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Le bon père de famille disjoncte

Ce jeudi au tribunal se tenaient des audiences à juge unique. En général, ce sont des affaires où monsieur et madame tout le monde peuvent se retrouver un jour à la barre et avoir à se justifier pour un geste malheureux ou une conduite inadéquate.

Lucien, 33 ans, est un bon père. Il a trois jeunes enfants, et s’est séparé de sa concubine qui avait la main leste envers eux. Il a dû d’ailleurs quitter son emploi pour s’en occuper. Pour subvenir à leurs besoins, il chasse les chevrettes la nuit , et va à la pêche et cultive un peu, tandis que sa sœur les surveille. La famille est suivie par les services sociaux car les enfants ont des carences éducatives. Selon une éducatrice, la mère frappait les enfants, mais le père n’a jamais levé la main sur eux, « il a toujours écouté nos conseils pour les élever », assure-t-elle.

Un jour qu’il revenait des chevrettes, à 6 heures du matin, il fait comme à son habitude. Il prépare le petit déjeuner des enfants, les réveille, puis leur allume la télé, nounou de substitution, le temps qu’il aille se reposer un peu. Mais cette fois, sa petite fille de sept ans est particulièrement en forme et passe son temps à embêter les garçons qui viennent se plaindre régulièrement à leur père, troublant son repos. Il réprimande la gamine, et se recouche.

Pour se venger de ses frères qui l’avaient « balancée », elle prend un verre d’eau et le jette sur eux. Pas de bol, l’eau rentre en contact avec une multiprise et grille le circuit électrique de la maison. Le père alors à bout, saisit ce qui lui tombe sous la main, son patia qui sert à piquer les chevrettes, et lui en assène un coup sur le dos du coté du manche. C’est la directrice de l’école, voyant la trace sur le dos de l’enfant, qui signale le fait. L’enfant, alors interrogée, indique qu’il ne lui a donné qu’un seul coup et que c’est la première fois qu’il la frappe.

« Que celui qui n’a pas été excédé par la conduite de son enfant lui jette la première pierre »

« T’es un bon papa, mais là, tu t’es énervé, c’est ça ? » lui demande le juge. « Oui » avoue-t-il, tête baissée, expliquant que lorsque ses enfants sont en colonie, « les moniteurs m’appellent tous les jours car ils font des bêtises. J’ai beau leur expliquer pourquoi il ne faut pas faire ça, rien n’y fait » avoue-t-il.

Pour la partie civile qui représente l’enfant, « le couple de monsieur est dysfonctionnel. Sa femme est partie le laissant s’occuper seul des enfants, et ce que je peux lui reprocher, c’est d’avoir tapé sa fille de 7 ans. À cet âge, on fait des bêtises. Certes il ne l’a tapée qu’une seule fois, mais la petite avait l’air de trouver cela normal. C’est dommage d’en arriver là. » Le juge l’interrompt alors. « Si la petite avait l’air de trouver cela normal, c’est à cause de leur mère qui les frappait souvent, lui, ne les a jamais tapés » précise-t-il à l’intention de l’avocate. Elle poursuit, « je reconnais qu’il fait ce qu’il peut, mais j’attends de lui qu’il prenne ses responsabilités et qu’il ne recommence pas. Cela mérite un avertissement. » Elle demande 100 000 Fcfp de préjudice moral pour l’enfant.

Pour la procureure, « on a bien conscience que tout n’est pas idyllique dans cette famille. Il fait ce qu’il peut et franchement, que celui qui n’a pas été une fois dans sa vie excédé par la conduite de son gamin, lui jette la première pierre, d’autant que l’eau et l’électricité ne font pas bon ménage. Certes les violences sont inacceptables, mais ici, on a vu pire. » Elle réclame trois mois de prison avec sursis.

Pour la défense, « Mon client a surréagi. Ce jour-là, il était fatigué et honnêtement l’eau et l’électricité cela fait peur aux adultes. Son seul tort, c’est de l’avoir tapée. Il n’est pas violent et c’est la première fois. Depuis que la mère est partie, il a lâché son travail pour s’occuper d’eux. »

Le juge regarde alors l’accusé et lui dis, « je vais faire quelque chose que je fais rarement. Je prononce une dispense de peine. Cela veut dire que tu es coupable, mais que j’estime que les circonstances font qu’il n’est pas nécessaire de te donner une peine. Par contre tu auras à payer une somme de 60 000 Fcfp pour le préjudice. »

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