage de matériel d’injection ou, en l’absence de traitement, de la mère à l’enfant pendant la grossesse ou l’allaitement. Impossible en revanche, de le transmettre par la toux ou un éternuement, comme le coronavirus, ou par un baiser, le partage d’un verre ou de vêtements… Les personnes contaminées, dite « séropositives », peuvent participer sans aucun risque pour leur entourage à toutes genres d’activités sociales. Ces personnes, si elles ne sont pas traitées, voient leur système immunitaire se dégrader jusqu’à atteindre le stade ultime de la maladie : le « syndrome d’immunodéficience acquise » ou Sida. À ce stade, le système immunitaire est tellement faible que des « maladies opportunistes » se développent, mettant en danger la vie du patient. Le Sida, aujourd’hui, n’est pas une maladie définitive ou inéluctable. S’il est encore très difficile, aujourd’hui de faire complètement disparaitre le VIH de l’organisme du porteur, les traitements permettent non seulement de ne pas développer le Sida quand on est séropositif, mais aussi d’empêcher la transmission du virus à une personne, et notamment un partenaire sexuel non infecté.

Pour plus d’informations : Sida-info-service.org

 

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