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Les compagnies aériennes scandalisées par les augmentations de tarifs d’ADT

Aéroport de Tahiti (ADT) veut faire grimper certaines de ses redevances de près de 9%. Un projet dénoncé en chœur par les compagnies, déficitaires sur leur activité polynésienne, alors que la société contrôlée par Egis a consolidé ses bénéfices avec la hausse du trafic. Les nouveaux tarifs, pas encore en vigueur, sont défendus par le Pays, actionnaire à 49% d’ADT, qui y voit le moyen de financer le toilettage de Tahiti-Faa’a avant l’arrivée d’un nouveau concessionnaire.

Lire aussi : À Tahiti Faa’a, un relooking et des travaux en attendant le renouvellement de la concession

Le projet a fait l’unanimité contre lui, fin janvier, du côté des compagnies aériennes. Aéroport de Tahiti (ADT), gestionnaire de la plateforme de Faa’a, leur avait annoncé, en commission consultative économique (Cocoeco), son intention d’augmenter sensiblement les redevances aéroportuaires qu’elle facture pour chaque atterrissage, chaque passager, pour le balisage des pistes, le stationnement, le carburant ou le fret. La société, contrôlée par le groupe Egis et dont le Pays est actionnaire à 49%, n’a pas souhaité détailler publiquement ces hausses, toujours « en cours de validation », et qui atteignent +9% sur certains tarifs importants.

« Incompréhensible » pour les opérateurs de l’aéroport, qui pointent qu’ADT ne peut mettre en avant « aucune amélioration du service » pour justifier de telles augmentations. Les réactions sont d’autant plus vives que le gestionnaire a dans le même temps affiché un résultat positif de 600 millions de francs en 2023, à la faveur de la bonne forme du trafic domestique et international, de l’arrivée de nouveaux acteurs comme Delta ou Air Moana, et de l’augmentation de fréquences de certaines autres, comme Air France. « Ils veulent gonfler leurs recettes au moment où elles se consolident toutes seules », s’agace un dirigeant de compagnie.

Situation déjà difficile pour les compagnies

Des compagnies, qui, elles, n’affichent pas, malgré les bons chiffres du tourisme, une santé de fer, loin de là. « L’écosystème aérien de Polynésie n’a jamais été aussi concurrentiel et tendu, explique un autre responsable, ADT le sait : aucun opérateur ne gagne de l’argent en Polynésie dans ces conditions. »  Si les redevances aéroportuaires pèsent moins que le carburant sur l’activité, elles sont tout de même une composante « importante » des coûts. Leur augmentation devrait donc « encore dégrader les comptes de résultats » – et fragiliser certaines sociétés – ou être répercutée sur le prix des billets. Ce qui, en local comme à l’international, « parait difficile vu la compétition sur le marché ».

Un risque qui est tout de même pointé du doigt côté politique. « Ces charges supplémentaires arrivent tardivement et n’avaient donc pas été anticipées par les compagnies qui devront bien répercuter. Et devinez qui va payer la facture ? Et bien nous consommateurs bien entendu ! » lisait-on cette semaine sur la page Facebook de A Here ia Porinetia. Le parti de Nicole Sanquer et Nuihau Laurey accuse au passage le gouvernement Brotherson, en « validant » ces hausses de redevances, de mettre un peu plus en difficulté ATN, qui avait présenté en décembre une prévision de déficit de 4,8 milliards de francs pour l’année 2023. Et d’autoriser Egis, détenue à 34% par la Caisse des dépôts, un établissement d’État, « à se gaver sur le dos de Polynésiens ».

1,9 milliards de francs d’investissements à financer…

Pas de commentaire, à ce stade, de la direction d’ADT: le « circuit de validation » doit suivre son cours. Mais le gouvernement semble parler de ces hausses comme d’un projet déjà acté. « Elles sont justifiées par des investissements à hauteur de 1,9 milliard de francs qui sont nécessaires sur le plan de la sécurité et de la conformité, explique le ministre des Finances Tevaiti Pomare, parlant de travaux à mener sur les parkings avions, le terminal domestique, ou les passerelles. Si ces investissements ne se font pas maintenant, je crains qu’il ne soit pas fait avant un nouvel appel d’offres et on ne peut plus attendre vu les conditions. » D’après le ministre, les augmentations tarifaires ont été présentés dans le cadre du plan de financement de ces investissements, qui passe par de l’autofinancement – les bénéfices 2023 seront essentiellement consacrés à augmenter ces capacités – et par des prêts bancaires. « C’était une des conditions de leurs prêteurs que de pouvoir afficher une rentabilité positive confortable pour pouvoir assurer le remboursement », reprend Tevaiti Pomare.

…Et de l’inflation à compenser

Lors de la Cocoeco, ADT a en outre mis en avant que les redevances n’avaient pas été augmentées depuis 2016 et que les 9 à 10% d’inflation de ces quatre dernières années devaient donc y être intégrés.

Les compagnies rétorquent que leur propre tarifs sont loin d’avoir suivi l’indice des prix à la consommation pendant la crise Covid, baissant sur certains segments alors que le prix des carburants auraient dû nettement les tirer à la hausse. Quant aux travaux projetés par Aéroport de Tahiti, tous ne semblent pas « urgents » aux compagnies qui attendent « depuis trop longtemps » un concessionnaire stable et en mesure de mener une « réelle modernisation de la plateforme » à Tahiti-Faa’a. Le ministre des Finances indique qu’il a « bon espoir » que le nouvel appel d’offres sur cette concession soit lancé « au cours du premier semestre par Paris », pour une attribution d’ici 2026. Egis sera bien sûr candidate à sa succession, et ne sera pas non plus seule en course. Certains, à l’aéroport, estiment que la préparation de cette sélection n’est pas étrangère à la nouvelle stratégie tarifaire de la société.

Les redevances augmentent aussi à Paris… pour payer la taxe sur les superprofits

Les redevances bondissent aussi à l’autre bout de la ligne. Aéroport de Paris, gestionnaire des plateformes d’Orly et de Roissy – Charles-de-Gaulle, a publié une grille de tarifs 2024 dans laquelle la redevance passager augmente de 6,7%. Une majeure partie de cette augmentation est attribuée à la nouvelle « taxe sur les superprofits », votée l’année dernière, et qui cible les concessions nationales d’autoroutes et d’aérien dont la rentabilité est supérieure à 10% et dont le bénéfice dépasse les 120 millions d’Euros. ADP, qui dégageait en 2022 une rentabilité de 19% et qui avait enregistré un bénéfice de 592 millions d’euros, en fait partie. Ce qui n’empêche pas la société, contrôlée à 50,6% par l’État et à 8% par Vinci – un des principaux concurrents d’Egis sur le secteur des concessions -, de répercuter la nouvelle taxe. De quoi provoquer une levée de boucliers du Syndicat des compagnies aériennes autonomes, dont fait partie Air Tahiti Nui, pris en tenaille par ces augmentations de part et d’autre de sa principale ligne.

« Le Scara déplore le fait qu’une taxe sur les superprofits puisse être supportée par les compagnies aériennes et leurs passagers, tout spécialement en période d’inflation, lit-on sur son site. L’esprit de la loi est de taxer les superprofits des gestionnaires d’infrastructures et non pas les usagers de ces infrastructures. » Dès les débats sur cette nouvelle taxe, les dirigeants d’Aéroports de Paris avaient annoncé un report sur les compagnies, et indiqué que la solution pour qu’elles maintiennent leur rentabilité étaient de répercuter à leur tour les augmentations sur le prix des billets. Air France, pour qui Orly et Roissy sont des bases principales, avait dans la foulée dénoncé le projet du gouvernement, parlant d’une « distorsion de concurrence » avec les compagnies low-cost se posant sur de plus petites plateformes.

 

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