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Mensonge et fraude fiscale: ouverture du procès de l'ex-ministre Cahuzac

Paris (AFP) – Près de quatre ans après un retentissant scandale, s’est ouvert lundi le procès de l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, jugé pour avoir possédé un compte à l’étranger et trompé pendant des années le fisc français.

Interrompue quelques mois, l’audience a repris vers 13H30. Le ministre déchu a cette fois échappé à la foule de micros et caméras qui le guettait en évitant l’entrée principale pour gagner la chambre des criées, une des plus belles salles d’audience du palais de justice.

L’ancien champion de la rigueur budgétaire, 64 ans, doit comparaître jusqu’au 15 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir « minoré » sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en 2012.

C’est le procès du mensonge, celui d’un homme aux multiples visages enferré dans ses secrets: Cahuzac, le ministre qui bataillait pour le redressement de l’Etat, pendant que « Birdie » avait un compte en Suisse et se faisait livrer du cash dans la rue.

La démission de l’ancienne étoile montante socialiste, en mars 2013, puis ses aveux en avril, ont fait tanguer le gouvernement, écorné la « République exemplaire » voulue par François Hollande.

L’ONG Transparency International France estimait lundi qu’avec le recul, « l’affaire Cahuzac aura constitué pour notre pays un électrochoc salutaire », avec la création en 2013 d’un parquet national financier et d’une Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Sur le banc des prévenus, au côté de Jérôme Cahuzac sont assis son ex-épouse Patricia Ménard et leurs anciens conseillers, le banquier suisse François Reyl et l’ex-avocat Philippe Houman. Ils risquent une peine allant jusqu’à sept ans de prison et un million d’euros d’amende. La discrète banque genevoise Reyl comparaît aussi, comme personne morale.

– Fraudeur « obstiné » –

A l’ouverture du procès en février, les Cahuzac avaient tenté d’échapper aux poursuites pour fraude fiscale, dénonçant une « double peine » alors qu’ils avaient déjà accepté un redressement fiscal majoré de 2,3 millions d’euros.

Les débats avaient été interrompus, le temps pour le Conseil constitutionnel de trancher: en juin, les « Sages » validaient le cumul des poursuites pénales et des sanctions administratives « dans les cas de fraudes les plus graves ».

L’affaire débute en décembre 2012, quand le site d’information Mediapart révèle l’existence d’un compte caché, d’abord en Suisse puis à Singapour, de Jérôme Cahuzac. Le mois suivant, le parquet ouvre une enquête.

Celle-ci fait apparaître les mécanismes d’une fraude fiscale « obstinée », « sophistiquée » et « familiale ».

A l’origine de cette entreprise, Jérôme Cahuzac, chirurgien de formation, et sa femme dermatologue qui ont tenu ensemble une florissante clinique spécialisée dans les implants capillaires avant de se séparer.

Au début des années 90, l’argent coule à flot, entre les règlements des riches patients de la clinique et les lucratives activités de conseil de Jérôme Cahuzac qui, après un passage au cabinet du ministre de la Santé Claude Evin, propose son expertise à des laboratoires pharmaceutiques.

Un premier compte est ouvert par un « ami » en 1992 à UBS, puis un autre au nom de Cahuzac lui-même l’année suivante. En 1998, tous les avoirs sont transférés chez Reyl.

Quand le secret bancaire suisse commence à se fissurer en 2009, les 600.000 euros que détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, en faisant un détour par une société-écran panaméenne puis une autre aux Seychelles, un montage réalisé avec l’aide d’un intermédiaire basé à Dubaï.

Mme Cahuzac a elle choisi la Royal Bank of Scotland sur l’île de Man pour déposer des chèques de patients anglais, avant d’ouvrir son propre compte en Suisse, sur fond de brouille avec son époux.

Même les comptes de la mère de l’ex-ministre serviront à « blanchir » les chèques de clients de la clinique. L’argent a payé des vacances à l’Ile Maurice ou des appartements aux enfants à Londres.

Une fois les biens revendus, les avoirs rapatriés et le divorce prononcé, reste pour les Cahuzac l’épreuve du procès.

L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le 5 septembre 2016 au Palais de Justice à Paris. © AFP

© AFP PHILIPPE LOPEZ
L’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le 5 septembre 2016 au Palais de Justice à Paris

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