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Desserte des Marquises : Tahiti Air Charter n’aura pas son autorisation

Malgré des mois d’échanges et 35 versions du dossier, le manuel d’exploitation de TAC sur la desserte des Marquises n’a jamais été validé. Lucette Lasserre, directrice du service d’État de l’aviation civile, liste les points bloquants : un appareil monomoteur avec un seul pilote, en vol à vue. À l’assemblée, ce matin, Jean-Christophe Bouissou a confié la « désillusion » du Pays sur ce dossier et expliqué qu’un nouvel opérateur serait recherché dans les trois mois.

Le dossier est en discussion depuis des mois mais il semble toucher à sa fin. Ou plutôt, tout va devoir recommencer pour que les Marquisiens aient enfin une desserte aérienne pour les îles de Ua Pou et Ua Huka. Depuis juillet 2021, la compagnie Tahiti Air Charter (TAC) a obtenu une délégation de service public pour assurer les liaisons interîles entre Ua Pou, Ua Huka et Hiva Oa, mais elle ne l’honorera probablement jamais. TAC n’a pas obtenu la validation de son manuel d’exploitation, le sésame pour faire voler son Cessna 208 aux Marquises. Pour qu’une compagnie aérienne puisse transporter des passagers, elle doit obtenir une licence d’exploitation, accordée par le Pays, et un certificat de transporteur aérien accordé par le Service d’État de l’aviation civile. Deux autorisations que Tahiti Air Charter possède.

Mais pour cette nouvelle ligne des Marquises, elle devait également présenter un manuel d’exploitation expliquant toute son organisation, les mesures qu’elle prend pour respecter la réglementation et ses garanties de sécurité, en précisant notamment la formation des pilotes, l’organisation du travail, l’enchainement des rotations, la maintenance, la préparation du vol, etc. Tout doit être écrit et ce manuel d’exploitation doit être validé par l’Aviation civile, qui audite régulièrement les compagnies sur les engagements qu’elles ont pris. Une attention particulière était prise pour la desserte de Ua Pou et Ua Huka compte tenu de ces zones particulièrement difficiles. « À Ua Pou, il y a un seul point où il est possible de renoncer à l’atterrissage, une fois passé, c’est trop tard », donne en exemple Lucette Lasserre qui a elle-même effectué des vols de reconnaissance en cabine avec les pilotes pour mieux comprendre l’environnement.

Lucette Lasserre

Lucette Lasserre, directrice du service d’État de l’aviation civile. ©L.R./Radio1

Des questions et pas de solution

Une fois la délégation de service public accordé, Tahiti Air Charter attendait la validation de son manuel d’exploitation. Lucette Lasserre a sollicité la Direction générale de l’aviation civile afin d’obtenir une expertise précise. Plusieurs professionnels ont été sollicités notamment des pilotes instructeurs. À partir de cette note, avec les spécificités des opérations envisagées et les recommandations techniques, l’Aviation civile a travaillé avec TAC à l’amélioration du dossier de la compagnie. De longs mois se sont écoulés pour arriver à une 35e version du manuel d’exploitation à la fin de l’année 2021.

Mais plusieurs points sont restés bloquants : un appareil monomoteur avec un seul pilote et un vol à vue (VFR : visual flight rules). Le monomoteur nécessitait donc d’avoir des « aires de recueil » pour se poser d’urgence mais aucune solution proposée par TAC n’a satisfait les autorités ; avoir un seul pilote augmentait les risques car il faut prendre en compte la « charge mentale » et le « risque fatigue » surtout dans ces conditions complexes comme à Ua Pou et Ua Huka ; le vol à vue laissait moins de latitude pour agir en cas de problème, de panne ou en cas de météo difficile, car l’avion se trouve moins haut. Concernant les pilotes, la compagnie a toujours expliqué qu’ils avaient la qualification montagne mais ça ne suffit pas : « Il faut de l’expérience aussi, on ne confie pas une Ferrari à quelqu’un qui vient d’avoir son permis. On ne peut pas se contenter de la qualification montagne », précise Lucette Lasserre.

Tahiti Air Charter prend acte mais ne communique pas

Des réunions ont eu lieu fin janvier et en février et la direction de Tahiti Air Charter aurait pris acte de l’impossibilité d’assurer la desserte comme elle l’avait prévu. « Aurait » car personne n’a de nouvelles : le service d’État de l’aviation civile n’a pas reçu de réponse à son courrier du 28 février dernier, leur notifiant l’impossibilité d’autoriser l’exploitation des Marquises au regard du dossier fourni où Lucette Lasserre « prenait bonne note de leur décision de renoncer » ; Pascal Bazer-Bachi, directeur d’exploitation, ne répond pas à nos sollicitations ; et les Marquisiens ne savent pas non plus ce qu’il en est. « Nous avons joué le jeu et les avons accompagnés jusqu’au bout mais ils n’ont pas réussi à présenter des mesures satisfaisantes pour réduire les risques. Ils n’ont pas eu la bonne appréciation des risques. Ils expliquaient que ces appareils volaient sans problème à Saint-Martin et Saint-Barthélemy mais dans ces îles, il y a des aires de recueil faciles et rapides. »

Reste que les Marquisiens sont toujours sans avion et ne peuvent se déplacer que grâce aux hélicoptères de Tahiti Nui Hélicoptères. Qui devraient poursuivre leur desserte de Ua Pou et Ua Huka au moins jusqu’à la fin du mois de juin.

« Désillusions » du Pays et « relance » de la DSP

« Je n’ai pas de bonnes nouvelles ». Répondant à une question de Nicole Sanquer à l’assemblée, Jean-Christophe Bouissou a confirmé ce matin que la DGAC refusait toujours de valider le manuel d’exploitation. « Nous sommes aujourd’hui en désillusion sur la solution Tac, alors que la compagnie avait déjà un certificat de transporteur aérien délivré par la DGAC et qu’il survole les îles Sous-le-Vent », explique le ministre en charge des transports . Si le Pays s’était accordé jusqu’au 31 mars, date jusqu’à laquelle la délégation de service public de Tahiti Air Charter est suspendue, pour « redélibérer sur sa décision », une décision devrait être prise dès cette semaine. La commission de délégation de service public doit être réunie dès ce vendredi. Elle devrait revenir sur sa décision d’attribution du marché à Tac, et « relancer la délégation de service public ». Cette fois, le Pays devrait exiger que l’opérateur présente « une solution agréée par la DGAC » – avec un avion bimoteur, donc. La procédure, d’après Jean-Christophe Bouissou, devrait durer trois mois, pendant lesquels Tahiti Nui Helicopters sera sollicité, par un nouveau contrat, pour continuer sa desserte de Ua Pou et Ua Huka avec un programme de vols renforcé.

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2 Commentaires

  1. Jean-Christophe SHIGETOMI
    23 mars 2022 à 5h22 — Répondre

    Les aérodromes de Ua Pou et de Ua Huka sont des aérodromes à usage restreint : Ua Pou a une entrée et une même sortie. Le risque est majeur en cas de panne moteur en phase d’approche ou de décollage surtout avec une seule hélice. L’environnement est dit hostile… L’aéronef doit donc être adapté, stol de préférence (shot take off and landing) et surtout bimoteur. Enfin, les pilotes doivent être qualifiés à la desserte du terrain… Il faut une journée pour déclencher des secours de Tahiti. C’est ce que j’avais appris sur les bancs de la formation en aéronautique qui fut mienne…

  2. PAT
    23 mars 2022 à 8h14 — Répondre

    BOUISSOU désolé ???? sans doute pour la famille DEGAGE mais pas pour les Marquisiens Depuis le début on nous prends pour des idiots depuis le début nous savons que cela ne marchera pas car depuis 30 ans on rabâche pour ua-pou et ua-huka 2 moteurs et 2 pilotes pour des raisons de sécurité dès le début l’appel était biaisé : ait tahiti a répondu avec un avion à 2moteurs et 2 pilotes et TAC avec 1 moteur et 1 pilote Automatiquement il était moins cher mais en mettant la charrue avant les bœufs pour faire plaisir à certains voilà le résultat 1 an de perdu et des grosses galères pour les habitants de ua-pou et ua-huka espérons que la mise en place d’un nouvel avion sera rapide

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